dimanche 15 juillet 2007

Lock-out des employé-e-s de garage de Québec : 8 mois de picketage et toujours debout

Huit mois de lock-out ne seront pas venu à bout de la solidarité et de la fierté de 850 employé-e-s de garage de la région de Québec. Le 3 août dernier, 200 syndiqué-e-s ont en effet rejeté une "offre finale" des patrons à 99,4% tandis que le reste des troupes ne daignait même pas voter sur l'offre le lendemain, reconduisant plutôt leur appui inconditionnel au comité de négociation syndical.

Impasse des négociations...

"On avait repris les négociations depuis un mois, raconte Marc Auger, le président du syndicat, ça allait bien et on a cheminé beaucoup sauf qu'un moment donné les patrons en ont eu assez et ont annoncé qu'ils allaient déposer une 'offre finale' le 1er août." L'offre patronale reprend grosso-modo le statu-quo de l'ancienne convention et propose les mêmes augmentations qui ont été acceptés par les syndiqué-e-s des concessionnaires du Saguenay. Les syndicalistes ont demandé aux patrons s'ils pensaient sérieusement que leurs employé-e-s allaient accepter de telles offres. Comme ils ont répondu oui, l'offre a été présentée aux syndiqué-e-s travaillant pour les 7 concessionnaires des négociateurs patronaux. Preuve éclatante que le comité syndical a encore l'appui des syndiqué-e-s : l'offre a été rejeté à 99,4% (c'est encore plus fort que le vote de grève de 98% en novembre). "Le lendemain! on a fait des assemblées d'information avec le reste des membres, explique Marc Auger, et ils n'ont même pas voulu voter, ils sont encore bien déterminer à continuer."

Fierté et solidarité ouvrière

Il semble que ce soit surtout la fierté et la solidarité ouvrière qui empêche les travailleurs et les travailleuses de rentrer au travail. Il reste 6 points en litige d'après Marc Auger. La sous-traitance, les horaires et les questions monétaires sont emblématiques d'une lutte passant de la défensive à l'offensive. Le syndicat avait déjà averti qu'il se retrouverait en demande au printemps, quand le rapport de force changerait de camp. C'est maintenant chose faite et l'enjeu semble aujourd'hui d'améliorer les conditions des membres les moins favorisés. En 1997, plusieurs salariés avaient accepté des baisses de salaire importantes pour sauver des emplois, les laveurs d'auto, par exemple, ont vu leur taux horaire passé de 15$ à 10$. Le problème, c'est que ces emplois sont maintenant menacés par la sous-traitance. Le syndicat revendique donc un frein à la sous-traitance, un rattrapage salarial et l'embauche d'une cinqu! antaine de laveurs d'auto et de carossiers supplémentaires. Au chapitre des horaires, la semaine de quatre jours n'est plus menacée mais le syndicat veut l'étendre à 5 nouveaux garages qui ne l'ont pas. "Ce sont des petits garages, explique Marc Auger, et quand on a négocié ça il y a 5 ans, on ne pensait pas que c'était possible mais, depuis, la semaine de 4 jours a été gagnée dans des concessionnaires encore plus petits en Beauce et au Saguenay, si ça marche là bas, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas à Québec." Pour les questions monétaires "la partie patronale nous offrait le statu-quo et des augmentations d'environ 3% par année, explique le président du syndicat, mais 3% c'est ce qu'on a eu au Saguenay en négociant, c'est ce que les postiers ont eu en négociant, les concessionnaires de Québec ont voulu faire un lock-out, ça ne leur coûtera pas le même prix."

"On attend que les patrons reviennent à la table de négociation sur la base de notre 'contre-offre', conclu le président du Syndicat national des employés de garage, s'ils veulent régler le conflit, ils connaissent nos positions, la balle est dans leur camp."

Post-scriptum:
À propos de combativité et de radicalisme

Quand les militants de La Nuit ont commencé à s'intéresser à ce conflit, plusieurs ont sourcillé à propos de l'affiliation CSD du syndicat. Même dans nos rangs, on doutait de la combativité de ce type de syndicalisme 'démocratique' et encore 'chrétien'. C'est finalement l'intuition de base de la NEFAC sur les luttes de classes qui s'est trouvée confirmée une fois de plus : c'est en situation de conflit que les gens sont le plus ouverts à de nouvelles idées et qu'ils se radicalisent. Non seulement personne n'a jamais trouvé rien à redire à propos de nos tracts et du Trouble sur les lignes de piquetage, mais les gens étaient en général heureux de nos initiatives.

Action directe et sabotage

La tendance à l'illégalité pour augmenter le rapport de force est officiellement faible mais présente. Plusieurs piqueteurs parlent encore du sabotage à Vidéotron et analysent l'abandon de la pratique comme une erreur tactique. La tension doit être forte pour l'exécutif syndical, pris en sandwich entre les frustrations de ses membres et les 'faiseurs d'opinion publique'. Si personne ne souhaite finir en martyr et perdre sa job, nul ne veut non plus passer un autre hiver sur les lignes de piquetage ou, pire, rentrer au travail la mort dans l'âme. Malheureusement (ou heureusement selon la perspective), les patrons ne céderont pas tout seuls, ils ont besoin d'un peu, beaucoup, d'aide...

L'action parle plus fort que tous les discours, dit-on, et les employé-e-s de garage parlent peu mais agissent beaucoup. Dès le début du lock-out, ils et elles ont multipliés les manifestations et les visites surprises (chez les patrons lors de réunions, dans d'autres garages, au Salon de l'auto). Des pancartes menaçantes ont été installées à l'entrée des garages ("attention aux clous, passage à vos risques et périls!"). Les faits divers anonymes se sont ensuite multipliés. Un garage, non-syndiqué, appartenant à un patron qui s'en servait pour faire faire les travaux de son autre garage en lock-out a été visité de nuit et des voitures ont été brûlées, d'après Le Soleil. Les allégations de vandalisme plus 'doux' se multiplient avant, pendant et après les sorties des syndiqué-e-s. L'attitude syndicale à ce sujet est cocasse : l'exécutif nie tout en bloc (mais ne condamne rien). "On a demand! 'e9 à nos membres de ne pas se livrer à des actes illégaux parce qu'on n'est pas au-dessus des lois, explique Marc Auger qui rajoute: rien ne nous porte à croire que ça vient de nos membres." Philosophe, le président du syndicat rappelle qu'il y a toujours eu du vandalisme dans les cours des concessionnaires, conflit ou pas.



(premièrement publié à l'automne 2003 dans Le Trouble)



N.B. : Le 21 septembre, le lock-out a pris fin. Au final, les ouvriers ont obtenu grosso-modo le statu-quo + des augmentations de salaire. Après 9 mois et demi sur les lignes, on peut parler de 'victoire'.

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