Alors que des questions fondamentales animent la rue, que des conflits majeurs pointent à l’horizon, le débat politique se résume de plus en plus à deux colonnes de chiffres et à une stratégie de communication. Bienvenue dans le merveilleux monde du crétinisme parlementaire!
Duceppe et Layton ne valent pas mieux que les autres. Peut être vous souvenez-vous de la campagne électorale de l’été passé. Gilles Duceppe, du Bloc, et Jack Layton, du NPD, s’entendaient comme larron en foire et concentraient le gros de leurs attaques contre les libéraux et les conservateurs. Ah, la belle gauche social-démocrate que voilà...
Un an plus tard, ils se sont révélés aussi menteurs et opportunistes que Harper et Martin. Le NPD de Jack Layton a redonné une virginité au gouvernement libéral en échange de 4,6 milliard $ sur deux ans dans différents secteurs (comme le logement et l’environnement). Quant au Bloc de Gilles Duceppe, il a fait alliance avec la droite dure canadienne, au risque de la voir prendre le pouvoir, dans le but de renverser les libéraux et peut-être faire élire une poignée de députés de plus. Les bloquistes ont fait de l’opposition au budget une «question de principe», alors même que l’amendement du NPD allait dans le sens de leur plate-forme électorale. Étant condamné à l’opposition perpétuelle, on aurait pu croire le Bloc immunisé contre les virages à droite à répétition du PQ. Mais non!
Pourtant, le mouvement souverainiste se présente de plus en plus «à gauche». On avait déjà eu droit à Landry nous expliquant que la gauche «réaliste» milite au Parti Québécois. Or voilà que les idées du club politique «Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre» (SPQ-Libre) triomphent au congrès du PQ. Tous les commentateurs l’ont souligné: le PQ s’est doté d’un programme résolument social-démocrate lors de son congrès.
Il ne servait sans doute plus à rien de brandir la «modernisation de l’État» et la «refondation du modèle québécois», surtout quand l’on sait le sort qui a été réservé à la réingénierie libérale. Quid des réflexions d’un André Boisclair et d’un Joseph Faycal qui, il y a 3 ans, voulaient «recentrer» le parti un peu plus à droite? C’est qu’à l’époque, l’ADQ avait le vent dans les voiles...
Vu de Québec ou, pire, de Rivière-du-Loup, l’ADQ n’a rien d’une baloune dégonflée. Pendant que la gauche est «à la mode» à Montréal et dans les médias «nationaux», c’est le populisme de droite qui prend racine dans l’est du Québec. Il y avait déjà le «caractère disctinct» du paysage radiophonique de Québec (i.e. la radio poubelle), voilà que ça se met à transparaître dans les enquêtes d’opinion et dans les mouvements sociaux. Tous les mouvements de grève qui ont secoué le Québec ont eu du mal à s’enraciner à Québec, que ce soit les étudiantEs, les éducatrices en garderies ou bien les profs du primaire et du secondaire.
Le populisme de droite se nourrit de la désillusion et de la frustration des gens par rapport à la politique et aux institutions. Il y a bien sûr un fond de vérité dans leur critique de l’État, des lourdeurs bureaucratiques et des élites syndicalo-péquistes. Le problème c’est que cette colère est systématiquement détournée vers des boucs émissaires nullement responsables de la situation («syndicaleux», «b.s.», immigrants, «fonfons», etc.) et que les «solutions» proposées vont systématiquement à l’encontre des intérêts de la «classe moyenne» qui est la cible première de toute cette propagande. Le populisme adéquiste n’est que le revers de la médaille de la «social-démocratie» péquiste. Il s’agit en fait d’un cheval de Troie permettant de faire assimiler par les classes populaires des idées allant globalement dans le sens des intérêts de certaines couches capitalistes.
La période qui s’annonce risque d’être turbulente. D’une part, nous sommes au beau milieu d’une montée des luttes. Il y a très clairement une polarisation sociale à l’oeuvre un peu partout. D’autre part, il semble de plus en plus clair que nous sommes à l’orée d’un nouveau cycle de mobilisation sur la question nationale. Les gens sont tellement écoeurés, avec raison, de la gestion libérale tant à Ottawa qu’à Québec, que la souveraineté gagne du terrain par défaut. Il ne serait pas surprenant que la question nationale vienne occulter tout le reste à brève échéance.
Comment pouvons nous résister aux vents contraires? Comment survivre dans un environnement qui risque de devenir de plus en plus hostile aux idées libertaires? Comment couper l’herbe sous le pied aux populistes, tout en développant une position de classe capable de damer le pion aux deux nationalismes qui s’affronteront? Nous sommes d’avis qu’il faudra de plus en plus regrouper nos forces éparpillées. Une diffusion encore plus large de ce journal pourrait être un premier pas dans cette direction. Qui veut mettre la main à la pâte?
Unissons-nous contre le crétinisme parlementaire, pour l’autonomie des luttes et l’autogestion généralisée!
(Publié pour la première fois dans le numéro 7 de Cause commune, été 2005)
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