On vient d’apprendre que la Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité (affiliée à la FTQ-construction) a participé à la création de l’association « À bon port », un groupe de pression « citoyen » qui entend militer en faveur du projet de port méthanier Rabaska sur la rive-sud de Québec. D’après ses promoteurs (les multinationales Enbridge, Gaz de France et Gaz Métro), Rabaska pourra recevoir des navires chargés de gaz naturel, décharger leur cargaison, entreposer temporairement le gaz dans des réservoirs avant de le vaporiser, c’est-à-dire de le ramener à son état gazeux original. Celui-ci sera ensuite expédié en continu vers le réseau de transport interprovincial, puis vers les réseaux de distribution québécois et ontarien. Ce projet gigantesque, dont la valeur est estimée à plus de 800 millions de $, a suscité dès le départ la colère de la population des secteurs touchés. Plusieurs craignent les impacts négatifs de Rabaska sur l’environnement et le danger associé au transport et au stockage de gaz naturel. RegroupéEs au sein de la Coalition Rabat-Joie (1), les opposantEs ont organisé plusieurs manifestations au cours des derniers mois, mais la lutte s’avère difficile et coûteuse. Au lieu de soutenir les résidants et résidantes opposéEs au projet, le syndicat de la FTQ a choisi de verser 5000$ au groupe « À bon port », auquel participe également pas mal d’entrepreneurs en construction qui voient d’un bon œil l’ouverture d’un chantier de cette ampleur dans la région.
Cette caution apportée par la FTQ (au nom de la création d’emplois) est dénoncée par plusieurs militants syndicaux habitant la rive-sud de Québec. Dans une lettre ouverte aux journaux, l’un d’eux posaient les questions suivantes : « Ce n’est pas tout de créer des emplois pour que les gens aient accès au travail, encore faut-il continuer de se questionner sur ceux à qui ce travail sert vraiment. Aux grands pollueurs ? Aux transnationales qui abusent de leur pouvoir ou de leurs droits dans le monde ? Aux propriétaires qui encaissent subventions et baissent d’impôts sans que nous ayons quelques garanties sur le respect de leurs responsabilités sociales ou corporatives ? À ceux qui se moquent d’une éthique fondamentale, et sans calcul opportuniste, qui est essentielle à la vie en société ? Les propositions de Rabaska seront finalement l’occasion d’un débat de société sur ce que nous voulons faire de notre force de travail, sur la meilleure manière de finir par mieux maîtriser notre destin comme peuple travailleur. Que voulons-nous léguer à nos enfants ? Un monde où les grandes entreprises peuvent investir n’importe où, n’importe quand, pour faire ce qu’elles veulent de notre travail, à n’importe quel prix ? » (2)
(1) www.rabat-joie.org
(2) Lettre envoyée au Journal de Québec par Guy Roy, délégué syndical de base de la FTQ
(publié pour la première fois dans le numéro 11 de Cause commune, automne 2006)
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