Le 19 juin dernier, le représentant de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), le sous-commandant Marcos, décrétait l’alerte rouge ainsi que le déclenchement d’une mobilisation générale dans ses rangs, en vue de franchir une nouvelle étape dans la lutte.
Surgi de la forêt Lacandone le 1er janvier 1994, il y a plus de 11 ans, le mouvement zapatiste exerce une influence croissante sur les mouvements sociaux en Amérique latine. Autonomie, contre-pouvoir, autogestion : autant d’idées-forces que le zapatisme a mis en pratique et qui questionnent l’ensemble des mouvements sociaux et politiques anticapitalistes. Mais voilà qu’après huit ans d’organisation sociale interne, l’appel à la mobilisation générale est déclenchée. Selon Marcos, les trois dernières années ont permis à l’Armée zapatiste de s’organiser pour ainsi être capable de faire face «à une attaque ou à une action de l’ennemi qui décapiterait la direction actuelle ou tenterait de nous annihiler complètement». Il poursuit en indiquant que la guérilla zapatiste est désormais prête à franchir «une nouvelle étape dans la lutte». La zone d’alerte touche uniquement la région montagneuse du Chiapas, c’est-à-dire une petite partie située au Sud-Est du Mexique. L’Armée zapatiste de libération nationale, en décrétant l’alerte rouge sur son territoire, demande à l’ensemble des ressortissants, collaborateurs, ONG, tant mexicains qu’internationaux, de «quitter les territoires rebelles ou, si c’est leur volonté, d’y rester à leurs risques et périls»(1).
Il est évident que l’annonce de l’alerte rouge a prit tout le monde par surprise, y compris le gouvernement mexicain. Pour l’instant (au moment d’aller sous presse), les choses sont toujours calmes. Cependant, l’appel du sous-commandant Marcos a conduit les troupes régulières, jusque-là affectées à l’organisation sociale dans les communautés zapatistes, à reprendre le chemin de leur caserne pour la mobilisation générale de ses membres. De plus, l’EZLN a annoncé la fermeture des «comités de bon gouvernement» (les municipalités autonomes zapatistes), ainsi que leur site internet officiel, en précisant que seuls les services de santé seront assurés. Bien qu’il n’y ait pas eu d’affrontement depuis 1995 et que, pour le moment, les habitants poursuivent leurs routines habituelles, il semble que l’Armée zapatiste se soit réellement remise en marche et cela pour franchir une nouvelle étape dans leur guérilla. Pour ce qui est des revendications, il semble qu’elles soient pratiquement les mêmes, c’est-à-dire : convocation d’élection propre et lutte contre la fraude électorale (empiétant-là sur un terrain jusqu’à présent réservé aux partis traditionnels d’opposition); reconnaissance de l’EZLN comme force belligérante mexicaine composée majoritairement d’Amérindiens; d’une présentation, par les femmes zapatistes, de la voie révolutionnaires des femmes (affirmant le droit des femmes à s’engager dans la vie politique et dénonçant la violence qui leur est faite); ainsi que la dénonciation des conditions de vie dans l’état du Chiapas, où la réforme agraire n’a pu s’imposer à cause de l’agressivité d’une oligarchie organisée et regroupée autour de riches éleveurs et propriétaires terriens.(2) Les zapatistes revendiquent donc une démocratie directe, l’horizontalité des différents mouvements (jeunes, femmes, paysans, etc.), tout en mettant de l’avant «l’autonomie de fait en jetant les bases d’une nouvelle société, d’un nouveau pouvoir, changer le monde non pas depuis les institutions mais depuis des mouvements sociaux porteurs de leur propre projet de transformation sociale».(3) Pour l’instant, nous ne pouvons qu’attendre et crier haut et fort notre soutient aux forces zapatistes dans leurs actions révolutionnaires.
Notes:
1 Communiqué de l’EZLN. www.nouvelobs.com
2 À ce sujet, voir le livre de Marie-Josée Nadal
3 Alternative libertaire, Zapatisme et mouvements sociaux, janvier 2004, p. 16-17 . www.alternativelibertaire.org
(Publié pour la première fois dans le numéro 7 de Cause commune, été 2005)
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