dimanche 15 juillet 2007

La Régie du logement : une « justice » à deux vitesses

Des dizaines de milliers de locataires comparaissent chaque année devant la Régie du logement. Pour la majorité d’entre eux/elles, l’expérience est loin d’être réjouissante. Souvent mal informéEs et peu outilléEs au niveau juridique, les locataires luttent à armes inégales face à des propriétaires pour qui cet exercice est devenu une simple routine. Non seulement ces derniers ont-ils les moyens de se payer de bons avocats, mais en plus, ils ont la loi et les juges de leur bord. Pas étonnant que les proprios soient derrière 85% des causes ouvertes à la Régie! Quoi qu’on en dise, il y a bel et bien deux systèmes de justice : l’un pour les pauvres, l’autre pour les riches. Encore un exemple de la lutte des classes au quotidien.


Le 1er du mois


Au cœur de la législation sur le logement se trouve le sacro-saint droit de propriété. C’est ce droit qui donne aux propriétaires toute la latitude voulue pour soutirer un maximum de fric aux locataires et les évincer lorsqu’ils deviennent trop récalcitrants. Même si l’on habite un logement depuis notre tendre enfance, on est jamais vraiment « chez soi » lorsqu’on est locataire. Après trois semaines de retard dans le paiement du loyer, le proprio peut nous mettre à la rue en toute légalité. Pas besoin de coups de pied au cul: il lui suffit de passer par la Régie du logement, puis de faire appliquer la décision par un huissier pour mettre nos biens sur le trottoir.


Même si on a toujours payé le 1er du mois, même si on est tombé malade ou qu’on a perdu son emploi, même si le logement est insalubre et infesté par la vermine, même si on ne doit qu’un petit 20$, la loi bourgeoise nous rappelle que le premier devoir du locataire, c’est de toujours payer au proprio ce qui lui est dû, quoi qu’il arrive. Et gare à celui ou celle qui fait mine de l’oublier! En 2003-2004, plus de 43 000 ménages locataires furent ainsi poursuivis (et probablement évincés) pour non-paiement de loyer. Ce nombre ne cesse d’augmenter, au fur et à mesure que la pénurie de logement a fait grimper leur prix sur le marché.


Aux yeux de la Régie, le non-paiement de loyer est jugé comme un problème « très urgent », au même titre que les problèmes de santé et de sécurité vécus par les locataires (ex : le proprio a coupé l’eau et l’électricité, le toit est en train de s’effondrer, etc.). Le délai moyen pour ces causes est de 1 mois. Par contre, les causes en diminution de loyer pour perte de jouissance des lieux (le principal type de cause introduit par les locataires aux prises, par exemple, avec de la moisissure) prennent en moyenne plus de 12 mois avant d’être jugées. Pour les locataires, la Régie ressemble dans le meilleur des cas à une interminable attente à l’urgence.


Les hausses de loyers


Le droit de propriété donne également aux proprios le privilège de faire de l’argent sur notre dos. La méthode utilisée par la Régie pour encadrer les augmentations de loyer permet aux propriétaires de faire des profits, année après année, même si l’état du logement qu’il loue se détériore. La logique qui prévaut est la suivante : d’après l’État (et la Régie), si on ne garanti pas aux propriétaires qu’ils vont faire de l’argent, personne ne sera intéressé à acheter et à investir dans le marché locatif privé. Malgré leurs larmes de crocodiles, les propriétaires se plaignent la bouche pleine. Une étude réalisée en 2002 révèle que les propriétaires québécois se mettent plus de 6 milliards de dollars dans leurs poches tous les ans, tout en profitant d’une fiscalité particulièrement avantageuse qui leur permet d’échapper à l’impôt. Pouvez-vous en dire autant, alors que les loyers ont augmenté en moyenne de 15% depuis trois ans?


Les anarchistes face à la loi des riches


En tant qu’anarchistes, nous pensons que le logement ne devrait pas être considéré comme une marchandise. Personne ne devrait pouvoir s’enrichir en tablant sur ce besoin essentiel. Le principe est clair: nous avons tous et toutes le droit d’être logé convenablement, peu importe notre condition sociale. C’est ce droit fondamental qui est bafoué chaque jour par les tribunaux de la bourgeoisie. Tant et aussi longtemps que des intérêts privés contrôleront nos logements, tant que nous devrons payer un loyer à des vautours pour avoir un toit sur la tête, nous ne serons jamais vraiment libres. Nous sommes en faveur de la socialisation du parc de logements locatifs afin que chaque membre de la collectivité puisse vivre dans la dignité, en plus d’avoir son mot à dire sur son environnement.


D’ici à ce grand chambardement (une véritable révolution sociale, n’ayons pas peur des mots!), nous avons choisi de nous impliquer dans des groupes de défense des locataires, tant au FRAPRU qu’au RCLALQ, afin d’améliorer nos conditions de vie. Nous travaillons pour que ce mouvement, encore trop souvent divisé, s’organise sur une base solidaire et combative afin d’être l’une des forces motrices du changement social à venir. À défaut de construire de véritables rapports de force (notamment par des actions offensives), nous ne serons pas en mesure de contrer les mesures anti-sociales que les propriétaires tentent de nous imposer avec l’appui tacite du gouvernement. Notre message est assez clair: locataires et mal-logéEs, rejoignez vos comités !


(encadré)


Locataires solidaires!


Cet automne, le mouvement pour le droit au logement se mobilise pour obtenir des gains au niveau du contrôle des loyers et de la construction de nouveaux HLM. Alors que la menace plane toujours de voir le gouvernement libéral accepter les demandes des associations de propriétaires (ex : déréglementer les hausses de loyer, interdire les cessions de bail, etc.), les comités logement organisent à Québec les 29 et 30 octobre prochain un camping des mal-logéEs. Les membres et sympathisantEs de la NEFAC seront de la partie! Pour plus d’info sur ce grand rassemblement et les actions qui sont planifiées, contactez le comité logement le plus près de chez vous. Ni taudis, ni condos : on veut des logements sociaux!


(publié pour la première fois dans le numéro 3 de Cause Commune)

Aucun commentaire: