Le premier mai c’est, depuis plus d’un siècle, la journée internationale des travailleurs et des travailleuses. Intimement liée aux luttes de la classe ouvrière internationale, la date commémore la lutte pour la journée de travail de huit heure qui avait culminé en une grève générale à Chicago en 1886. Cette grève avait été réprimée dans le sang et avait été le prétexte à la décapitation du mouvement ouvrier anarchiste de la ville (quatre syndicalistes libertaires pendus et un suicidé). En décrétant le premier mai « journée internationale des travailleurs et des travailleuses » le mouvement ouvrier révolutionnaire international avait voulu bien sûr « honorer des martyrs » mais également marquer la permanence des revendications ouvrières face au capital.
Le Premier Mai au Québec
Contrairement à ce qu’affirme la propagande syndicale, c’est en 1906 que le premier mai est célébré pour la première fois à Montréal. Ce sont les anarchistes yiddish du groupe « Aide Mutuelle » qui auraient organisé cette première manifestation en collaboration avec le socialiste québécois Albert Saint-Martin*. Cette première manifestation, en plus de revendiquer la journée de huit heures, s’est déroulée aux cris de « vive l’anarchie! » et « à bas la calotte! ». Le drapeau rouge et les slogans des révolutionnaires n’eurent pas l’air de plaire aux élites. En effet,
l’année suivante, une foule hostile évaluée à 10 000 personnes –composée de curés et d’étudiants réactionnaires de l’Université de Montréal-- attaque la manif et tente d’empêcher la marche. La répression commence alors à s’abattre sur les révolutionnaires, le drapeau rouge est interdit de manifestation, les marches sont empêchées « pour la sécurité des protestataires », etc. Pourtant, les célébrations prennent quand même de l’ampleur. Ainsi, en 1914, près de 3000 sans-travail et 2000 socialistes défilent à Montréal. Manque de bol, les réactionnaires sont plus de 100 000 d’après les journaux d’époque. Dans les années 1930, sur la lancée de l’anti-communisme de Maurice Duplessis, la police de Montréal se dote d’une « escouade contre les communistes » et interdit toute manifestation le premier mai. En 1936 quelques centaines de jeunes communistes tentent de marcher quand même mais sont sauvagement dispersés par les « constables spéciaux ».
Jusqu’aux années 1970, le premier mai est délaissé au Québec au profit de la « fête du travail » instauré par les patrons américains justement dans le but de faire oublier les événements de 1886 et de détourner l’attention des prolos du mouvement ouvrier révolutionnaire et de ses revendications. Ceci dit, avec la montée des luttes au Québec et, surtout, la grève générale de 1972, la célébration du premier mai revient à l’ordre du jour. Devant la force de frappe des marxistes-léninistes, qui organisent des contingents de plusieurs milliers de personnes au milieu des années 1970, les anarchistes commencent à produire un journal spécial pour l’occasion, intitulé La Nuit comme ce modeste bulletin, histoire de rappeler les origines libertaires des manifestations. Depuis 30 ans donc, le premier mai est de nouveau célébré par le mouvement syndical québécois. À Montréal, de grandes marches ouvrières sont organisées auxquelles participent des contingents révolutionnaires et, depuis quelques années, des contingents anarchistes de plus en plus importants. À Québec, par contre, la célébration du premier mai se limite plus souvent qu’autrement à un pique-nique syndical sur l’heure du midi à l’ombre de la colline parlementaire. Il nous semble évident que de tels rassemblements au centre-ville sur l’heure du midi ne sont destinés qu’à une « aristocratie ouvrière » jouissant déjà de droits syndicaux étendus et ne sont donc pas appropriés pour la majorité des esclaves salariés d’aujourd’hui qui, trop souvent, ne peuvent y participer parce qu’ils et elles travaillent, justement. Cela laisse plusieurs militants sur leur faim. Faute d’énergie, notre collectif avait dû se contenter l’an passé du collage d’une affiche spéciale pour le premier mai. Cette année nous nous reprenons avec un rassemblement anticapitaliste et libertaire. Après des débuts sans doutes modestes, nous espérons pouvoir ancrer une tradition de manifestations de rues de plus en plus combatives à Québec.
Au delà des revendications immédiates...
Quand on regarde le carnet de revendications de la grève générale du premier mai 1886, on se rend compte qu’elles sont pour l’essentiel reprises dans les normes minimales du travail en vigueur légalement au Québec. C’est dire comment la société a peu progressé depuis le temps! En fait, nous avons plutôt régressés, surtout si l’on considère la montée de la précarité et la dégradation des conditions de travail. Qui peut se targuer aujourd’hui d’avoir un horaire fixe, de ne faire qu’une journée de huit heures maximum et d’avoir un jour de repos garanti toutes les semaines? C’est pas compliqué, soit l’on ne travaille pas assez et c’est la galère pour joindre les deux bouts, soit on travaille beaucoup trop et il ne reste plus de temps pour rien d’autre! Les revendications immédiates et quotidiennes nous semblent donc aujourd’hui aussi pertinentes qu’en 1886 et, comme à l’époque, seul un mouvement ouvrier combatif pourra garantir leur satisfaction.
Ceci dit, un autre idéal animait les participant-e-s de la grève générale de 1886 : celui d’un monde sans patrons, ni députés. Un monde où l’esclavage salarial aurait disparu pour laisser la place à l’autogestion généralisée des moyens de production et d’échange. Un monde où la production serait faite pour combler les besoins humains, et non pour accumuler les profits. Cet idéal, le communisme libertaire, nous le portons fièrement aujourd’hui avec cette manifestation. Notre classe, le prolétariat, est la seule en mesure de réaliser pleinement les changements nécessaires pour atteindre cet objectif. Nous avons le nombre, nous avons la force nécessaire pour renverser à tout jamais le régime de terreur qui nous enferme dans le statu-quo perpétuel.
Créons des contre-pouvoirs!
Pour l’anarchie et le communisme,
Collectif anarchiste La Nuit
* Chauvinisme national oblige, de collaborateur, Saint-Martin est devenu organisateur sous la plume des historiens nationalistes...
(publié pour la première fois dans le bulletin La Nuit, le 1er mai 2003)
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