lundi 16 juillet 2007

Contre le dégel, pour la gratuité (une position pragmatique!)

Une étude récente de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) démontre que, loin d’être une utopie irréaliste, la gratuité scolaire à tous les niveaux est un objectif réaliste et réalisable à court terme. L’abolition pure et simple des frais de scolarité et autres « frais afférents » ne coûterait en effet que 550 M$ et n’impliquerait qu’une hausse de 4,2% du budget du Ministère de l’éducation. Le principal frein à la gratuité scolaire n’est donc pas budgétaire mais idéologique.

Le dégel ne réglera rien

Le sous-financement du réseau universitaire québécois est généralement évalué à 400 M$. C’est un problème réel mais il ne sera pas réglé par un dégel modeste des frais de scolarité. Une étude de la CADEUL (l’association étudiante de premier cycle à l’Université Laval) évalue qu’un dégel respectant l’indice des prix à la consommation n’apporterait que 4,6 M$ de plus dans les coffres des universités. Forcément, pour avoir un impact réel, un dégel devra nécessairement être sauvage (à l’image des 350% de hausse occasionnée par le dernier dégel libéral). Même là, les chercheurs de l’IRIS mettent en garde contre la pensée magique. Partout ailleurs au Canada, les hausses de frais de scolarité ont été accompagnées d’une baisse proportionnelle de la contribution étatique. Ainsi, la part de financement des universités canadiennes provenant directement de la poche des étudiantEs est passée de 13% en 1980 à 34% en 2005 alors que la part de financement étatique est, elle, passée de 80% à 59%. Bref, au Canada anglais, les hausses de frais n’ont rien réglé du sous-financement des universités (qui est aussi criant qu’ici, soit-dit en passant).

L’impact des frais de scolarité

Préserver l’accessibilité aux études est l’argument majeur des associations étudiantes contre un dégel des frais de scolarité. Et il y a de quoi : 70 % des jeunes canadiens et canadiennes identifient « des raisons financières » comme principal obstacle à la poursuite d’études postsecondaires. Selon le Journal of Higher Education, la proportion d’étudiantEs moins nantiEs susceptible de persister et de terminer leurs études baisse de 19 % pour chaque augmentation de 1 000 $ des frais de scolarité.

Au Québec même, on constate que les frais de scolarité ont un impact marqué sur la fréquentation scolaire. De 1992 à 1997, c’est-à-dire avant que les effets du gel ne puissent se faire sentir, les inscriptions dans des programmes d’études devant mener au baccalauréat ont connu une diminution de 14,6 %. Curieusement, à partir du moment où le gel des frais de scolarité entre en vigueur, les inscriptions repartent à la hausse... Ainsi, dans la période menant de l’année scolaire 1997-1998 à 2005-2006 les programmes devant mener au baccalauréat ont enregistré une hausse de 22,1% de leurs inscriptions, cette hausse a été de 35,6 % pour les programmes conduisant à la maîtrise et de 63,2 % pour ceux se concluant par l’obtention d’un doctorat. Dans le même ordre d’idée, il n’est pas inutile de souligner qu’en 30 ans le taux de diplomation collégial (où s’applique une quasi-gratuité scolaire) est passé de 40% à 60%.

Évidemment, « quand on veut, on peut » et même des frais de scolarité élevés n’arrêteront pas des jeunes déterminés qui ont du talent (et l’appui de leur famille). On peut toutefois se demander à quel prix? Ce prix, c’est l’endettement étudiant qui suit en général la courbe des frais de scolarité. Au Québec, l’endettement moyen d’un étudiant ayant pris à sa charge son prêt à la fin de ses études de 1er cycle était de de 13 100$ en 2001-2002 alors qu’il était de 22 700$ en Ontario.

Vers la grève générale?

Réunis en congrès les 17 et 18 février dernier, les membres de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) ont réitéré leur appui au principe de la gratuité scolaire. Comme le contexte est également marqué par une menace sérieuse de dégel des frais de scolarité, l’ASSÉ invite toutes les associations étudiantes du Québec à se doter le plus rapidement possible de mandats pour, en cas de dégel, lancer dès l’automne prochain une grève générale illimitée pour la gratuité scolaire. Une manifestation nationale, soutenue par des journées de grève, aura lieu le 29 mars prochain. Un congrès spécial est déjà prévu pour le 7 avril. À suivre...


Pour en savoir plus : « Tarification de l’éducation postsecondaire ou gratuité scolaire? ». Disponible à
www.iris-recherche.qc.ca et www.asse-solidarite.qc.ca

(Publié pour la première fois dans le numéro 13 de Cause commune, mars 2007)

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