samedi 14 juillet 2007

LA FARCE ELECTORALE ET NOUS

Ça y est, c’est reparti pour un tour. La chasse à l’électorat est ouverte. Les promesses vont débouler, les politiciens vont soudainement (re)devenir sensibles à nos problèmes.

Tout bien réfléchi, Dumont ne coupera peut-être pas dans les programmes sociaux, Charest se montre ouvert au logement social et Landry est obsédé par la lutte à la pauvreté (et les oiseaux !). Tout le monde est pour un Québec juste, équitable et... prospère. On nous promet le beurre (les programmes sociaux) et l’argent du beurre (les baisses d’impôt). Tout le monde sait que ce n’est que du vent tout ça. À l’année longue les politicienNEs se foutent de nos gueules et nous foutent des coupures sur la gueule. Pas surprenant que le cynisme gagne du terrain et que de moins en moins de gens se donnent la peine de voter. Nous ne sommes plus dupes.

Plutôt que de se réjouir de cette désaffection des urnes (il était temps !), nombre de gauchistes désespèrent. À les entendre, il faudrait voter ! Pour que nos voix comptent, pour barrer la route à la droite (éviter le pire), pour construire une alternative crédible, pour donner un débouché politique aux mouvements sociaux. Voilà quelques unes des raisons évoquées. Comme si, le temps d’une élection, le vrai pouvoir revenait faire un tour chez les citoyenNEs (alors qu’il ne s’y est plus pointé le bout du nez depuis longtemps). Comme si soudainement toutes les niaiseries sur la démocratie et le devoir civique reprenaient sens en période électorale. À croire que la gauche s’est donnée le mandat de ramener les brebis au bercail...

Quelle alternative ?

Si le pouvoir n’est plus vraiment au parlement, il n’en demeure pas moins que les politicienNEs éluEs ont une réelle capacité de nuisance et que la couleur de leur drapeau n’est pas totalement anodine. Nous ne sommes pas aveugles au point de prétendre qu’il n’y a absolument aucune différence entre la fausse gauche et la vraie droite au pouvoir. Pour les pauvres en particulier et le monde ordinaire en général, il y aurait probablement une différence entre un gouvernement péquiste et un gouvernement adéquiste. N’empêche que dans les deux cas, il va falloir se battre pour faire respecter nos droits et se défendre contre des attaques contre nos conditions de survie.

Quel est le meilleur moyen de se défendre contre la droite et de résister au rouleau compresseur néolibéral ? Comment passer à l’offensive pour la justice sociale et la liberté ? Nous sommes contre l’idée de construire un énième parti de gauche. Notre classe a assez donné. Soit ce type de parti reste pur et dur et ne décolle pas, soit il nous trahit jusqu’à ce qu’il puisse prétendre au pouvoir (RCM, RP, PQ, NPD, ça vous dit quelque chose ?). La gauche parlementaire n’existe pas, au parlement il n’y a que la gauche du capital [1]. Une démarche "d’éducation populaire" et de "réflexion critique" sur les politiques sociales de programmes politiques qui ne seront jamais appliqués, démarche qui plus est remplie d’illusions sur le rôle de l’État (ce grand allié historique de notre classe !), sur la démocratie, sur les rapports de force ne nous intéresse pas non plus.

Pour des contre-pouvoirs

Est-ce à dire que nous appelons à ne pas voter et puis c’est tout ? Loin de là. À la fausse gauche et à la vraie droite, plutôt que d’opposer une participation ridicule à la farce électorale, nous opposons une stratégie de contre-pouvoirs. En effet, le meilleur moyen de défendre nos droits et d’organiser une résistance capable de vaincre, reste encore la rue. Ce qui est inquiétant pour l’élite, ce n’est pas tant l’opposition domestiquée qui peut s’exprimer dans l’arène parlementaire mais bien l’opposition sauvage de la rue. Les meilleurs outils contre le néolibéralisme et le capitalisme triomphant ne sont pas de nouveaux partis ou de beaux collectifs éphémères de réflexion critique et de participation citoyenne mais bien nos bonnes vieilles organisations de combat : nos syndicats, nos groupes populaires, nos associations étudiantes, nos groupes féministes, nos groupes écologistes, etc. Bien sûr, ces organisations ne sont vraiment pas toujours à la hauteur des enjeux, mais à qui la faute ? Si les gauchistes, les radicaux, les anarchistes et les gens tout simplement combatifs désertent leurs organisations pour faire d’autre chose (que ce soit pour construire des partis ou des châteaux de cartes), peut-on se surprendre que les organisations en question ne nous ressemblent plus ?

Pour notre part, nous avons choisi de rester à nos postes de combats dans les luttes de classe et les luttes sociales. Si nous manifestons, piquetons, harcelons et gueulons à vos côtés pendant la campagne électorale, ce n’est pas parce que nous nous faisons des illusions sur les partis politiques, les promesses électorales et les élections mais bien parce que nous voulons qu’ils sachent (et que vous sachiez) qu’avant, pendant et après les élections, ils trouveront des gens sur leur chemin pour résister à leurs politiques destructrices, liberticides et antisociales. Un autre monde est non seulement possible mais nécessaire.

Ce monde est à construire maintenant, dans nos luttes, pas dans les urnes.

Agir au lieu d’élire !

Contre la farce électorale, construisons des contre-pouvoirs !

Collectif anarchiste La Nuit (NEFAC-Québec) Québec, 1er mars 2003

(tract diffusé pendant la campagne électorale de 2003)

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