samedi 14 juillet 2007

La question de l'organisation révolutionnaire anarchiste

Position de la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est

La Fédération des communistes libertaires du Nord-Est [NEFAC] n'est encore qu'une petite fédération anarchiste et il y a beaucoup de chemin à faire, selon nous, avant de voir émerger dans notre région le type d'organisation révolutionnaire que nous préconisons. Notre fédération est composée de militantEs provenant de divers mouvements de résistance et s'identifiant à la tradition communiste dans l'anarchisme. Nos activités sont organisées autour du développement théorique, de la propagande anarchiste, et de l'intervention dans les luttes de notre classe, soit de façon autonome soit par le biais de notre présence active dans les mouvements sociaux. Depuis notre formation, en août 1999, nous nous appuyons sur un certain nombre de principes.

Notre but : la révolution

Comme communistes libertaires, nous luttons pour une société sans classe et non-hiérarchique. Nous envisageons une confédération internationale de communautés et de lieux de travail radicalement démocratiques et autogérés. Pour atteindre cette société, notre classe abolira le salariat et socialisera toutes les industries, les moyens de production et de distribution. Nous rejetons la division du travail qui condamne un individu à une vie d'activités restreintes pour les seules fins de l'économie marchande. L'abolition des marchés et de la valeur d'échange permettra la satisfaction des besoins humains en adhérant au principe communiste : “ de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ”.

Nous croyons que la seule façon d'y arriver est une révolution sociale, politique et culturelle où les classes opprimées mènent la lutte jusqu'au bout, renversent la civilisation bourgeoise et abolissent le capitalisme, l'État, le patriarcat et le racisme. Une telle perspective radicale ne peut émerger, selon nous, que de mouvements sociaux. C'est pourquoi nous prônons la radicalisation de toutes les luttes (du latin “ radix ”, c'est-à-dire “ racine ” : radicaliser signifie aller aux racines des problèmes).

Par le biais de cette radicalisation et de notre engagement en tant que communistes libertaires dans divers mouvements de résistance, nous voulons contribuer au développement d'une conscience de classe autonome, seul garde-fou contre les récupérations politiques de diverses tendances (incluant une éventuelle récupération par un courant anarchiste). La révolution que nous souhaitons ne sera pas l’oeuvre d'une organisation, même anarchiste, mais d'un large mouvement de classe par lequel les “ gens ordinaires ” vont prendre directement le plein contrôle sur la totalité de leur vie et de leur environnement.

Nécessité de l'organisation

Toute période révolutionnaire devra être précédée par le travail d’organisations capables de populariser l'alternative libertaire et les méthodes anarchistes; des organisations capables de mener la bataille des idées et de servir de pôle de ralliement pour les militantEs. Pour cela, nous croyons qu'un mouvement anarchiste fort et surtout présent dans les luttes sociales est nécessaire. Entendons nous bien, nous ne croyons pas qu'une organisation soit un mouvement et nous ne prétendons absolument pas représenter le mouvement anarchiste dans son ensemble. Tout en ayant confiance en nos idées, nous ne pensons pas détenir LA vérité et il est fort probable que nous nous trompions sur tel ou tel point. C'est pourquoi nous prônons le pluralisme révolutionnaire.

Nous rejetons l’idée du "parti-politique-guide-des-masses", idée qui réduit le concept de révolution à la prise de pouvoir autoritaire par un parti centralisé croyant agir au nom des dites masses. Nous savons aujourd'hui que cette vision mène à des dictatures sanglantes qui n'ont rien à voir avec le socialisme. Son but n'étant pas la prise du pouvoir, l'organisation anarchiste n'est donc ni un parti, ni une avant-garde autoproclamée, mais une minorité agissante au sein des classes populaires. La pratique organisationnelle anarchiste est l'un des moments des luttes sociales, c'est une assemblée de militantEs sur la même longueur d'onde, un lieu de confrontation et de synthétisation d'idées et d'expériences sociales et politiques.

Parce que nous ne croyons pas que l'organisation anarchiste soit un mouvement, nous prônons aussi la formation de larges organisations de masse directement démocratiques. Cela peut inclure des syndicats démocratisés, des conseils de lieux de travail, des assemblées de quartiers et des organisations communautaires. C'est par l'association de telles organisations populaires que les gens remplaceront l'État. Les organisations spécifiques de diverses tendances politiques, telle la nôtre, vont compétionner démocratiquement et coopérer dans ces organisations plus larges.

Principes organisationnels de base

La philosophie anarchiste implique un certain nombre de principes d'organisation qu'il est important d’expliquer ici. Nous en avons dégagé quatre : la cohérence théorique, l'unité tactique, la responsabilité collective et, évidement, la démocratie directe fédéraliste.

Le communisme libertaire, que nous prônons, est un ensemble de propositions théoriques et tactiques formant un projet politique cohérent que les anarchistes veulent mettre en pratique et qui, donc, a besoin d'être formulé en une plate-forme déterminée. De plus, pour être efficace et réussir à populariser notre plate-forme, celle-ci doit être commune à l'ensemble de notre organisation. Elle constitue notre cohérence théorique.

Mais une plate-forme commune ne suffit pas. En effet, pour l'appliquer, il faut employer les moyens adaptés à sa réalisation. Nous croyons que ces moyens ne sont pas arbitraires ; ils sont déterminés par le but à atteindre et les circonstances de la lutte. Le choix des tactiques à employer n'est pas neutre et sans conséquence; d'après nous, il découle du but que l'on se fixe et c'est pourquoi nous préconisons l'unité tactique.

La pratique nous montre que la conséquence logique de ces principes organisationnels est la responsabilité collective. Si nous acceptons collectivement des positions politiques et une ligne d'action déterminée, c'est pour que chaque membre l'applique dans son travail politique. De plus, en nous entendant sur un travail à faire et une façon de le faire, nous devenons responsables, les uns envers les autres, de son exécution. La responsabilité collective, finalement, n'est rien d'autre que la méthode collective d'action.

Fonctionnement interne de la NEFAC

Pour son fonctionnement, l'organisation anarchiste rejette le centralisme et adopte les principes de la démocratie directe fédéraliste. C'est-à-dire que les groupes et les unions locales de la NEFAC sont autonomes et sont les mieux placés pour déterminer le travail quotidien à faire et la façon de le faire dans leurs communautés.

Le congrès est l'instance souveraine de la fédération, il est ouvert à touTEs les membres et a lieu deux fois par année. Toutes les décisions y sont prises après épuisement du débat (par vote à majorité simple quand c'est nécessaire, par consensus le reste du temps) et sont finales, immédiatement applicables et lient les membres. Seul un nouveau congrès peut renverser une décision ainsi prise. Toutes les règles de fonctionnement de l'organisation sont adoptées en congrès et s'appliquent donc à tous. Entre les congrès, il existe un conseil fédéral permanent de déléguéEs qui fonctionne sur la base d'un groupe membre, un vote. Il appartient aux groupes et unions locales de déterminer la meilleure façon d'appliquer les décisions prises en congrès et en conseil fédéral.

Les anarchistes savent pertinemment que la présence d'une majorité et d'une minorité ne signifie nullement que la majorité ait raison. C'est pourquoi toute organisation anarchiste devrait prévoir des mécanismes permettant à une minorité, tout en étant quand même liée aux décisions prises par l'organisation, de défendre son point de vue à l'intérieur de l'organisation même si il a été battu en congrès ou en conseil de déléguéEs. Dans tous les cas, une organisation anarchiste doit être un milieu où le sectarisme est découragé et le dialogue encouragé, un milieu où règne une atmosphère de “ franche et saine camaraderie ”.

Toutes les tâches permanentes au sein de l'organisation anarchiste sont de nature purement exécutive, soumises à un mandat clair et les camarades qui s'en chargent sont révocables en tout temps. Les mêmes règles s'appliquent aux délégations. Sans en faire une règle de fonctionnement stricte, la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est est généralement favorable à la rotation des tâches.

Quand elle le juge nécessaire, l'organisation anarchiste peut également créer des groupes de travail et mandater des camarades pour la réalisation de projets spécifiques. Ces groupes de travail sont soumis aux mêmes règles que les postes permanents et les délégations.

(adopté à Montréal le 14 septembre 2002, publié pour la première fois dans le numéro 3 de Ruptures (mars 2003))

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