On entend souvent vanter les mérites des sociétés dites « démocratiques ». Chaque fois qu'un scrutin a lieu, tous les commentateurs nous rabâchent les oreilles en insistant sur le fait que « le peuple a parlé », que « la démocratie est en santé ». Élire des représentants tous les quatre ans : est-ce vraiment à travers les urnes que se fonde le pouvoir populaire? À en croire la désaffection de plus en plus de « citoyens » et de « citoyennes » vis à vis le jeu électoral, on peut sérieusement en douter. Ici comme ailleurs, un fossé se creuse entre la population et la classe politicienne. Nous sommes de plus en plus nombreux-euses à réaliser que ces maires, ces députés, ces ministres, ne représentent qu'eux mêmes et une clique d'hommes d'affaires dans tout ce cirque.
À n'en pas douter, les anarchistes sont résolument opposéEs aux fondements de la démocratie bourgeoise. En effet, le système « démocratique » actuel s'appuie sur la renonciation de notre pouvoir individuel et collectif au profit d'un nombre restreint de professionnels de la politique. Ces dirigeants « élus au suffrage universel » (gage de légitimité, il va sans dire!) administrent ensuite ce pouvoir qui leur est « confié » en fonction d'intérêts particuliers qui sont rarement ceux de la majorité. Pas besoin d'aller bien loin pour s'en convaincre : qu'on regarde les politiques mises de l'avant par les différents gouvernements qui se sont succédés au Québec et au Canada depuis que vous êtes en âge de voter. Qu'ont-ils fait avec le pouvoir d'État, sinon l'utiliser pour récompenser et protéger leurs amis siégeant sur les conseils d'administration d'entreprises « bien de chez nous ». Et tout cela au nom de l'intérêt général! Ce système hautement hiérarchisé nous empêche d'avoir une réelle prise sur les enjeux qui nous touchent. Rien ne sert de le replâtrer en ajoutant un zeste de participation par ci, une dose de consultation publique par là... Il faut abattre la structure autoritaire qui commande nos vies.C'est à partir de ces quelques constats que les anarchistes ont développé une toute autre idée de la démocratie. Nous pensons qu'il faut renverser la pyramide du pouvoir pour le ramener à la base : dans nos quartiers, dans nos lieux d'étude ou de travail. Là où nous vivons, là où nous travaillons, nous devons avoir la possibilité de se pencher sur les questions qui nous touchent. La démocratie n'a de sens que si elle se vit au quotidien, le plus directement possible. D'ailleurs, on trouve ici et là dans notre société des îlots de démocratie directe, la plupart du temps dans des espaces qui ont été créés pour faire contrepoids au système capitaliste et bureaucratique. Dans ces lieux de contre-pouvoir, l'assemblée générale sert souvent d'instance de délibération et de décision. Bien qu'imparfait, ce mode d'organisation a l'avantage de permettre à chacun de pouvoir s'exprimer, de débattre et de décider sur un pied d'égalité avec les autres.
Bien entendu, il y a des enjeux qui ont un impact plus global, dépassant notre vie quotidienne. On peut trouver des solutions aux enjeux de société de façon radicalement démocratique, tout en évitant le piège de la démocratie représentative (qui consiste à donner un chèque en blanc au gouvernement une fois qu'il est élu). Les anarchistes croient qu'il est possible (et parfois même souhaitable) que la base puisse mandater des déléguéEs afin de trouver des solutions collectives avec d'autres groupes aux prises avec des problèmes similaires. Ces déléguéEs doivent être directement imputables des décisions prises au nom des autres et immédiatement révocables si ils ne respectent pas les mandats qui leur sont confiés. C'est le seul moyen d'éviter que certains parlent en notre nom sans nous avoir consulté, comme c'est trop souvent le cas actuellement, y compris dans nos propres organisations (qu'on pense à certains dirigeants syndicaux ou étudiants!).
Cette façon d'entrevoir le politique n'est pas utopique. La démocratie directe s'est vécue sur une grande échelle dans plusieurs moments marquants de l'histoire des luttes populaires à travers le monde. Aujourd'hui même, il est possible d'appliquer ces quelques principes dans notre vie quotidienne, que ce soit dans nos syndicats, nos associations étudiantes ou nos groupes communautaires. C'est même une condition primordiale si l'on souhaite voir un jour de véritables changements dans notre société.
(publié pour la première fois dans le numéro 4 de Cause commune)
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