Une critique anarchiste du PCR |
Déjà paru: |
4. La lutte armée
Selon le PCR, « la majorité des courants révolutionnaires qui ont agi dans les pays impérialistes (…) ont généralement considéré que la lutte révolutionnaire y suivrait deux phases, absolument distinctes l'une de l'autre : d'abord, une longue lutte légale puis, ensuite, une phase insurrectionnelle, suivie par une période plus ou moins longue de guerre civile se terminant par le renversement de la bourgeoisie ». Les maoïstes font une critique virulente des autres courants communistes qui, « dans les faits, [n’ont] jamais [soutenu] autre chose que le travail légal » et dont le bilan historique est d’avoir « trop souvent contribué (…) à maintenir et encadrer le mouvement prolétarien à l'intérieur de la discipline imposée par la démocratie bourgeoise (…) [et] à s'empêcher eux-mêmes de préparer la révolution ». Pour le PCR, « la voie de la révolution au Canada est celle de la guerre populaire prolongée ». Et, « pour envisager sérieusement mener à bien la lutte révolutionnaire », il faut « sans plus tarder tendre et déployer toutes nos forces vers la construction des trois instruments qui seuls nous permettront de la réaliser : un parti révolutionnaire, une armée révolutionnaire, et l'entraînement à l'action révolutionnaire des masses. »
On peut résumer la réaction de la plupart des anarchistes aux propositions du PCR à ce chapitre par un incrédule et retentissant « y sont malades ! ». Les critiques du PCR, incluant la NEFAC, ont en général rejeté du revers de la main la perspective de la « guerre populaire prolongée » en arguant que se lancer là-dedans maintenant c’était mener le peuple à un bain de sang et, accessoirement, appeler de nos vœux la répression. À mon humble avis, c’est une critique facile qui, bien que valable, démontre surtout que les anarchistes n’ont peut-être pas suffisament étudié la question. S’il n’y a pas de cas récent de lutte armée victorieuse en Occident, l’histoire récente de certaines puissances impérialistes démontre toutefois qu’elle est « possible ». Dans le fond, qu’est-ce que l’histoire récente de l’Irlande du nord, par exemple, sinon une « guerre populaire prolongée » ?
Peu d’anarchistes nieront que la violence est un aspect de la lutte révolutionnaire et qu’il n’y aura vraisemblablement pas de révolution sans violence. CertainEs « anarchistes » pensent que nous ne pouvons pas vaincre militairement un État moderne et ont à toute fin pratique abandonné l’objectif de révolution, mais ça, c’est une autre histoire. La plupart des anarchistes acceptent même, à certaines conditions et dans certaines circonstances, l’utilisation de la violence révolutionnaire ici et maintenant. L’ennui c’est que peu d’anarchistes ont pensé concrètement à une « voie de la révolution au Canada ».
Il faut donc reconnaître au PCR le mérite d’avoir réfléchi sérieusement à une telle « voie ». Bien que peu probable, tout comme, d’ailleurs, la grève générale insurrectionnelle chère à de nombreux libertaires, leur « guerre populaire prolongée » semble au moins « possible ». La vraie question est de savoir si elle est souhaitable. Dans une perspective libertaire, la réponse est non.
« L’armée rouge » que veut créer le PCR pour « affronter et vaincre l’ennemi » serait sous sa direction. Éventuellement, elle sera appelé à mener la « guerre populaire prolongée » mais, pour l’instant, on parle de « soutenir le travail du parti » en renforçant les « grandes campagnes politiques menées par le parti » en menant des « actions de propagande armée ». Selon les maoïstes, « pour combattre la bourgeoisie avec succès, il faut avoir appris à combattre ». Et apprendre, « c'est aussi une activité pratique, qui se développe quand on en fait l'expérience ». Bref, il faut bien commencer quelque part.
Qu’est-ce que ça veut dire « apprendre à combattre » ? Est-ce que ça veut dire s’amuser à jouer aux poings rouges dans les manifestations (pour ensuite se vanter de s’être poussé avant que ça chie) ? Est-ce que ça veut dire préparer de petites actions clandestines « anti-impérialistes » qui font boum (comme faire sauter des pilones électriques ou s’attaquer à la voiture d’un représentant des lobbys du pétrole) ? Ou bien est-ce que ça veut dire développer la combativité dans les mouvements sociaux, prôner l’organisation d’actions plus audacieuses demandant un certain degré de préparation « militaire » (occupations, commando bouffe, ouverture de squats, etc.) ? La question centrale est de savoir qui dirige et qui apprend : les seuls militantEs révolutionnaires ou les gens en lutte ?
Si les anarchistes sont « pour » la violence, c’est à la condition qu’elle émane d’acteurs des luttes et soit « maitrisée » par eux et non subie, amenée par des acteurs extérieurs qui imposent leur « soutien » tapageur. Nous sommes contre la spécialisation de la violence et, surtout, contre la création d’instances séparée des mouvements de masse à cette étape-ci. Si nous reconnaissons la nécessité, dans le processus révolutionnaire, de créer éventuellement des « groupes armés » nous sommes d’avis qu’ils devront être créés et contrôlés par les mouvements de masse et redevable à ceux-ci et non à un parti. Si jamais une « armée révolutionnaire » doit voir le jour –et ce n’est pas demain la veille!—elle devra être l’expression du peuple en arme et redevable devant les nouveaux organismes révolutionnaires (soviets ou autres). Autrement, c’est d’une milice privée dont on parle et non d’une « armée révolutionnaire ».
Plutôt qu’une « guerre populaire prolongée » menée par une « armée rouge » dirigée par un « parti révolutionnaire », les anarchistes proposent une « guerre de classe » menée par le prolétariat militant. Notre stratégie repose sur la radicalisation des mouvements sociaux, l’émergence de contre-pouvoirs et une stratégie de ruptures. La lutte au quotidien nous oblige à expérimenter dès maintenant l’action directe et, quelque fois, l’usage de la violence (contre les flics et les fafs, notamment). L’exacerbation de la lutte de classe obligera nécessairement les mouvements sociaux à se massifier, à se démocratiser et à développer des formes d’autodéfense et d’actions plus ou moins violentes (c’est d’ailleurs déjà à ça que servent la plupart des services d’ordre…). C’est là que ce trouve l’embryon de « l’armée révolutionnaire » éventuelle, pas dans les fantasmes d’une poignée de militantEs révolutionnaires sous-alimentés.
La suite… un autre jour !
Nicolas Phébus, 11 novembre 2007
P.S.: Je me base essentiellement sur le Programme du PCR pour faire cette critique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire