lundi 1 octobre 2007

Une critique anarchiste du PCR (première partie)

Texte soumis à la discussion («ce n'est qu'un début», refrain connu...)



Une critique anarchiste du PCR
Déjà paru:
Ils sont anticapitalistes et antinationalistes, boycottent les élections et l’État, se disent communistes et révolutionnaires. Ils sont très critiques de l’institutionalisation des mouvements sociaux et conspuent les leaders de la gauche réformiste. Dans les manifestations, ils sont souvent masqués et n’hésitent pas à recourir à l’action directe. À priori, les maoïstes du Parti communistes révolutionnaire (PCR) sont proche des anarchistes. Et pourtant… Un fossé sépare nos conceptions du monde et de la stratégie révolutionnaire.

1. Conception du monde

À la lecture du Programme du PCR, on se rend vite compte que les maoïstes ont une conception du monde différente de celle des anarchistes. Déjà, les maoïstes sont persuadés que leur idéologie est une science, «un guide indispensable pour faire la révolution et nous mener jusqu'au communisme» écrivent-ils. Il nous semble qu’à la lumière de l’évolution des 100 dernières années, il y aura lieu de nuancer cette prétention. Une «science révolutionnaire», cela fait drôlement écho aux prétentions des économistes néolibéraux qui, eux-aussi, prétendent détenir «la science». Que la théorie révolutionnaire emprunte (parfois!) à la méthode scientifique, qu’elle soit basée sur une analyse plus ou moins rigoureuse de faits matériels concrets, soit, mais de là à parler de science, il y a un pas… que nous ne franchissons pas. Malheureusment, tous les comportements humains ne peuvent pas toujours s’expliquer rationnellement et une société n’est pas un laboratoire. Un moment donné, il ne faut pas se leurrer, la politique révolutionnaire, ça reste de la politique et la politique c’est éminement subjectif.

Cette prétention des maoïstes à «la science» les amène à faire preuve d’un certain déterminisme. «Nous vivons à l'époque de l'impérialisme, stade ultime et pourrissant du capitalisme», écrivent-ils. Pour eux, «le capitalisme comme mode de production a atteint les limites de son développement et a cessé d'être un cadre favorable au développement des forces productives du travail humain». C’est déjà ce que disait Lénine en 1916, ça commence à dater! Heureusement, ils ne disent plus que le communisme est inéluctable, mais quand même… Quant à nous, ils nous semble plutôt que, loin d’être statique, le capitalisme est un système très dynamique qui a prouvé à plus d’une reprise sa capacité à récupérer toute sorte de défits partiels.

Plus globalement, les maoïstes, bien qu’ils reconnaissent l’existence d’oppressions spécifiques, n’accordent réellement d’importance qu’à la question de classe et au capitalisme. Pour eux, il est vital «de déterminer, parmi toutes les contradictions qui fondent une chose ou un phénomène, celle qui constitue la contradiction principale», celle, comme le disait Mao, « dont l'existence et le développement déterminent l'existence et le développement des autres contradictions ou agissent sur eux.» Au Canada, la contradiction principale est, évidemment, «celle qui oppose le prolétariat et la bourgeoisie», les autres étant secondaires.

Nous accordons nous aussi beaucoup d’importance à la contradiction de classe mais pas de là à dire que tout le reste est secondaire. À notre avis, nous avons face à nous un système intégré qui repose sur un certain nombre de pilliers plus ou moins autonomes (comme par exemple le principe autoritaire et l'étatisme, le patriarcat et la réification sociale, le nationalisme et le racisme, l'esclavage salarié et l'économie de marché). Il nous semble illusoire, et dangereux, de croire que de s’attaquer à l’un des pilliers fera nécessairement s’écrouler l’ensemble de l’édifice.

Sans parler du fait que l’oppression des femmes, par exemple, et c’est vrai de toutes les oppressions «spécifiques» (incluant, bien sur, l’oppression de classe), ne disparaîtra pas par magie. Il faudra nécessairement s’en occuper et y consacrer (beaucoup) d’énergie. Non seulement cela mais il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de révolution sociale sans lutte énergique contre toutes les oppressions spécifiques. L’unité de classe ne pourra se construire si les luttes des unes sont jugées secondaire par rapport aux luttes des autres.

Plutôt que de chercher l’illusoire «contradiction principale», nous croyons qu’il est plus porteur d’identifier les points de convergences entre les différentes formes d’oppression. Pour cimenter la solidarité de classe, il faut faire de la lutte pour l'abolition des privilèges et des inégalités entre nous une priorité. Pour mener une lutte unitaire, rien de mieux que de porter des revendications dans lesquelles tout le monde trouve son compte, en commençant par les plus exploité-es. Le rôle de l'organisation révolutionnaire est de faire le lien entre toutes les «luttes spécifiques» en montrant ce qui, dans chaque révolte particulière, peut être généralisé de façon à ce que toutes les «luttes spécifiques» se fédèrent en une seule lutte révolutionnaire générale.


La suite… un autre jour !


Nicolas Phébus, 1er octobre 2007

P.S.: Je me base essentiellement sur le Programme du PCR pour faire cette critique

15 commentaires:

Anonyme a dit…

"Pour mener une lutte unitaire, rien de mieux que de porter des revendications dans lesquelles tout le monde trouve son compte, en commençant par les plus exploité-es."

De quoi faire réfléchir un certain mouvement en préparation cet automne... Je parle évidemment du mouvement étudiant.

Anonyme a dit…

Et en passant merçi pour l'analyse. Cet effort de critique est constructive non seulement afin d'éviter les étiquettes faciles et elle permettra aussi à ceux qui sont moins au fait de la gauche plurielle de dépasser certains concepts caricaturaux.

Camarade Tova a dit…

Hmm... pourtant, plusieurs personnes du PCR ont une vision BEAUCOUP PLUS LARGE qu'une simple lutte des classes... mais bon, tu te bases sur le programme du PCR. C'est compréhensible, et c'est fort bien !

Nicolas a dit…

@ Tetoine: je ne suis pas sur de te suivre sur ta première réflexion... Pourrais-tu expliciter?

@ Tova: si je ne me base pas sur le document officiel de base du PCR, je ne vois bien pas sur quoi je vais me baser! Ceci dit, je sais bien que le PCR c'est plus que la lutte de classe. D'ailleurs, le programme le dit. Je ne suis même pas en désaccord avec la centralité de la lutte de classe. Je suis moi-même lutte-de-classiste et matérialiste (quoi que pas tout à fait pour les mêmes raisons). Là où je débarque c'est sur la notion de contradiction principale et de contradiction secondaire. Et je suis carrément en désaccord de fond avec la position énoncée sur le patriarcat (qui vient confirmer ce que je pense du risque inhérent à la théorie de la contradiction principale).

Anonyme a dit…

Il est clair que depuis Seattle les tendances anarchisantes apparaissent avec une ampleur inattendue dans le mouvement altermondialiste.

Ceci n'a pas manqué d'attirer l'attention des intellectuels, d'une part, des groupes "gauchistes" de l'autre. D'où dans un premier temps des interrogations fort incomplètes: à la limite, l'anarchie c'était bien partout, sauf chez les anarchistes. Du côté intellectuel, du moins chez les anglophones, il commence à y avoir un tir croisé d'universitaires anarchistes sur ces informations souvent proches de la parodie. Du côté gauchiste, c'est l'inquiétude et la volonté de récupération: invitation de libertaires à des conférences, captation de certaines idées pour séduire le gogo - voir Toni Negri - ou même carrément des ouvrages "anarchistes" se terminant par une invitation à former le grand parti des travailleurs, que naturellement on encadrera.

Cela dit, il ne s'agit pas de mettre tout le monde dans le même sac ni de faire de procès d'intention, même si l'histoire passée doit nous faire éviter toute naïveté. C'est d'abord au niveau des comportements égalitaires que l'on pourra juger, tant au point de vue individuel qu'organisationnel, au point de vue intellectuel que pratique.

Serons-nous en mesure de résister à cette nouvelle tentative de récupération? Sans tomber dans le sectarisme, sans idées arrêtées, il faut à la fois remettre en cause nos propres analyses à la lumière des changements perpétuels du présent et décider au cas par cas.

Anonyme a dit…

Désolé, je m'aperçois qu'une de mes phrases prête à confusion.

Au lieu de

"Du côté intellectuel, du moins chez les anglophones, il commence à y avoir un tir croisé d'universitaires anarchistes SUR ces informations souvent proches de la parodie"

lire:

Du côté intellectuel, du moins chez les anglophones, il commence à y avoir un tir croisé d'universitaires anarchistes CONTRE ces informations souvent proches de la parodie

Mathieu Linhart a dit…

Science, politique et révolution

Peut-on être scientifique au niveau politique? Il faut absolument répondre oui. Il serait erroné de soutenir que la politique est quelque chose d'éminemment subjectif et que, à ce compte, on ne pourrait pas avoir une pratique scientifique de la révolution. Si on dit que notre pratique ne peut rien avoir de scientifique, c'est qu'on suppose qu'on adhère à une série de valeurs et qu'il nous suffit de les propager comme le ferait un mormon ou un témoin de Jéhovah qui a fait un acte de foi et que pour la rendre vivante se sent obligé de la répandre. Par ailleurs, si on arrive avec l'idée qu'il ne peut y avoir de pratique scientifique au niveau politique, on vient de disqualifier pleins de programmes universitaires qui disent enseigner la science politique. Maintenant, à savoir ce qui relève vraiment de la science dans ces programmes et ce qui n'en relève pas, c'est une autre histoire. Il n'en reste pas moins qu'il existe un domaine de pensée qu'on nomme science politique.

Ceci dit, ce qui définit une science peut être très variable. Il y en a pour dire que le contenu scientifique dans les oeuvres de Marx ne se réduit qu'à ses travaux au niveau économique et que le reste n'est que le récit d'une pratique politique sans lien direct avec ses écrits scientifiques en économie. Ceci voudrait dire que des écrits tout de même forts comme "Les luttes de classe en France", "Le dix-huit brumaire" "La guerre civile en France" ou même "Le manifeste du Parti communiste" ne pourraient avoir aucune prétention scientifique. Et pourtant, ces textes nous amènent à réfléchir sur la pratique politique des masses à cette époque et formulent des enseignements pour enligner la pratique des révolutionnaires.

Il y a ces textes qui font partie d'un patrimoine scientifique révolutionnaire mais il y a aussi la pratique même des masses. Mais oui, la pratique de la science de la révolution peut être aussi le fait de gens plus ou moins instruits. À vrai dire, dans bien des cas, la pratique n'est pas que l'apanage des gens qui écrivent des textes. On le voit bien quand des professeurs utilisent les travaux de leurs étudiantEs pour faire avancer leurs propres travaux de recherches. Il n'en reste pas moins que celles et ceux qui écrivent, synthétisent cette pratique et la rendent transmissible largement, jouent un rôle central dans les progrès des sciences.

Si on ne réduit pas la science a des écrits de savants instruits, on peut admettre qu'une science de la révolution peut être une synthèse de l'expérience révolutionnaire des masses et pour le PCR et le courant maoïste mondial, le marxisme-léninisme-maoïsme est ce qui synthétise le mieux ce qu'est cette expérience révolutionnaire. Bien sûr que le PCR reconnaît le rôle important de Marx, Lénine et Mao dans ce travail de synthèse, entre autres par leurs écrits et leurs pratiques mais il affirme aussi qu'une science de la révolution évolue en fonction d'une pratique effective. Toute science ne devrait pas être figée et doit évoluer. N'y a-t-il pas une discipline qui s'appelle l'histoire des sciences?

Juste pour revenir à cette division entre ce qui est de l'ordre de l'objectif et du subjectif, il pourrait être intéressant de réfléchir sur les différents comportements individuels des militantEs. Relèvent-ils tout le temps de l'état d'esprit de l'individus? Il ne faut pas oublier que l'être humain est un animal social et qu'il est largement déterminé par des éléments qui sont indépendants de sa volonté. Les schèmes de pratique des militantEs n'échappent pas nécessairement à ce qui se fait dans la société. Quand des individus exercent un certain leadership dans un milieu politique, ce leadership peut être empreint de ce qu'il connaît. Prenons un exemple au hasard. Quels modes de leaderships existent-ils dans des organisations communautaires, étudiantes et syndicales? Il y a celui de l'animateur social, celui du gestionnaire de pme, celui du bureaucrate blasé et peut-être d'autres qui m'échappent. Quels sont ceux qui sont repris dans les organisations politiques? Et pourtant, il devrait y en exister un autre basé sur une direction politique prolétarienne. Rompre avec des habitudes héritées de la société bourgeoise n'est pas aisé mais cela se fait. Il faut reconnaître que nous sommes largement déterminés par la société mais que, par un travail conscient, on peut faire un travail sur ses pratiques, ce qui revient finalement à influencer le travail que les militantEs vont exercer parmi les masses. Et ceci est vrai pour des organisations.

Il est bizarre que des anarchistes rejettent aussi cavalièrement la science. Pourtant, chez les anarchistes, il y a des scientifiques éminents. Pensons à Élisée Reclus dans le domaine de la géographie, Noam Chomsky dans le domaine de la linguistique (il n'y a pas beaucoup de subjectivité dans sa théorie), Jean Bricmont, etc. Il est vrai aussi qu'au niveau de l'épistémologie, des auteurs comme Fayarabend se réclamait d'un anarchisme méthodologique que cela revenait à remettre en question toutes les conventions scientifiques et abolir le concept même de science. Mais, n'y a-t-il pas des anarchistes qui ont réfléchi à une science de la révolution anarchiste?

Mais, j'émets une hypothèse, il se peut que l'anarchisme n'ait pas besoin de cette science. L'anachisme présume que, plus ou moins spontanément, les masses peuvent s'émanciper. Les anarchistes, par une pratique de minorité agissante vont réveiller cette spontané endormie et finalement les masses vont être en mesure, spontanément, de définir un projet social. Pour les maoïstes, cette révolution est plutôt consciente. Il faut absolument avoir une conception scientifique de la réalité sociale pour nous permettre de comprendre la réalité sociale et nous indiquer quels mots-d'ordre mettre de l'avant-garde pour arriver là où on doit se diriger. On doit aussi avoir des organisations pour réaliser ce but dont, notamment, un parti, qui coordonnera le travail révolutionnaire. Pour définir des mots-d'ordre, on doit tenter d'anticiper sur le mouvement social. Quand les maoïstes parlent d'un parti d'avant-garde, ce n'est pas pour montrer que ceux-ci et celles-ci connaissent tout, mais bien pour essayer de mettre des mots-d'ordres qui doivent faire avancer le mouvement. Il y a peut-être un processus avec de l'essai et de l'erreur mais il y a aussi une tentative de sortir de la stagnation de la pratique empirico-spontanéiste. Les révolutionnaires n'ont pas le droit d'être conservateurs.

Connaître la réalité sociale revient à définir comment est structuré une société. Pour le marxisme, la contradiction fondamentale est entre les forces productives et les rapports. Dans une société capitaliste avancée, c'est clairement entre le caractère sociale des forces productives et le caractère privé des rapports de productives ce qui, sur le plan social, prend l'aspect d'une contradiction entre le prolétariat (principale force productive socialisée) et la bourgeoisie qui détient ou contrôle les moyens de production. Juste pour dire ici qu'une nationalisation ne supprime pas en soi le caractère privé des rapports sociaux. Prenons l'exemple d'Hydro-Québec qui vent de l'électricité aux particuliers et aux entreprises. Elle vend une marchandise, de l'électricité, et dégage du profit. La distinction entre le producteur direct, le détenteur des moyens de production et le consommateur est maintenue. En URSS, cette distinction était maintenue pour la plupart des entreprises et, durant les dernières décennies, rien n'était fait pour restreindre cette distinction. Sous le socialisme, il faudra trouver les manières pour sortir la production et la distribution des biens et services de l'univers des rapports marchands. Comment y arriver? Il faut y penser.

Mais dans une société où les forces productives ne sont pas suffisamment socialisées et où les rapports de production ne sont même pas encore capitalistes que se passe-t-il? Les contradictions de classes et les contradictions sociales ne sont plus les mêmes. Pour transformer les rapports sociaux qui retardent et pour socialiser les forces productives, les classes qui auront intérêt au changement ne seront pas les mêmes que celles dans un régime capitaliste avancée. Par ailleurs, à l'époque de l'impérialisme, les contradictions de classes vont être teintées d'une lutte contre le colonialisme ou le néo-colonialisme dans ces pays.

Il y a une contradiction fondamentale entre les rapports de production et les forces productives qui se répercutent au niveau social, d'où la notion de contradiction principale et contradictions secondaire. On ne doit pas confondre cette notion avec question principale et questions secondaires. Un édifice social est beaucoup plus complexe. On doit travailler sur toutes les contradictions mais, il n'en reste pas moins qu'il y en a une qui soude tout l'édifice social dans un contexte historique bien précis. Pour parvenir au socialisme, il est inimaginable de penser que sans une mobilisation du prolétariat en tant que classe, on pourra y parvenir. Ceci dit, pour l'heure, ça ne veut pas dire qu'on doit ignorer les autres contradictions. Pour unir le prolétariat en tant que classe, il faut travailler sur les contradictions secondaires. Il se peut même que les révolutionnaires doivent mettre plus de temps sur ces contradictions secondaires pour le moment. C'est dans un parti prolétarien que se définisse les priorités d'intervention.

Conséquemment à une vision scientifique de la lutte révolutionnaire, la tâche de l'heure est de construire un parti révolutionnaire prolétarien en s'appuyant sur les forces du prolétariat et en tentant de l'unir de manière à ce que le prolétariat en tant que classe consciente renverse la bourgeoisie, ce qui permettra par la suite de transformer les rapports sociaux. C'est vrai, il y a une différence entre l'anarchisme et le communisme révolutionnaire.

P.S. J'ai mis la réponse sur mon propre blog http://espaceproletarien.blogspot.com/

Nicolas a dit…

C'est pas très scientifique ton affaire! Tu me réponds sans me citer en me faisant dire des affaires que je n'ai pas dites!

J'ai spécifiquement écrit qu'il fallait nuancer la prétention à la science à cause du caractère subjectif du fait politique. Je n'ai jamais dit que la pratique révolutionnaire n'avait rien de scientifique, j'ai même écrit que «la théorie révolutionnaire emprunte (parfois!) à la méthode scientifique» et qu’elle est «basée sur une analyse plus ou moins rigoureuse de faits matériels concrets».

Par ailleurs, même si je ne suis pas vraiment à l'aise avec le qualificatif «science» dans «science humaines», il y a quand même une différence fondamentale entre la «science politique» et la soit-disant «science révolutionnaire». L'objet n'est pas le même. L'une vise à produire des connaissance sur le monde, l'autre vise à le transformer.

À mon avis, il est beaucoup plus juste de parler de théorie révolutionnaire que de science.

Les scientifiques anarchistes que tu nomme, en particulier Chomsky, font une distinction fondamentale entre leur activité scientifique et leur activité politique. Ce n'est pas dans le même registre. (d'ailleurs, c'est la prétention à la science du marxisme-blablabla que je rejette, pas la science en soit... quoi que ce soit critiquable).

Nos, il n'y a pas de «science de la révolution anarchiste». Il y a des études historiques anarchistes, il y a de la théorie mais pas de «science».

Pour le reste (spontanéité, position politique, etc.) attend que j'en parle avant de présumer de ma position, stp...

Mathieu Linhart a dit…

Pour ce qui est du propos que j'ai émis, cela relevait plus d'une réflexion faite après la lecture de ton texte que d'une réponse comme tel.

Ceci dit, pour ce qui est un de ta position sur la science dans le domaine politique j'ai plutôt retenu cette phrase: "Un moment donné, il ne faut pas se leurrer, la politique révolutionnaire, ça reste de la politique et la politique c’est éminement subjectif."

Si la politique est quelque chose d'éminemment subjectif, c'est donc dire qu'il ne sert à rien de l'analyser avec des méthodes scientifiques. Évidemment, là-dessus je diffère d'opinion.

Tu fais cette différence entre la science politique et la théorie révolutionnaire "L'une vise à produire des connaissance sur le monde, l'autre vise à le transformer." Peut-être, se peut-il que l'emploi du terme science révolutionnaire traduit l'idée d'accumuler des connaissances sur le monde et le contexte matériel dans lequel il vit de manière à le transformer.

Pour moi, des connaissances scientifiques doivent servir quelque part à transformer les choses ambiantes. Que cela soit la Chimie, la Physique, la Génétique, la sociologie, etc., les études scientifiques doivent avoir une portée pratique quelque part.

Pour ce qui est des anarchistes que tu nommes, j'avais déjà lu un texte de Reclus sur la nécessité pour les anarchistes de se saisir des méthodes scientifiques. Je ne pourrais pas citer.

J'ai l'impression que dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les anarchistes se réclamaient fortement de la science y compris pour le domaine politique.

Je finirais avec ce couplet de la chanson Le triomphe de l'anarchie

Quand ta pensée invoque ta confiance
Avec la science il faut te concilier
C’est le savoir qui forge la conscience
L’être ignorant est un irrégulier
Si l’énergie indique un caractère
La discussion en dit la qualité
Entend, répond, mais ne soit pas sectaire
Ton avenir est dans la vérité.

Anonyme a dit…

Bonjour à tous,
en tant que sympathisant du PCR, je voulais ajouter mon grain de sel. Je salue d'abord le travail de Nicolas qui est en mon sens la première vraie critique construite de notre programme issue du mouvement anarchiste. Les débats me semblent toujours bénéfiques pour distinguer le vrai du faux. En ce sens, le PCR a longtemps tenté d'ouvrir les discussions, avec son dossier sur l'anarchisme dans Arsenal entre autres. Je suis sensiblement d'accord avec Nicolas (peut-être contre certains militants de mon parti) que le mot théorie révolutionnaire est sans doute plus juste que science révolutionnaire. Toutefois, je n'embrasse pas sa conception subjectiviste de la lutte politique. Bien sûr nous faisons le choix individuel de s'opposer ou non au pouvoir en place. Mais au delà de cette décision personnelle, notre action s'inscrit dans un mouvement général de l'histoire qui ne dépend pas de notre subjectivité. Les différentes luttes que le prolétariat a mené tout au long de son histoire ne relevaient pas des partis pris subjectifs de chacun, mais plutôt des nécessités liées au rapport des moyens de production. À un moment ou à une autre, ça devient une question de survie. Peut-être que ça semble trop déterministe, mais ça correspond à un ensemble de phénomènes observables depuis la venue du capitalisme. En bon matérialiste (comme toi, il me semble?) j'affirme que ce sont les conditions matérielles qui forment d'abord les idées et non l'inverse. De la même façon, il m'apparaît illusoire de croire que toutes les contradictions liées à l'oppression sont sur le même pied d'égalité. Lorsque nous parlons de contradiction principale, nous affirmons que c'est elle qui produit la nature des autres. En ce sens, les oppressions spécifiques que connaissent les femmes, les immigrants et les autochtones (entre autres...) découlent directement du capitalisme d'aujourd'hui. Elles n'en sont pas coupées. Désolé si c'était un peu long, mais je crois toujours qu'il est sein de débattre de questions aussi importantes. L'essentiel n'est pas que le PCR ou la NEFAC ait raison, mais que nous puissions trouver la meilleure façon de lutter pour vaincre le capitalisme.

Solidairement,

Nicolas a dit…

Je dois avouer que je suis un peu surpris de voir des marxistes nier le caractère subjectif de la politique. Pour moi c'est tellement évident! D'ailleurs, il me semble que j'ai souvent lu des marxistes parler du parti comme du "facteur subjectif", faire la distinction en "la classe en soit" et "la classe pour soit", etc.,...

M'enfin...

Mathieu Linhart a dit…

Voilà, on nous sert la boutade qui tue qui devrait disposer du débat. On nous laisse entendre que tous les marxistes savent qu'une révolution apparaît quand les facteurs subjectifs rencontrent les facteurs objectifs, autrement, on ne prendrait pas la peine de distinguer la classe pour soi de la classe en soi. Il me semble qu'on ne devrait pas réduire la classe pour soi à une classe qui se retouve avec un état d'esprit révolutionnaire spontané ou qui fait oeuvre d'actes de foi ou de volonté.

Comment une classe devient-elle consciente de ses intérêts de classe et de sa tâche historique? Un simple changement de l'état d'esprit à un moment précis? La révolution se réduit-elle à un moment précis, à une journée? En réalité, on devrait se questionner à savoir quelles institutions et quelles pratiques doit-on avoir pour implanter solidement cette conscience de classes? Ces institutions et pratiques deviennent des conditions matérielles d'une formation d'une conscience prolétarienne.

Bien sûr qu'un révolutionnaire qui n'aurait pas un état d'esprit révolutionnaire ne serait pas un révolutionnaire. Mais, son état d'esprit s'entretient dans un certain contexte. On doit travailler sur le contexte qui permet à l'état d'esprit de pouvoir vivre.

C'est sûr que si on pense que la révolution dure une journée, peut-il qu'il va y avoir une journée où les gens vont "feeler" révolutionnaires et qu'ils et elles vont la faire à ce moment. Les facteurs subjectifs vont avoir rencontrer les facteurs objectifs. Ça va être le triomphe de la "subjectivité radicale".

Rappelons aussi que quand Marx parle de classe pour soi pour le prolétariat, il suppose que ce dernier agit en parti distinct de la population. Pour ce faire, il doit y avoir des organisations qui lui permette d'agir en parti distinct. Marx n'a pas écrit le Manifeste du Parti Communiste pour rien.

Donc, pour se résumer, on ne peut pas réduire la conscience de classe à un état d'esprit subjectif. Il existe des conditions objectives pour son émergence, dont celle de la construction d'un parti prolétarien et celle d'une praxis révolutionnaire, les deux devant être liés. (Construire le Parti "communiste" du Québec ou le PCCml n'apporte rien à la révolution, leur praxis n'étant pas révolutionnaire).

Nicolas a dit…

La subjectivité ne se manifeste pas qu'à un niveau individuel, elle est aussi collective.

La combativité ne dépend pas que des conditions objectives. Tout le monde sait que, dans les luttes, le facteur subjectif (l'état d'esprit collectif) compte autant, sinon plus, que les conditions objectives. Tout dépend de ce que les gens estiment possible. S'il règne un climat de défaite généralisée, les gens n'iront pas au front, même si toutes les conditions objectives sont présentes. On le voit bien en ce moment avec le mouvement étudiant...

La conscience de classe a directement rapport avec la subjectivité, tant au niveau individuel que collectif. L'enjeu est de savoir si les gens s'identifient, individuellement et collectivement, à une classe sociale. La classe existe en soit, peut importe ce que les individus peuvent en penser, mais pour qu'elle existe pour soit, pour qu'elle soit révolutionnaire, il faut qu'il y ait conscience de classe. Il faut que le sujet --la classe-- ait un rapport à lui-même, se conçoive comme un sujet. Tout dépend de comment les groupes et les individus se voient. Bref, c'est subjectif!

Pour ce qui est de la politique, c'est la même chose. Il y a les conditions objectives. Maintenant, à partir du moment où tu te forme une opinion, c'est subjectif. Ton voisin peut être face aux mêmes conditions objectives et pourtant arriver à des conclusions différentes. Quand tu décide d'agir, c'est nécessairement subjectif, ne serait-ce que parce que tu pars de ce que tu crois possible à ce moment précis.

La même chose vaut pour les groupes et les organisations. Dans mon collectif, comme dans tous les collectifs j'imagine, il y a des débats, des propositions, des idées qui circulent et des décisions qui se prennent. Tout cela ce fait à partir des analyses mais aussi des subjectivités de tout un chacun. En plus, au fur et à mesure de la construction du groupe, au fur et à mesure que nous nous construisons une histoire commune, une subjectivité de groupe s'installe. Maintenant, cette subjectivité collective rentre en ligne de compte. Nous avons une idée collective de ce qui est possible ou pas. Une sorte de conscience de groupe. Un moment donné, la subjectivité devient même un fait objectif. À Québec, il y a un groupe qui s'appelle La Nuit, qui est capable de faire ci, ça, ça. Ça part d'une donnée subjective --ce que les membres pensent et sentent possible individuellement et collectivement, leurs désirs, etc.-- et ça devient un (minuscule) fait objectif. Voilà.

* * *

Quand les Black Panthers ont adopté pour slogan "Dare to fight, dare to win" (oser lutter, oser vaincre), ne faisaient-ils pas appel à la subjectivité des masses?

Mathieu Linhart a dit…

Il se peut que nous n'ayons pas la même définition de ce qui est subjectif et ce qui est objectif. Pour moi, est objectif ce qui existe et est indépendant de notre volonté alors qu'est subjectif ce sur relève de l'état d'esprit d'un individu ou d'un groupe restreint. Ça revient donc à dire que la conscience de classe en vient à relever davantage de ce qui est objectif. Individuellement, je ne peux pas faire grand chose pour changer la conscience de classe. Un petit groupe peut difficilement y faire quelque chose; mais un grand mouvement ou une grande organisation, oui.

On s'entend pour dire qu'une classe révolutionnaire existe en autant qu'elle prend conscience de son potentiel. Est-ce que le niveau de conscience d'une classe relève d'une subjectivité collective? Je ne suis pas nécessairement d'accord avec cette idée. L'État d'esprit d'une collectivité, ça ne se commande pas comme cela. Il faut préparer le terrain.

Quand les idées sortent d'une certaine confidentialité, elles peuvent devenir une force matérielle. Ce qui relevait de la subjectivité en vient à relever de conditions subjectives.

J'aime bien le slogan "Oser lutter, Oser vaincre". Il faut avoir un état d'esprit révolutionnaire; il faut le construire aussi. Personnellement, je pensais qu'il s'agissait d'un slogan maoïste originellement. Il faut que les BPP, pour se financer, vendait des petits livres rouges de Mao.

Anonyme a dit…

Juste pour dire: en ce qui me concerne, j'ai aussi des doutes quant à savoir si le MLM-isme est une science.

À priori, en regardant les définitions de "science" et "théorie", il me semblerait plus logique de dire que la politique est une science, et que le MLM est une théorie vérifiée et véridique*, qui s'applique à plusieurs sciences dont la politique.

Je dois avouer que, bien que ça fasse longtemps que j'ai cette position, c'est la premiere fois que je l'exprime quelquepart.

Pourquoi ne pas avoir envoyé ce commentaire au PCR? Simplement parce que, contrairement à ce que le texte de Phébus laisse entendre (du moins c'est ça l'impression que ça me donne), je pense que cette question de donner l'étiquette 'science' ou 'théorie vérifiée' au MLM est très secondaire (meme si j'aime mieux le second choix).

-- un supporter du PCR

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*je sais que plusieurs contestent ce point -- mais ce n'est pas ça la question actuellement débattue