samedi 14 juillet 2007

Lock-out à Québec : scabs, violence et solidarité

Plus de 600 membres du Syndicat national des employés de garage (SNEG) ont voulu envoyer un message clair lors d’une assemblée spéciale tenue le 22 février dernier : ils et elles n’ont pas l’intention de céder un pouce aux prétentions de leurs patrons qui les ont mis en lock-out le 11 décembre. Le moral et la solidarité étant au rendez-vous, pas question de déserter les lignes de piquetage avant d’avoir gagné. " Si on rentre, on rentre tous ensemble avec la tête haute, explique un délégué syndical, pas question de laisser les patrons casser le syndicat. "

Ça joue dur sur les lignes...

On ne se doute pas de la violence qui règne sur les lignes de piquetage dressées devant les 28 concessionnaires en lock-out de la région de Québec. Les lock-outé-e-s que le Collectif anarchiste La Nuit a rencontré-e-s nous avaient avertis du climat qui règnent sur les lignes. Nous avions pu en être témoins directement, en assistant ’live’ à une arrestation. Depuis le début du conflit, les patrons ont embauché des firmes de sécurité, et les " gros bars " qui vont avec, chargées de filmer tous les faits et gestes des quelques 850 lock-outé-e-s. Les gardiens de sécurité engagés par l’association patronale sont tellement baveux que certains concessionnaires individuels ont préférer changer de firme plutôt que d’envenimer plus la situation. On nous avait dit que certains " gardiens de sécurité " avaient poussé le bouchon jusqu’à se présenter sur les lignes le matin en disant : " bon, y’est 8 heures là, qui veut des claques sur la gueule aujourd’hui ? ".

La population a pu avoir une petite idée de ce qui se passe quand " l’affaire Samy Tabet " a éclaté dans les médias, le 17 février. Le jeune baveux, goon’s patronal de son état, avait en effet été arrêté vers minuit parce qu’il avait entrepris, pour se venger d’une altercation ayant eu lieu sur les lignes dans la journée, de démolir à coup de deux par quatre un abris de fortune construit par les syndiqué-e-s. Il avait passé la nuit en taule parce qu’il avait dit aux policiers qu’il allait " terminer le travail " pendant la nuit. Témoignage de la grande sensibilité des patrons, le gars a fait réapparition en uniforme devant un autre garage quelques jours plus tard. Un incident qui en dit long sur le climat qui règne sur les lignes, tout comme l’apparition de l’anti-émeute devant un autre garage, par un bel après-midi, parce qu’un gardien avait reçu une balle de neige. En bref, les bousculades, les engueulades, les amendes et les arrestations font partie du quotidien des lock-outé-e-s.

...et en cour

L’exacerbation était à son comble à la mi-février chez les syndiqué-e-s qui, en plus de se geler le cul à des températures pas possibles (-40°C !), devaient faire face à une injonction limitant à 10 le nombre de piqueteurs et piqueteuses. Le retour (relatif) du beau temps, l’élargissement de la solidarité et quelques victoires en cour font toutefois tranquillement changer la frustration de camp.

L’association patronale, qui tente de faire passer les syndiqué-e-s pour des ti-counes violents, n’est pas particulièrement réglo, contrairement à l’image qu’elle tente de projeter. En effet, le syndicat a réussi à convaincre la Commission des relations du travail (CRT) d’émettre une ordonnance pour faire cesser le travail des scabs (briseurs de grève) dans 12 garages. En plus de faire faire le travail des lock-outé-e-s par des garages non-syndiqués, certains concessionnaires faisaient carrément faire le boulot sur place, derrière des placardages (très subtil !). L’un des plus gros concessionnaires est allé jusqu’à déclarer qu’il n’était pas au courant de l’illégalité de ses gestes (non mais !).

Autre développement au dossier, les patrons ont reçu une véritable giffle de la cour supérieure le 19 février. En effet, alors que la corporation patronale contestait l’injonction limitant à 10 le nombre de piqueteurs et de piqueteuse (elle voulait les limiter à 3), un juge a rendu une injonction globalement défavorable aux concessionnaires. D’un côté, elle interdit définitivement aux syndiqués le droit de construire des abris sur les terrains des concessionnaires, de l’autre elle enlève toute limite au nombre de personnes sur les lignes de piquetages (tout en encadrant sévèrement le piquetage, par exemple : pas le droit d’être à moins de 4 mètres de la voiture d’un cadre ou d’un client).

Solidarité

Les membres sont solidaires et tiennent bon sur les lignes qui sont tenues beau temps, mauvais temps, pendant toutes les heures normales d’ouverture (sauf le dimanche). La solidarité des autres secteurs du mouvement ouvrier organisé ne fait pas défaut non plus puisque les membres du SNEG ont pu se permettre de bonifier de 50$ par semaine leur allocation de grève jusqu’à la fin du conflit (allocation maintenant fixée à 280$ par semaine). Il faut dire que de plus en plus de syndiqué-e-s, à l’instar des 450 membres du Syndicat démocratique des employés de garage du Saguenay (SDEG-CSD), acceptent de lever des cotisations spéciales de solidarité (15$ par semaine par membre pour le SDEG).

Rappelons que les lock-outé-e-s se battent surtout pour leur qualité de vie et contre la précarisation. Au moment d’écrire ces lignes, il semble que la partie patronale ait renoncée à abolir la semaine de 4 jours, ce qui a fait revenir le syndicat à la table de négociation (désertée depuis le 11 décembre), mais tente toujours de faire passer l’introduction du travail à temps partiel, de s’attaquer à la formation et à la relève, sans parler de l’élargissement de la sous-traitance. Les syndiqué-e-s refusant catégoriquement des reculs sur ces questions, surtout à l’heure ou le rapport de force est en train de changer de camp, l’impasse est totale. Avec le Salon de l’auto qui s’en vient en mars, parions que nous n’avons pas fini d’entendre parler de ce conflit ouvrier.

(Publié pour la première fois dans quelques journaux et sur le web au début mars 2003)

Aucun commentaire: