dimanche 30 janvier 2011

Le monde arabe est en feu: dialogue avec un anarchiste syrien



par José Antonio Gutiérrez D. (Anarkismo)

Les grandes révoltes qui secouent le monde arabe au Yémen, en Algérie, en Tunisie et maintenant en Égypte ont pris tout le monde par surprise. Il s'agit, sans aucun doute, de l'un des plus important événement de notre époque. Le message est clair : aucun endroit dans le monde n'est condamné à être le terrain de jeu d'un dictateur-soutenu-par-les-impérialistes. Des régimes extraordinairement autoritaires comme celui de Ben Ali se sont montrés complètement impuissants face à 'un peuple en lutte, uni et déterminé. Les porteurs de ces rébellions sont jeunes, salariés ou chômeurs, des pauvres qui façonnent présentement le visage de la région, donnant des frissons aux cliques de Washington et Tel-Aviv. Toutes les armes amassées par le régime de Moubarak, toute l'aide militaire américaine n'ont pu empêcher la protestation de grandir de plus en plus. Ils font preuve de la puissance du peuple et de la classe ouvrière quand ils se rencontrent, ils montrent la capacité politique des gens ordinaires pour construire des organes de double pouvoir avec un clair instinct libertaire et ils révèlent au monde que nous sommes dans une ère de changement révolutionnaire. Nous avons eu un dialogue rapide avec notre camarade et ami Mazen Kamalmaz en Syrie, rédacteur du blog anarchiste arabe http://www.ahewar.org/m.asp?i=1385 qui parle de l'importance de ce développement politique splendide.

1. Il semble que tout à coup des vagues massives de protestations ébranlent les fondements de régimes oppressifs de longue date dans le monde arabe ... Y avait-il des signes que ces manifestations pourraient se produire?

C'est une des choses intéressantes à propos de cette vague révolutionnaire qui se répand dans le monde arabe, elle a frappé exactement alors que presque personne ne s'y attendait. Quelques jours seulement avant les manifestations de masse en Égypte, le secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a déclaré que le gouvernement égyptien était stable, et maintenant rien n'est stable dans la région: les masses sont en révolte et partout les régimes répressifs s'attendent au pire. Il y a des choses en commun à ces grands incidents, qui sont passé inaperçus pour les régimes, les hommes d'État et même les intellectuels, comme la colère qui était là, cachée, réduite au silence par la répression des États, la pauvreté et le chômage qui étaient en hausse partout ... mais les gouvernements, locaux et occidentaux, pensaient que cette colère pourrait être maintenue sous contrôle ... Nous savons maintenant à quel point ils avaient tort.

Lisez le reste sur causecommune.net

La diplomatie étasunienne fait la split!


Ce montage d'une qualité douteuse est une présentation du pain tranché.

mercredi 26 janvier 2011

Révolte et (forte) répression en Égypte

Inspirés par la récente victoire du peuple tunisien qui a réussit à chasser un dictateur du pouvoir, les Égyptiens et Égyptiennes ont décidé de prendre la rue d'assaut pour demander le départ du président Hosni Moubarak (un dictateur au pouvoir depuis 1981).

Malgré une interdiction de manifester décrétée par le pouvoir; de nombreuses personnes ont de nouveau manifesté aujourd'hui, pour une deuxième journée d'affilée. La police a fortement réprimé les manifestant(e)s; en deux jours ce sont 700 d'entre eux qui furent arrêtés. Des accrochages entre des policiers et manifestant(e)s ont causé la mort de quatre personnes jusqu'à maintenant (3 manifestants et 1 policier).

Ces protestations ont eu lieu malgré un avertissement du ministère de l'Intérieur égyptien, interdisant tout type de manifestation (même la plus pacifique qui soit). Fait intéressant à noter: ces manifestations sont les plus importantes à survenir en Égypte depuis la prise du pouvoir par Hosni Moubarak.

Ces dernières ont commencé après la chute de la dictateur tunisien Zine El Abidine Ben Ali, suite à la révolte tunisienne de la mi-janvier. Tout comme les Tunisiens et Tunisiennes, les habitant(e)s de l'Égypte en ont marre de la pauvreté, du chômage, de l'inflation et de la corruption; 40% d'entre eux vivant avec moins de deux dollars par jour.

Est-ce que le peuple égyptien réussira ce que le peuple tunisien à réussi ? Ce qui se passe dans ce pays démontre qu'il y a encore de l'espoir; malgré la force du discours néo-libéral actuel. Peut-être qu'une éventuelle victoire en terre égyptienne pourrait, une fois de plus, entraîner la chute d'un autre dictateur dans un autre pays arabe.

Voix de faits dans tes oreilles

Au menu cette semaine:
- Négocier votre bail 101
- La situation du logement
- Rencontre du FRAPRU avec le ministre
- Actualité internationale
- Entrevue avec Marie-Eve Rancourt de la Coalition opposée à la tarification



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Voix de faits c'est l'émission de radio du Collectif anarchiste La Nuit (UCL-Québec).

Actualité sociale, contre-culturelle et politique, info sur les luttes, coups de gueule et coups de cœur, ‘Voix de faits’ est la version radiophonique du blogue du même nom. Une autre façon d’occuper le terrain, d’exister politiquement. Une arme de plus dans les luttes sociales et politiques. Un point de ralliement dans la bataille des idées.

mardi 25 janvier 2011

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.4/4

Le texte qui suit fait partie d'un document sans prétention qui constituerait une modeste analyse de la droite populiste. Vous êtes fortement invités à le commenter dans la section prévue à cet effet. Vos commentaires pourront certainement avoir un impact sur la version finale. Il sera publié en plusieurs morceaux dans les jours qui viennent. Il ne représente que les opinions de l'auteur. 

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.4/4
Table des matières
Un début d’extrême-droite?
Leurs buts
Pourquoi notre discours ne passe pas
Ça vas-tu aider un parti en particulier?
La réponse des libertaires
Dénoncer l’imposture
Réinvestir le débat
Conserver nos acquis
Revendiquer le terrain
Se radicaliser

Un début d’extrême-droite?



Avec le regain d’intérêt de l’extrême droite en Europe, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec nos propres droitistes. La question de savoir, est-ce que leur présence est une forme d’avant-garde à des mouvements plus extrémistes? Il est certain qu’en libérant un discours chargé de haine dans l’espace public, les droitistes contribuent à envenimer une brèche mentale. Marginal en ce moment, il est désormais plus probable qu’un discours anti-immigrant trouve sa place dans l’espace public dans les prochaines années. Le chemin commence à être déboisé.



Mais nos droitistes ressemblent plutôt aux adeptes du Tea Party aux États-Unis, qu’on pourrait qualifier d’extrême-droite, au moins sur le plan économique. D’ailleurs, les libertariens David et Charles Koch, magnas du pétrole, financent le mouvement Tea party au même titre que le think thank Réseau Liberté Québec (RLQ) et l’Institut Fraser, via Freedom Works (Une droite organisée mais par qui? Stéphane Nicolas, le Couac, décembre 2010).



“Lorsque le « mouvement populaire » du RLQ assure la promotion du « climato-scepticisme », ce n’est que le discours de ces deux des think tanks ultra-libéraux et conservateurs qu’il reprend, et ce sont bien les intérêts de la famille Koch qui s’expriment à travers eux. Moins d’État pour des sociétés pétrolières comme Koch c’est moins d’impôts, c’est avant tout plus de bénéfices, et un droit de polluer jamais remis en question.” ajoute Stéphane Nicolas.



On pourrait donc dire que, comme lors de l’épisode de la “Manif des cols rouges” en 2010 ou “Libarté je cris ton nom partout” en 2004, nos marcheurs de droite sont moins de farouches réactionnaires que des gens manipulés par des intérêts financiers. Allez savoir ce qui est le pire.

Leurs buts

Avec la grogne contre le gouvernement libéral, il est étonnant qu’un discours de droite parvient encore à trouver preneur. On l’a vu à Québec avec la “Manifestation des cols rouges”, ou 50,000 marcheurs ont réclamé “un ménage” dans les finances publiques. C’est à ce mouvement, ce monde là, à qui les droitistes s’intéressent.



Cependant, tout ce que proposent les droitistes est dans la droite ligne de ce qui est déjà mis de l’avant par l’actuel gouvernement depuis qu’il est au pouvoir, mais avec plus de virulence!

Les droitistes réclament des baisses d'impôts, ce qu’à fait le parti Libéral. Entre 2003 et 2007, l’État s’est privé, en baisse d’impôts, de 5 milliards de dollars. Remarquez que les impôts, méthode de financement progressiste, ont été sabrés pour préconiser des hausses de tarifs, manière régressive.

Les droitistes réclament mois d’État, alors que les libéraux sabrent déjà dans les dépenses publiques. Le budget Bachand supprimera une trentaine d’organisme et limitera la croissance des dépenses. Déjà, “la politique gouvernementale du remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a un sérieux impact sur la qualité des services offerts par des organismes” (Fonction publique: la qualité des services souffre de l'attrition, les Affaires, 26 novembre 2010). Les partenariats-publics-privés (PPP) sont aussi une autre manière de “réduire l’État”, avec les conséquences désastreuses qu’on connaît (dépassements de coûts astronomiques refilés aux contribuables), à tel point que le gouvernement songe même à changer de cap.



Quoi d’autres. Les droitistes réclament des cliniques de soins privés pour pouvoir “avoir le choix”. Le gouvernement libéral ouvre déjà toute une série de cliniques à travers le province et met de l’avant un système de financement philanthropique privé tout en baissant le financement public. Même chose avec l’éducation...



La liste est longue des idées que mettent de l’avant les droitistes, de soi-disantes “nouvelles idées”, qui sont déjà des fer de lance de la politique du gouvernement actuel. Le “ménage des finances publiques”, ça fait depuis 2003 que Jean Charest travaille la dessus, et ses prédécesseurs ne faisaient guère mieux.

Pourquoi notre discours ne passe pas

Le désaveu de la population envers son gouvernement montre bien le rejet des politiques de droite. La question est de savoir pourquoi est-ce que la gauche ne s’impose pas logiquement comme alternative?



La position de la gauche se résume souvent à un retour à l’État providence. Un modèle qui a fait son temps et dont les gens sont justifiés d’entretenir une certaine lassitude. L’État a montré son rôle intoxiquant à de maintes reprises. Un tas d’organisations populaires (l’aide juridique, les CLSC) ont commencé par des initiatives de groupes de quartier qui visaient à offrir des services gratuits aux gens. Ces entreprises ont été complètement travesties par l'institutionnalisation étatique pour devenir une caricature de ce qu’elles étaient à l’origine.



C’est la que les libertaires se démarquent de la gauche traditionnelle. Les libertaires dénoncent l'accaparement des services publics par l’État. Les hôpitaux et les écoles peuvent être autogérés par les travailleurs, sans que personne n’aie besoin de leur tenir la main. De toute façon, défendre le système d’éducation bancal dans sa forme actuelle? Il est probablement moins pire que s’il était privé, mais on peut vraiment faire mieux.



Les déboires syndicaux n’aident certainement pas non plus. Les syndicats ne sont plus les vecteurs de changement social qu’ils ont déjà été. Leur copinage avec les milieux d’affaires et la mafia dégoûte tout le monde.



La gauche est aussi absente de l’espace public. Tout ce qui est toléré par les propriétaires de réseaux médiatiques est la présence d’une gauche molle et réformiste. Cela a bien été démontré lorsque, pour représenter la gauche, on a choisi le journaliste centriste Patrick Lagacé pour débattre contre Éric Duhaime, droitiste zélote (http://www.radioego.com/ego/listen/6298).

Il faut aussi mentionner que le niveau du discours populiste est probablement plus propice à l’écoute que le ton hautain, élitiste et parfois universitaire de certains tenants de la gauche.

Ça vas-tu aider un parti en particulier?

Au bout du compte, ce que propose le RLQ, Force Québec, les think thanks, Maxime Bernier et Johanne Marcotte, c’est une version plus douloureuse que nous propose déjà le gouvernement actuel. Le résultat de leurs actions ne se résumera qu’à fortifier l’adhésion pour tel ou tel parti, L’ADQ et le parti Conservateur, sans proposer de solutions ni d’alternatives crédibles à nos problèmes.

La réponse des libertaires

Puisque les droitistes ne nous proposent qu’un accroissement de notre misère, il est de notre responsabilité de crier notre refus de ces politiques rétrogrades. La seule option souhaitable est celle de prendre la rue. Seule la lutte paie!

Dénoncer l’imposture

Il faut dénoncer l’imposture de la droite qui consiste à faire des services publics (école, santé) une marchandise comme une autre. Il s’agit d’une rhétorique utilitariste qui considère que l’utilisateur (le consommateur) devrait assumer la plus grande partie des coûts. La rentabilité économique supplante ainsi les buts sociaux des services publics. Ces objectifs sont, entre autre, vivre en harmonie avec l’environnement. Développer un mode de vie sain et être en santé. Apprendre comment articuler un discours critique face au monde. Travailler pour vivre et non l’inverse. Lier des relations sociales harmonieuses. Ces objectifs ne peuvent être accomplis en excluant une partie de la population.

Je dis ça comme ça, mais une bonne façon d’agir sur le monde est de militer politiquement. Et heureusement, il est possible de le faire en dehors des partis politiques. L’Union Communiste Libertaire passe l’essentiel de son temps à dénoncer avec vigueur les forces militantes de la connerie universelle. Joignez la tribu des apaches!

Réinvestir le débat

Il faut réinvestir l’espace public. Discuter politique avec nos voisins. Écrire à la section opinion de nos quotidiens. Inviter notre entourage à assister à des conférences. Commenter les articles des blogues. Il faut se réapproprier le débat.

Conserver nos acquis

Il faut aussi constamment rappeler l’importance de conserver nos acquis que sont nos services publics gratuits. Il faut cependant aller plus loin. Le système scolaire doit être gratuit. Le système de santé doit être gratuit. Les garderies, la pharmacie, le logement... gratuit. C’est la seule façon de s’assurer une accessibilité maximale.

Revendiquer le terrain

Il faut aussi occuper le terrain revendiqué par la droite. Des objectifs comme la responsabilité citoyenne, l’efficacité, la lutte contre le gaspillage, la chasse à l’intégrisme religieux (musulman ou chrétien) n’appartiennent pas à la droite. Ça relève simplement du gros bon sens, un autre thème revendiqué par la droite. Et même si ça peut paraître des vérités de la Palice, ont doit le dire. Ce qui est évident pour nous ne l’est pas nécessairement pour les autres.

Se radicaliser

La meilleure réponse a été donnée par les argentins criant “Que se vayan todos”, qu’ils s’en aillent tous. Dégoûtes par l’abus des capitalistes fuyants le pays lors de la crise économique de 2001, les ouvriers ont repris le contrôle de leurs usines. C’est la voie qu’il faut suivre. Nous n’avons pas besoin d’une clique de politiciens ou d’hommes d’affaires pour nous dire quoi faire.



Il faut se réapproprier nos quartiers, nos lieux de travail, nos logements et nos écoles. Contre l’autoritarisme, il faut favoriser l’autogestion et la démocratie directe. C’est la seule manière d’arriver un jour à savourer une liberté authentique. 

Péladeau sauveur du nouveau Colisée (...et des députés conservateurs?)

Le Soleil aura rarement été plus explicite que ce matin. En effet, selon le quotidien de la capitale, le nouveau colisée est la seule planche de salut des conservateurs dans la région. Seul un financement public du fédéral pourrait renverser l'avance considérable que prend le Bloc québécois dans les intentions de vote.

Du pain et des jeux

Cette histoire de colisée a mis pas mal de politiciens dans l'eau chaude. Le maire, d'abord, qui avait peut-être surestimé son rapport de force en prenant pour acquis que tous les paliers de gouvernement lui dirait oui sans condition. Les conservateurs, ensuite, qui ont commencé par se faire prendre en photo avec un chandail des nordiques, juste avant de se faire envoyer promener par leurs collègues de l'ouest.

À Voix de faits, nous ne sommes pas friand des théories de la conspiration mais avouons tout de même que le hasard fait bien les choses. Devant l'impasse, voilà que le plus à droite des grands patrons, PKP, vient à la rescousse et mets «plusieurs dizaines de millions» sur la table. C'est drôle, c'est justement l'argent du privé qui manquait aux conservateurs pour dire oui au projet du «social-démocrate en colère»...

Est-ce que la porte sera suffisamment ouverte pour permettre aux conservateurs de s'y engouffrer à temps pour les élections? C'est ce qu'on verra.

dimanche 23 janvier 2011

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.3/4

Le texte qui suit fait partie d'un document sans prétention qui constituerait une modeste analyse de la droite populiste. Vous êtes fortement invités à le commenter dans la section prévue à cet effet. Vos commentaires pourront certainement avoir un impact sur la version finale.Il sera publié en plusieurs morceaux dans les jours qui viennent. Il ne représente que les opinions de l'auteur. 

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.3/4
Table des matières

Leurs modèles
Duplessis
La Bolivie
Le Chili
La Somalie
La défense de l’identité québécoise
Le féminisme c’est dépassé
Discours des classes aisées récupérée par la classe populaire
Sous-représentativité dans les médias
D’autres idées moins avouables

Leurs modèles

Duplessis

Ça fait réfléchir. Quand le RLQ prétend que leur objectif est de faire avancer le Québec, on constate plutôt le contraire. Leur modèle est le Québec des années 1950, quelque chose qui est assumé sans complexe par Frédéric Têtu (L’affaire Maxime Bernier et l’immobilisme québécois, Les Analystes). Une époque bénie ou on s’endettait à chaque consultation chez le médecin et ou on trottait en carrosse sur des chemins de terre pour conduire ses enfants tuberculeux à l’école de rang.


La Bolivie

Les droitistes aimeraient transformer le Québec dans un paradis des entreprises privées un peu comme certains pays du tiers monde. On jurerait que leur exemple est un pays comme... la Bolivie, tiens. La bas, l’État se résume a peu près à la police et l’armée. Normal, a peu près tout le monde étant travailleur autonome, personne ne paie d'impôt. Comment voudriez-vous qu’il y ait des services publics?

Il y a pourtant bel et bien un système de santé d’État en parallèle avec un système privé. Cependant, à moins d’être très pauvre, personne n’approche les hôpitaux publics, de peur d’en sortir plus malade qu’à l’entrée. On parle fréquemment de cas d’enlèvement d’enfants dans ces hôpitaux.

Notez que la Bolivie est le pays le plus pauvre d’Amérique du sud, malgré ses abondantes ressources naturelles (or, étain, pétrole, gaz naturel, lithium etc). Ça n’empêche pas l’existence d’une classe riche qui accapare toute la valeur de ces ressources, main dans la main avec des corporations étrangères. La Bolivie, pays d’une pauvreté économique, démocratique et sociale sans borne, est le paradis des libertariens.


Le Chili

Un autre beau modèle, géographiquement pas très loin, est celui du Chili de Pinochet. Cette fois, c’est Éric Duhaime qui en fait l’apologie sans complexe dans une note économique de mai 2010. Dans ce document, Éric vante la réforme du régime de retraite du ministre libéral José Piñera, entré en fonction pendant la dictature. Notez que ce système a été critiqué pour être discriminatoire à l’égard des travailleurs à bas revenus et des femmes (http://fr.wikipedia.org/wiki/José_Piñera, consulté le 10 décembre 2010).

L’économie Chilienne fut durablement transformée avec l’intervention des Chicago Boys, des économistes instruits aux États-Unis et influencés par les idées néolibérales de Milton Friedman. Ces politiques ont été désastreuses pour le pays mais pas pour tout le monde. Les classes aisées sont vraiment celles qui ont bénéficiées le plus de l'expansion économique. Ainsi, entre 1974 et 1989, les revenus des 10 % des ménages chiliens les plus riches ont augmenté 28 fois plus vite que les 10 % des ménages chiliens les plus pauvres. Dans son bouquin La Stratégie du choc, Naomi Klein reproche aux Chicago Boys d'avoir appliqué leur politique économique grâce à la terreur exercée par le régime, ce qui aurait été impossible dans un régime démocratique.

La Somalie

La Somalie est aussi l’un des modèles des libertariens (http://www.peterleeson.com/Better_Off_Stateless.pdf). Le pays offrirait des prix exceptionnellement bas et un excellent service dans le domaine privé des télécommunications.

Le pays n’a pas de gouvernement depuis la dictature de Siad Barre en 1991. Par contre, une guerre civile sanglante agite le pays depuis 1986. La Somalie est fréquemment bombardée par les États-Unis qui prennent pour cible l’Union des tribunaux islamiques. L’Éthiopie et l’Union africaine interviennent aussi militairement en Somalie. Les attaques désespérées des pirates somaliens ont connus une formidable gloire internationale médiatique, mais passagère, récemment.

Il ne viendrait pas spontanément à l’esprit de quelqu’un de sain d’esprit de considérer la Somalie comme un modèle à suivre. Mais rien n’arrête les libertariens.

On peut remarquer des points communs entre ces différents modèles. L’état est clairement réduit au minimum, alors que l’entreprise privée est aux anges. Leur charge fiscale est minimale. D’un autre côté, l’écart entre riche et pauvre est abyssal et le bilan du bien-être humain est misérable. 

La défense de l’identité québécoise

Plusieurs des participants du RLQ se proclament nationaliste (canadien ou québécois). Jacques Brassard pleure des larmes de crocodiles en voyant le français s'effilocher à Montréal tout en mettant de l’avant un islamophobisme primaire. C’est le nationalisme du drapeau, de la couleur de la peau et de l’imbécile heureux qui est né quelque part. C’est un nationalisme exclusif, qui classe les citoyens en bons et en mauvais québécois.

Les anarchistes sont internationalistes. Tous les êtres humains sont réunis dans une grande fraternité humaine. Les frontières d’État sont des barrières artificielles entre les peuples qui sert à nous diviser.

Par contre, est-ce à dire qu’il faut accepter l’assimilation d’une culture par une autre? Certainement pas. La culture de tous les peuples doit être protégée. Le métissage, encouragé. L’histoire nous a montré que le capitalisme agit comme un rouleau compresseur sur les cultures. Le meilleur exemple est celui des peuples autochtones. Pour maintenir son pouvoir et pour faciliter le commerce, rien de tel que d’avoir un seul peuple dominant, préférablement blanc, parlant une seule langue, idéalement l’anglais. Le reste doit disparaître par la violence ou par l’assimilation culturelle.

Il pourrait être intéressant que l’UCL développe un jour un argumentaire plus développé en ce sens, en réponse à ceux qui offrent une réponse simpliste à cette question, comme le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ) par exemple.

Le féminisme c’est dépassé

Nombreuses sont les critiques des droitistes au sujet du féminisme. On dit que la Fédération des Femmes du Québec (FFQ) ne représente qu’une minorité de québécoises. Que l’organisation ne serait qu’une vulgaire branche de Québec Solidaire. Finalement, les femmes ne seraient pas plus victimes de pauvreté, de discrimination, d'oppression et d'exclusion que les hommes.

Éric Caire, nous prouvant malheureusement une fois de plus que le ridicule ne tue pas, qualifie même la FFQ d’être islamiste (http://blogues.canoe.ca/ericduhaime/ideologie/feminisme/les-paleo-feministes)

Nathalie Elgrably-Lévy a publié un texte sur le site de l’Institut Économique de Montréal (IEDM) sur le sujet “Jadis, nos grands-mères étaient financièrement dépendantes de leur mari. Aujourd'hui, la FFQ préconise des mesures pour les rendre dépendantes de l'État. L'émancipation, la vraie, consiste à apprendre à ne dépendre de personne et non à remplacer un pourvoyeur par un autre. L'autonomie consiste à se prendre en charge et non à demander d'être entretenu par la société!” On note la présence de l’argumentaire libertarien traditionnel disant que chaque humain possède les mêmes chances de “devenir quelqu’un”, qu’il ne suffit que de mettre beaucoup d’efforts pour obtenir “du succès” et qui sait, pourquoi pas, devenir président des États-Unis. Les droitistes sont conscients des disparités entre hommes et femmes, mais les femmes en sont les uniques responsables.

Mme Elgrably-Lévy oublie commodément que les femmes touchent 70 % du salaire des hommes. Les femmes occupent entre 60 % et 70 % des emplois au salaire minimum (http://www.ffq.qc.ca/2010/08/pour-une-plus-grande-autonomie-economique-des-femmes). Ce n’est pas un choix personnel, ça. Ce n’est pas la responsabilité individuelle de chaque femme. C’est une conséquence de choix politiques et sociaux d’une société patriarcale.

Remarquez que la prise de position de Mme Elgrably-Lévy est celle du statut quo. Si les femmes ont un statut inférieur aux hommes, c’est qu’elles sont naturellement plus faibles. Une position violemment rejetée par les féministes radicaux et les libertaires.

On prend aussi beaucoup de soins à tenter de discréditer le mouvement. Les porte-paroles féministes ne seraient pas assez attrayantes sexuellement. Elles sont contre la sexualité. En bref, quand on ne peut répondre avec des arguments, on utilise l’attaque personnelle.

Discours des classes aisées récupérée par la classe populaire

Tout les gauchistes connaissent la fameuse citation de Warren Buffett « La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, celle des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la remporter ». Il est tout à fait normal que les riches soient conscient de leurs intérêts de classe et les défendent de toute leur force. Le contraire serait bizarre.

Pourtant, avec la “nouvelle droite”, on voit naître toute une fantaisie: La classe populaire s’approprie le discours de la classe riche. Des ouvriers, des mères monoparentales et des étudiants régurgitent le discours du libre marché, de la concurrence avec la Chine et de la hausse des tarifs. Une classe défend l’intérêt de celle qui l’asservit! On parle ici d’aliénation.

Il est particulièrement vivant chez les adeptes de la radio poubelle. Lorsque des citoyens du Québec intra-muros eurent l’audace de se plaindre du bruit généré par l’événement publicitaire Taureau-Rouge-Glace-Brisée, les privant de sommeil pendant des semaines, on vit une autre partie de la ville, la banlieue, prendre le côté de l’entreprise privée. Une compagnie autrichienne multimilliardaire produisant une boisson énergisante dangereuse pour la santé se vit protégée par une meute d’agressifs porteurs de calottes. La vente du sirop se vit stimulé à l’instigation des radios et on vit même le maire brandir, l’écume aux lèvres, une canette en plein conseil de ville. Il fallait défendre coûte que coûte les intérêts purement publicitaires de la corporation au détriment du bien-être des citoyens!

Les exemples abondent. Combien d’employés défendent les mesures les plus condamnables de leurs patrons? Combien de prolétaires réclament une réduction des programmes sociaux? Combien d’étudiants souhaitent la hausse des frais de scolarité? Lorsque l’on défend les intérêts d’une classe qui n’est pas la nôtre, c’est de l’aliénation.

Sous-représentativité dans les médias

La droite se plaint d’être absente dans les médias. Éric Duhaime dénonce régulièrement le “règne de la pensée unique” qui laisserait peu de place pour la droite dans les médias.

Pourtant la droite est présente sur toutes les tribunes, sur tous les supports, dans tous les médias. L’ex chef de l’ADQ anime une émission quotidienne à V qui attire entre 100,000 et 120,000 téléspectateurs (Pour une télé aux couleurs différentes, Rue Frontenac, 25 novembre 2010). Éric Duhaime participe aussi à cette émission, en plus d’être présent à CHOI, le Journal de Québec, le National Post, le Toronto Sun, Canoe etc. On ne peut pas affubler l’épithète de gauche aux populistes Gilles Proulx, André Arthur, Jeff Fillion, Stéphane Dupont, Sylvain Bouchard qui ont aussi des cotes d’écoute très enviables.

Brian Mulroney, ex-premier ministre Conservateur, a dit de son ami Pierre Karl Péladeau, PDG de Quebecor, “Qu’il était un conservateur avec un petit ‘c’”. L’épouse de Paul Desmarais, de Power Corporation et donc de Gesca, est présidente du conseil d’administration de l’Institut Économique de Montréal. Pierre et Paul sont propriétaires de l’essentiel de notre temps d’attention médiatique disponible au Québec par leurs magazines, quotidiens, télés et radios.

En fait de pensée unique, c’est plutôt précisément celle du néolibéralisme qui domine outrageusement le paysage. Tellement qu’on serait bien en peine de trouver une seule émission de gauche à la radio ou à la télé, commerciale ou publique. La seule présence médiatique de la gauche, souvent timide, c’est dans les médias communautaires indépendants qu’on la retrouve.

Au lieu de sous-représentativité, on devrait plutôt parler de sur-représentativité. Si on peut se baser sur les statistiques des intentions de vote, ça serait plutôt la gauche qui rejoindrait le maximum de gens (Le blogue de Jean-François Lisée, La droite québécoise monte! Et si c’était le contraire?, http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/la-droite-quebecoise-monte-et-si-cetait-le-contraire/6096/).

D’autres idées moins avouables

Notons que les droitistes endossent des idées franchement condamnables, le négationnisme environnemental, l’islamophobie et le retour du religieux. Je ne perdrai pas de temps à décrire ces pans de leur pensée. Ajoutons qu’ils ont une tendance haineuse dans leur mouvement; anti-pauvre, anti-intellectuel, anti-art, anti-cycliste... alouette.

mercredi 19 janvier 2011

Voix de faits dans tes oreilles

Au menu cette semaine:
- Reportage sur la marche du 15 janvier en solidarité avec la Tunisie
- Entrevue avec Vicky Brazeau du ROC-03 sur l'autonomie des organismes communautaires
- Manif à Tel-Aviv contre une campagne de la droite
- La Grèce construit un mur pour empêcher l'immigration illégale en provenance de Turquie
- Des étudiant-es manifestent pour dénoncer leurs recteurs



3657-1-vdf19janvier2010.mp3


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* * *

Voix de faits c'est l'émission de radio du Collectif anarchiste La Nuit (UCL-Québec).

Actualité sociale, contre-culturelle et politique, info sur les luttes, coups de gueule et coups de cœur, ‘Voix de faits’ est la version radiophonique du blogue du même nom. Une autre façon d’occuper le terrain, d’exister politiquement. Une arme de plus dans les luttes sociales et politiques. Un point de ralliement dans la bataille des idées.

Tunisie : la révolution n'est pas finie


Déclaration de plusieurs organisations membres de Anarkismo.net sur la situation actuelle en Tunisie.

Après un mois d'insurrection populaire, le tyran est tombé. Ben Ali et sa clique ont pris le chemin de l'exil. C'est une immense victoire pour le peuple tunisien qui ne peut que réjouir toute personne éprise de liberté. C'est aussi un exemple et un grand espoir pour les peuples de la région qui vivent dans des régimes policiers.

Lire la suite...

mardi 18 janvier 2011

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.2/4

Le texte qui suit fait partie d'un document sans prétention qui constituerait une modeste analyse de la droite populiste. Vous êtes fortement invités à le commenter dans la section prévue à cet effet. Vos commentaires pourront certainement avoir un impact sur la version finale. Il sera publié en plusieurs morceaux dans les jours qui viennent. Il ne représente que les opinions de l'auteur. 

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.2/4
Table des matières
Liberté d’expression
La liberté des anarchistes
La liberté des riches
Le pire ennemi: L’État ou le privé?
L’efficacité
La dette

Liberté d’expression


Un de leur cheval de bataille principal est définitivement la liberté d’expression. Le même genre de liberté que la radio poubelle invoque à chaque fois qu’on les blâment pour leurs propos diffamatoires. Le discours d’Ezra Levant, l’un des premiers à prendre la parole lors du lancement du RLQ, était clair. “Nous devons aller jusqu’à défendre la liberté de parole des néo-nazis, car si nous ne le faisons pas, qui nous défendra lorsque notre propre liberté sera menacée?”, disait grosso modo M. Levant. Il faisait aussi constamment référence au combat de CHOI et de son animateur Jean-Francois Fillion, présent dans la salle, et à l’épisode “Liberté, je cris ton nom partout”.  



La liberté d’expression prônée par le RLQ est celle de diffamer librement, de détruire toutes les réputations jusqu’à laisser les propos racistes, sexistes ou homophobes, se répandre de façon complètement décomplexée dans l’espace public. Encore une fois, c’est la liberté négative qui prime.


D’un point de vue libertaire, toute opinion doit pouvoir s’exprimer ouvertement. Une obstruction à une seule opinion, peu importe laquelle, est une entrave à la démocratie. Il existe cependant des idées, proférés dans l’espace public, qui peuvent brimer la liberté des autres. De l’intimidation, du racisme, des propos haineux par exemple. C’est là ou une certaine forme de censure peut être justifiée.



Notez qu’une vraie liberté d’expression n’est possible que si tous et toutes ont accès à l’espace public également. Actuellement, les médias et la politique sont contrôlés par une petite élite, rendant impossible un débat juste et équitable.

La liberté des anarchistes

Il va sans dire que les anarchistes sont et ont toujours été les champions de la liberté individuelle. Par contre, la liberté des anarchistes ne se fait pas au détriment des autres. C’est une liberté totale, une absence complète d’oppression illégitime. Même les plus fervents anarcho-individualistes ont toujours prôné l’abolition de toute oppression, y compris celle du capitalisme.



Voici ce qu’a dit Proudhon de la liberté: “Au point de vue barbare, liberté est synonyme d'isolement : celui-là est le plus libre dont l'action est la moins limitée par les autres ; l'existence d'un seul individu sur toute la face du globe donnerait ainsi l'idée de la plus haute liberté possible. Au point de vue social, liberté et solidarité sont termes identiques : la liberté de chacun rencontrant dans la liberté d'autrui, non plus une limite (...) mais un auxiliaire, l'homme le plus libre est celui qui a le plus de relations avec ses semblables“. Remarquez que la notion de liberté barbare ressemble drôlement à la liberté de nos droitistes.



Bakounine renchérit en disant “Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes ou femmes, sont également libres. La liberté d'autrui, loin d'être une limite ou une négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens vraiment libre que par la liberté des autres, de sorte que, plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent, et plus étendue et plus large est leur liberté, plus étendue et plus profonde devient la mienne”. Et encore “l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l'humanité, est une négation de la liberté de tous”. Une conception de la liberté beaucoup plus riche que celle des libertariens n’est-ce pas?



La question est importante et mérite que la réponse soit limpide. Les anarchistes conçoivent la liberté et l’égalité comme étant indispensable l’une et l’autre. Si ta liberté empiète sur celle de ton voisin, ça signifie qu’il y a un rapport inégalitaire nuisible. Pour parvenir à une liberté authentique, elle doit s’accompagner d’équité.



On l’a dit précédemment, les anarchiste refusent toute forme d’autorité illégitime. Ça veut dire qu’il existe des autorités légitimes. L’assassin doit être stoppé, ça c’est évident. Et si la violence doit être utilisée, elle le sera. Mais la question est parfois plus délicate. Qu’en est-il par exemple d’animateurs de radio propageant un discours haineux? Chose certaine, l’expression de propos racistes, homophobes ou sexistes brime la liberté des autres et rompt l’équilibre entre la liberté et l’égalité. L’important, c’est surtout que la résolution du problème fasse consensus au cours de débats démocratiques.

La liberté des riches

Les plus grands ennemis de la liberté au Québec, ce sont les grands capitalistes. Par exemple, Pierre Karl Péladeau. Notre bon petit milliardaire québécois, devenu détenteur de la moitié du temps d’attention quotidien de nos cerveaux grâce à l’intervention des bons petits nationalistes de la caisse de dépôt, est l’un des plus grand liberticide du Québec. Il s’attaque à ses travailleurs et à la liberté de presse. Il sape la diversité et la liberté d’opinion par la convergence et par la création d’une chaîne de télé relayant uniquement des idées de droite, Sun TV news. Il va jusqu’à refuser aux syndicats d’exister. Pierre Karl Péladeau, grand promoteur des idées de droite, est un fantastique privateur de liberté.



Répétons le, la liberté des riches est la liberté négative, celle de ne pas être entravée. C’est une liberté dépourvue d’égalité.

Le pire ennemi: L’État ou le privé?

C’est bien connu, l’anarchiste est anti-étatique. On dira volontier qu’il s’agit probablement du seul point commun entre nous et les libertariens. Mais plutôt qu'un anti-étatisme primaire, l'anarchisme vise avant tout l'abolition de toutes formes d'oppression et d'exploitation.


En cette ère de mondialisation et de compétition enragée, nous convenons que les plus grands liberticides sont les corporations privées, celle là même qui sont tant mises en valeur par les libertariens.



Au sujet de l’État et de l’entreprise privée, Noam Chomsky a dit “Nous savons que nous sommes dans une cage et que nous sommes piégés. Il faut élargir la surface [...]. Et nous avons le projet de la détruire [...] Cependant nous savons qu'il ne faut pas attaquer la cage lorsque nous sommes vulnérables, car on nous assassinerait. [...] Nous devons protéger la cage quand elle est attaquée de l'extérieur par des prédateurs plus dangereux, comme le pouvoir privé.” (Noam Chomsky, Perspectives politiques, 2007).



Se résumer à défendre l’État revient à adopter une position strictement réformiste. Cependant, tout comme dans les luttes sociales, les anarchistes doivent dépasser le simple maintient des acquis. Lorsque les anarchistes défendent les services publics, ils ne protègent pas l’État. Au contraire. Ils dénoncent le contrôle étatique pour réclamer une prise en charge autonome et autogérée de ces services.



Comme dans le cas d’un grand nombre d’entreprises privées, il est certainement vrai que le système de santé souffre présentement d’une mauvaise gestion au Québec. Maintenant, est-ce qu’un contrôle du privé serait mieux que l’actuel système public? Certainement pas. Est-ce que l’éducation et la santé sont des systèmes parfaits dans l’état actuel des choses? Non plus. Mais le système actuel est pourrit entre autre à cause de son contrôle par l’État. Pas parce que c’est un service public.



La perspective de services publics autonomes, populaires et autogestionnaires n'est pas utopique. Qu'est-ce que plusieurs médecins socialistes ont fait durant le temps de la crise des années 20, dont le docteur Normand Bethune? Ils ont organisé des cliniques de soins gratuits pour la population. Qu'est-ce que Ferron faisait en Gaspésie, puis dans les quartiers ouvriers de Montréal? Une forme de médecine sociale accessible à ceux et celles qui en avaient pas le moyen. Qu'est-ce que s'est bâti à Montréal, à Pointe-St-Charles dans les années 1960 en lien avec les luttes du quartier? Une clinique de santé communautaire autonome, ancêtre des CLSC, qui visait également une médecine sociale, c'est à dire ne s'occupant seulement des pathologies manifestées, mais beaucoup de leurs racines sociales. Cette façon de voir la médecine peut être rapprochée de celle des médecins et du personnel de santé de la CNT durant la guerre civile espagnole. En Argentine, suite à la grave crise sociale, économique et politique de 2001, des cliniques médicales populaires, autonomes et autogérées se sont développées en connexion avec les assemblées de quartier, les entreprises récupérées et le mouvement des piqueteros.



La médecine dans le monde néolibéral devient profitable et tout l'aspect préventif, malgré l'importance qui y est attribué dans nos cours de formation de professionnel-le-s, devient progressivement balayé pour la "rentabilité" et les profits. C'est pourtant le volet qu'il faudrait le plus travailler pour diminuer les coûts du système de santé. Fort paradoxe!

L’efficacité

Les droitistes déplorent les démarches administratives lourdes, la taille “gigantesque” de l’État, les délais, les réglementations. “Plus l'État est gros, plus il y a de corruption”, disent-ils, dans une analyse d’une désarmante simplicité.



Eh bien croyez le ou non, les anarchistes sont aussi contre le gaspillage. Quand on estime à plusieurs milliards l’argent flambé dans la fraude, la corruption, l’évitement fiscal et les paradis fiscaux, il y a de quoi se révolter! Nous sommes pour des services d’éducation et de santé plus efficaces, honnêtes et sans abus.



Mais lorsque TVA vous gratifiera d’un reportage sur les fraudes de 70 millions $ à l’aide sociale, gardez à l’esprit que selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), il y a au Québec chaque année plus de 7 milliards $ perdu en évasion fiscale. Ça, c’est la bourgeoisie qui planque son fric. En bout du compte, c’est la classe populaire qui doit compenser, via les hausses de tarifs, cet argent non-versé au trésor public. Il est bon de garder ça à l’esprit avant de dénoncer tout et n’importe quoi. Et notez qu’il y a un choix politique très clair à dénoncer les pauvres plutôt que les riches. C’est bon à garder en tête lorsqu’on vous parlera de “neutralité des médias”.
 
L’efficacité n’est pas une valeur exclusive à la droite. Incroyable de juger utile de le rappeler, mais en s’appropriant ce discours, la droite mobilise un sentiment d’aliénation qui suscite une prise de conscience.

La dette

Pour justifier les hausses de frais, les droitistes évoquent la dette. Celle-ci atteindrait près de 290 milliards, soit 94% du PIB (Dette: le Québec au 5e rang dans le monde industrialisé, les Affaires).

Selon Louis Gill, qui a écrit un bouquin nommé “La dette règlement de compte”, le déficit est formé de 50% de dépense courante et de 50% en acquisition d’immobilisation. Ces immobilisations forment les structures essentielles de nos services publics: nos écoles, nos routes, nos hôpitaux, etc. Ce sont des actifs. C’est ce qui fait que le Québec est passé d’un État rural sous contrôle de l’église à un État moderne. “Duplessis se vantait que le Québec n’avait aucune dette. Oui mais on peut répondre le Québec avait rien” ajoute Louis Gill (Les Publications Universitaires).



Au Québec quand on calcule la dette, on ne comptabilise jamais les actifs. C’est un peu comme si vous calculiez votre bilan financer sans tenir compte ni de votre salaire ni de vos biens. Exemple, imaginons que vous avez contracté une dette de 50 000$ et que vous en gagnez autant par année. Vous avez donc une dette brute à 100% de votre revenu. Sauf que ce qu’on nous cache, c’est que dans votre compte en banque, vous avez 40 000$. Votre dette nette, de 10 000$, est donc à 20% de votre revenu. C'est pas mal moins inquiétant!



Les études démontrent que le ratio de la dette publique nette du Québec (c’est-à-dire en considérant les actifs) versus le PIB est dans la moyenne des nations occidentales, et même un peu en deçà.

La dette, c’est un outil de propagande au service des classes riches qui est brandit à tout vent pour justifier tout ce qui n’a pas de sens. La façon de calculer la dette est entièrement arbitraire. Elle est tripatouillée au gré des jeux politiques. Avant on calculait 50% des régimes de retraite. Maintenant c’est 100%. Pourquoi? Un autre mystère.