Le scrutin du 26 mars confirme la victoire des courants de la droite ultra-libérale et conservatrice dans l’arène électorale. Un courant réactionnaire (taxé de « populiste ») s’exprime à travers un appui massif à l’ADQ dans plusieurs régions du Québec. Dans le débat autour des fameux « accommodements raisonnables », le parti de Mario Dumont n’a pas hésité à faire appel à des sentiments de peur identitaire qui, loin de se dissiper, iront sans doute en s’accentuant au cours des prochaines années. Les autres partis, ne souhaitant pas demeurer en reste, sont fortement tentés de jouer à ce même jeu explosif, quitte à fournir du leste aux racistes et aux xénophobes de tout poil.
Si l’échiquier de la politique partisane pointe résolument à droite, il serait faux de prétendre que toutes les personnes qui ont voté pour l’ADQ l’ont fait au nom de valeurs réactionnaires. Si une bonne partie de la base militante adéquiste est effectivement vendue à ces idées, ce n’est pas nécessairement le cas pour le reste des électeurs et des électrices. Pour bien des gens, un vote pour Mario Dumont traduit davantage une forme de protestation à l’endroit de Jean Charest et d’André Boisclair. D’ailleurs les résultats de l’élection confirment la débandade du PQ et du PLQ, qui sont réduit au rang de tiers partis. Avec plus ou moins 30% des bulletins de vote, aucune des trois formations représentées à l’Assemblée nationale ne peut prétendre gouverner de façon hégémonique. Ce morcellement des partis bourgeois n’empêchera pas ces trois formations de s’entendre, à quelques virgules près, sur un programme pro-patronal de privatisations et de congés de taxes aux grandes entreprises. Néanmoins, il laisse la porte ouverte à une remise en cause de leur légitimité à diriger et à prendre des décisions au nom de « l’intérêt public ».
Des forces émergentes ?
La campagne électorale a permis à deux nouveaux partis de progresser en terme de suffrages. Québec solidaire améliore sensiblement le score réalisé par l’Union des forces progressistes (UFP) en 2003, mais abandonne chemin faisant toute référence au projet socialiste et peaufine son image de parti « pragmatique et responsable » qui fait lui aussi des promesses chiffrées. Mais où est passée l’analyse anti-capitaliste? En fait, Québec solidaire a largement profité du ressentiment à l’égard du Parti Québécois qui continue de s’exprimer dans les mouvements sociaux. Cette rupture avec le PQ, qui demeure une bonne chose en soi, ne s’est pas faite sur des assises de classe mais bien sur un ensemble de valeurs « humanistes » et une longue liste d’épicerie. Quand au Parti Vert, son approche « ni gauche, ni droite » doit nous rappeler le flou artistique de son programme et l’opportunisme de sa démarche, laquelle pourrait néanmoins s’avérer payante à long terme.
Par ailleurs, on remarque qu’un nombre important de personnes (30%) ont choisi de n’appuyer aucun parti en s’abstenant de voter ou en annulant leur vote. Loin d’être exclusivement le fruit d’une démarche apolitique, la position abstentionniste était également défendue par les militantes et les militants de la NEFAC et du RAME, qui ont organisé une campagne autour de cette question, campagne qui a suscité un certain intérêt auprès de la population. Plusieurs milliers d’affiches, de journaux et d’autocollants ont été diffusés dans les quartiers populaires, de même que dans les institutions d’enseignement post-secondaire. Il s’agissait de l’une des plus importantes campagnes abstentionnistes des vingt dernières années. Son succès relatif permet d’espérer une collaboration de plus en plus étroite entre les deux organisations qui l’ont initiée.
Des défis importants
La conjoncture politique actuelle, tant à Québec qu’à Ottawa, pose d’importants défis aux mouvements qui luttent pour changer la société. Après avoir passé au tordeur le mouvement syndical, qui s’est montré bien peu visible pendant la campagne électorale malgré l’ampleur des attaques dont il a été victime, Jean Charest s’apprête à faire de même avec le mouvement étudiant. Avec un parti d’opposition largement vendu aux réformes néolibérales, combien de temps durera le « statu quo » que les différents mouvements sociaux sont parvenus à maintenir (!) après quatre ans de lutte contre le gouvernement libéral ?
Pour bloquer la droite et arriver à construire un front social combatif et radical, les mouvements de résistance devront poursuivre leur enracinement auprès des classes ouvrières et populaires, accomplir un profond travail d’éducation populaire afin de démystifier les fausses solutions proposées par les partis politiques bourgeois et cultiver leur autonomie face au pouvoir. L’autonomie des mouvements sociaux face aux partis politiques vaut aussi pour Québec solidaire, dont l’objectif avoué au cours des quatre prochaines années sera d’obtenir des changements au mode de scrutin pour établir un système de représentation « proportionnel ». Peu importe : ce n’est pas ça qui changera quoi que ce soit au merdier dans lequel nous sommes plongé-e-s ! C’est dans la rue que la gauche sociale peut prendre son « match revanche ». Qu’on vote ou non, ce qui compte, c’est ce qu’on fait concrètement tout au long de l’année pour mettre un terme à ce système pourri.
Développer une alternative… libertaire
À toutes celles et ceux qui se sentent impuissant-e-s face à la remontée de la droite, qui ont envie de s’impliquer pour faire progresser les idées d’égalité, de solidarité et de liberté, nous vous invitons à prendre contact avec nous. La NEFAC organisera au cours des prochaines semaines plusieurs activités publiques dans différentes villes à travers le Québec. Nous en profiterons pour faire le point ensemble sur la situation politique, en insistant sur l’importance de s’organiser pour proposer une véritable alternative libertaire face au bourbier néo-conservateur.
Pour l’anarchie et le communisme,
Collectif anarchiste La Nuit
Secrétariat francophone,
Fédération des communistes libertaires du nord-est (NEFAC)
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