Un système d'éducation public? Laissez-nous rire !
Cela fait déjà plusieurs années qu'une privatisation à rebours est enclenchée dans les cégeps et les universités. Au fil du temps, ce processus s'est manifesté de multiples façons, toutes plus insidieuses les unes que les autres. Comme ce fut le cas pour les autres "services publics ", le système d'éducation n'a pas été complètement privatisé du jour au lendemain. L'État a commencé par attaquer tout ce qui ne relevait pas de sa mission éducative en ayant massivement recours à la sous-traitance. L'esprit corporatiste aidant, le gouvernement savait pertinemment que ni les fédérations étudiantes, ni les syndicats de profs n'allaient se mobiliser pour celles et ceux qui bossent dans l'entretien ménager ou les services de cafétéria. Fiers de leur coup, les technocrates ont ensuite proposé de mieux "arrimer" la formation technique aux besoins du Marché. Les étudiantes et les étudiants des secteurs techniques, satisfait-es de pouvoir obtenir un diplôme reconnu par l'industrie, n'ont pas manifesté leur désaccord. Aujourd'hui, on forme sur mesure des techniciens et des techniciennes pour l'entreprise privée, comme autant de machines produites et assemblées sur une même chaîne de montage. Mais lorsque le Capital n'a plus besoin de ses outils, il n'hésite pas à les mettre aux poubelles et les remplacer par de nouveaux, mieux adaptés aux nouvelles réalités du Marché du travail*
Chaque crise économique renvoie sur les bancs d'école des milliers de travailleurs et de travailleuses qui doivent se plier aux exigences du Capital et devenir plus "performant-es". Cette reconversion forcée se fait évidemment aux frais des étudiant-es qui en payent maintenant le prix. Nous connaissons tous et toutes les effets pervers d'un système d'éducation qui impose des frais de scolarité avec comme seul horizon possible la spirale de l'endettement. Or, la multiplication des frais de toutes sortes a été rendue possible par les compromis que les fédérations étudiantes et les principaux syndicats du secteur public ont fait avec le pouvoir pour atteindre les objectifs fixés par les grands bonzes de la salubrité économique. Lorsque l'État sort sa bourse, il pose désormais ses conditions: tout nouveau financement de l'éducation est conditionnel à l'application du "nouveau" credo capitaliste. Pour s'en convaincre, nous n'avons qu'à penser aux fameux "contrats de performance" ou encore à "l'approche par compétence". Qu'on soit à l'école ou à l'usine, il faut être productif, flexible et fermer sa gueule pendant que le Capital empoche les dividendes.
Au lieu de leur demander des miettes, passons à l'action directe!
Plus que jamais, il faut en finir avec les courbettes devant les patrons, les flics et les politiciens de tout acabit. Nous n'avons pas besoin de leur permission pour définir individuellement et collectivement du monde dans lequel nous souhaitons vivre et les moyens d'y parvenir. Ce processus commence précisément par une critique du système de domination actuel, dont le réseau éducatif fait partie intégrante. Parlons-en de l'éducation qu'on reçoit! Elle sert plus souvent qu'autrement à reproduire le système tel qu'il est présentement, à faire de nous des pantins, à nier notre sens critique et nos intuitions créatrices. Cette éducation n'est pas destinée à faire de nous les sujets à part entière de notre existence, ni même à répondre aux besoins les plus criant de notre société, mais à conforter les bases sociales qui permettent au Capital de fructifier et à l'État de gouverner. Érigé sur une société inégalitaire, ce système d'éducation ne peut être réformé par des demandes à la pièce. Bien sûr, nous devons combattre les contre-réformes que l'État et le patronat souhaitent nous imposer de gré ou de force. Toutefois, nous devons également nous préparer à construire d'autres projets éducatifs qui soient réellement démocratiques, accessibles et pluralistes, à la mesure des désirs de changement que nous portons collectivement.
Pour nous, une telle transformation révolutionnaire passe par l'autogestion généralisée des lieux de vie et de travail, incluant les institutions d'enseignement. La perspective autogestionnaire fait partie intégrante du projet et de la pratique communiste libertaire. Pour contrôler notre vie, il nous faut également contrôler le travail et les moyens de production. Autogérer nos collèges et nos universités, cela signifie exercer un réel contrôle sur les objectifs et le contenu du savoir qui est produit et transmis en le débarrassant de toute vision hiérarchique, autoritaire ou capitaliste. Au lieu de laisser ce pouvoir dans les mains du gouvernement, des technocrates ou des chambres de commerce, commençons à l'exercer nous-mêmes, sans intermédiaire. Il ne s'agit pas de reproduire, ni de gérer le système d'éducation actuel comme le ferait des administrateurs zélés, mais bien d'en imaginer un autre plus en mesure de répondre à nos besoins et à nos intérêts. Pour y arriver, il faut multiplier les moments de ruptures avec l'ordre établi, créer des brèches dans le train-train quotidien et rallier la majorité des étudiantes et des étudiants à ce projet de transformation sociale. Des groupe comme l'ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante) proposent de tenir une grève générale contre le projet de Zone de libre-échange des Amériques au mois de novembre 2002. Plutôt que de fermer les écoles en se gelant le cul dehors, ouvrons toute grande la porte à une grève générale autogestionnaire dans les cégeps et les universités. Vive les occupations illimitées! Vive la gymnastique révolutionnaire!
Pour l'anarchie et le communisme
Union locale de Québec (NEFAC)
(Publié pour la première fois dans le numéro 4 du bulletin La Nuit (22 février 2002).
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