lundi 13 août 2007

Entrevue avec 4 militantEs du RAME

La grève générale étudiante de l’hiver 2005 fut la plus longue et la plus suivie de l’histoire du Québec. Historiquement, les grèves étudiantes sont en général suivies de périodes de radicalisation de masse et de (ré)organisation politique à gauche. Nous étions nombreux et nombreuses, plus ou moins issuEs de la grève de 1996, à nous demander quels fruits celle de 2005 allait donner. La réponse libertaire est venue à l’automne avec l’apparition du Réseau anarchiste en milieu étudiant (RAME).

Afin d’en savoir plus, Ruptures a posé des questions à des militantEs du RAME. Le but n’était pas d’avoir la version officielle du RAME (ça, nous l’avons déjà publié dans Cause Commune) mais bien différents regards de militantEs. Bref, on voulait avoir leur point de vue personnel, sans censure (en autant que ce soit publiable et citable !). Grâce à la magie d’internet, nous avons obtenu la collaboration de quatre militantEs du RAME : deux gars, deux filles, provenant de quatre institutions différentes. Il s’agit de Pierre-Luc (UQAM), de Sophie (soins infirmiers, Saint-Laurent), de Guillaume (U de M) et d’Emma (Maisonneuve).

Pour mettre les choses en perspective, le RAME est une organisation toute jeune. Selon Sophie, l’idée de former un réseau a été lancée pendant une retraite du groupe étudiant Libertad. L’organisation a été fondée lors de deux assemblées générales tenues l’été dernier, à Montréal. L’assemblée générale du réseau se rencontre selon les besoins, toutes les quatre à six semaines. Entre les AG, il y a trois comités : le comité de suivi, le comité d’agitprop et le comité activités. Une cinquantaine de personnes, issues d’une dizaine d’institutions, participent plus ou moins activement aux débats du groupe. Pour l’instant, le membership du RAME est individuel, mais certains comités locaux songent à en faire partie en tant que groupe. Le membership individuel versus le membership de groupes est une question qui n’est pas tout à fait réglée. Le RAME aimerait bien favoriser l’apparition de collectifs un peu partout, mais est en même temps conscient que ce n’est pas possible dans toutes les écoles, et que, même là où c’est possible, les militantEs trouvent parfois plus prioritaire de travailler dans le comité de mobilisation de l’asso, par exemple.

Propos recueillis par Phébus (NEFAC-Québec)


RUPTURES : Qu’est-ce qui vous a amené à militer (dans le mouvement étudiant et dans le mouvement anarchiste) ?

PIERRE-LUC : J’étais déjà intéressé aux questions politiques à l’adolescence, je suis rentré au Cégep du Vieux Montréal, je suis parti à Cuba faire du travail volontaire en 2002, en pleine période de la mode « antimondialisation », j’ai rencontré des gens au Cégep, j’ai participé au comité Libertad, je me suis radicalisé, et puis voilà tout s’enchaîne…

SOPHIE : J’ai d’abord commencé à militer dans le mouvement étudiant, quand je suis entrée au Cégep. Le mouvement étudiant (via l’ASSÉ et via l’asso étudiante à Saint-Laurent) a été ma porte d’entrée sur le mouvement anarchiste, via la CLAC entre autres. J’imagine que j’ai commencé à militer comme le font beaucoup de gens au Québec : l’organisation de la société me fait chier en général. Avant d’entrer au Cégep, je ne voyais pas vraiment de moyen d’exprimer cette frustration à part que dans les partis de gauche. C’est dans le mouvement étudiant d’abord et le mouvement anar par la suite que j’ai vu d’autres manières de faire, sans parti, et une analyse qui, dans le fond, collait beaucoup plus à mes idées.

GUILLAUME : J’ai été rapidement convaincu au secondaire que les problèmes sociaux que vivaient les populations (faim dans le monde, pollution, stress, perte de diversité culturelle) étaient reliés aux principes du capitalisme : la maximisation des profits.

À l’époque (Sommet des Amériques à Québec), il me semblait que c’était les anarchistes qui essayaient le plus de faire bouger les choses. Mes parents écoutaient Brassens et Ferré, ce qui me donnait déjà un préjugé favorable face à cette théorie. Je me suis alors mis à l’étude de la pensée anarchiste. Je suis allé à des rencontres de la CLAC, puis j’ai participé à des manifestations dans le cadre des squats Préfontaine et Overdale. Je suis allé à des manifestations qui ont été sévèrement réprimées (manifestation contre la brutalité policière ; manifestation contre une rencontre des ministres du travail du G8). Tout ça m’a radicalisé. Je suis allé au salon du livre anarchiste et j’ai lu pas mal. J’ai commencé à me définir comme anarchiste, puis comme anarcho-communiste.

Cependant, je gardais en moi une incertitude quant à la possibilité révolutionnaire, et de ce fait, je gardais de nombreuses incohérences : j’avais un côté largement réformiste et je ne me posais pas sérieusement la question de la stratégie révolutionnaire.

Rendu au Cégep, mon réformisme m’a donné le goût de participer aux mouvements sociaux dans leurs luttes contre Charest, mais par ailleurs, je cherchais un militantisme intelligent, radical et démocratique. C’est alors que je suis tombé sur les anarchistes du Cégep du Vieux Montréal qui exigeaient la démocratie directe dans le cadre du syndicat étudiant. J’ai milité avec eux, entre autres pour provoquer la grève étudiante de l’hiver 2005 (j’avais été élu responsable à la mobilisation sur le bureau exécutif de l’association étudiante). La lutte réelle que j’ai vécue durant la grève, avec tout ce qu’elle implique, m’a finalement radicalisé pour de bon et m’a montré l’importance d’une recherche de cohérence. Après la grève, ma pensée politique avait largement évoluée…

EMMA : L’anarchisme de bands comme Propaghandi et Anti-Flag m’a amené à faire des lectures qui m’ont motivé à m’impliquer dans des groupes radicaux. Un des premiers groupes dans lequel je me suis impliquée était un groupe radical basé à mon cégep (c’était une bonne porte d’entrée dans le militantisme, assez accessible). C’est un peu plus tard que je me suis impliquée dans le mouvement étudiant car au début je ne faisais que le considérer comme réformiste. C’est surtout avec le contexte pré-grève (donc à l’automne 2004) que j’ai vraiment réalisé que le mouvement étudiant pouvait être très intéressant en tant que mouvement de masse appliquant le syndicalisme de combat. Je considère que c’est un premier pas vers une certaine prise en charge de leurs affaires par le monde quand les gens défendent leurs intérêts (qui s’opposent à ceux de la classe dirigeante) en posant diverses actions combatives, le tout émanant d’assemblées générales de base. Bien que cela ne soit pas fait dans une perspective révolutionnaire, eh bien c’est déjà un premier pas et, dans la lutte, les gens peuvent développer leur analyse des choses et se radicaliser. S’impliquer dans le mouvement étudiant permet d’être en contact et de rejoindre des gens qui, au premier abord, seraient plus ou moins interpellés par la propagande révolutionnaire. Si les gens radicaux délaissent le mouvement étudiant, la place sera prise par des gens plus modérés, et on perd alors notre chance de promouvoir nos idées de démocratie directe et d’approche plus confrontationelle au sein de celui-ci.


RUPTURES : D’où vient le besoin de s’organiser spécifiquement comme anarchiste étudiant ?

PIERRE-LUC : Pour un anarchiste, il est impératif à mes yeux de s’organiser dans ses milieux de vie quotidien. L’école est un foyer où la jeunesse, dans son ensemble, n’a pas vraiment le choix d’évoluer. Étant donné ma condition d’étudiant, il me semble important de propager les idées et les pratiques libertaires à des jeunes qui évoluent dans le même milieu que moi. Il demeure qu’il existe des organisations (enfin… une) qui se réclament du syndicalisme de combat et il n’est pas étonnant de voir des anarchistes s’y impliquer, puisque certaines pratiques défendues par ce courant syndical sont proches ou apparentées à des pratiques libertaires. Néanmoins, bien que ce travail soit important puisqu’il est déterminant pour tout changement social d’envergure (comme par exemple la dernière grève générale illimitée, qui est principalement le fruit du travail de l’ASSÉ), il est à mon avis essentiel d’apporter une critique spécifiquement anarchiste au sein des luttes. La critique anarchiste amène d’autres perspectives aux gens en lutte, élargit le débat et prouve qu’il existe des alternatives toujours d’actualité en marge des systèmes de domination. Dans les grands moments de lutte, notre critique a un potentiel de radicalisation immense.

SOPHIE : Je pense qu’il faut s’organiser comme étudiantEs d’abord, dans le cadre d’un mouvement syndical de combat qui vise à établir un rapport de force face à l’État. C’est, en tout cas, l’une de mes priorités pour le moment.

En tant qu’anarchistes étudiantEs, par contre, je pense qu’on se doit de diffuser notre analyse, sinon c’est de l’hypocrisie, que de s’organiser dans un mouvement sans jamais avancer notre discours propre. Le besoin de s’organiser dans le RAME est né de la multitude de contacts que nous avons accumulé plus informellement depuis quelques années. Nous avons senti le besoin de formaliser ces liens et de se donner les moyens, justement, de diffuser nos idées et de rendre l’anarchisme plus accessible. Bien que plusieurs d’entre nous ont été initiéEs à l’anarchisme dans le mouvement étudiant, je ne crois pas qu’il faut nécessairement compter sur ce dernier pour promouvoir les luttes anars : c’est à nous de le faire.

GUILLAUME : Je considère que pour nous, les anarchistes, il est nécessaire de s’impliquer dans nos milieux de vie, surtout quand ceux-ci peuvent rejoindre des masses. Je considère les étudiantEs comme des travailleurs intellectuels et je vois dans le mouvement étudiant la possibilité de créer un mouvement de masse radical et démocratique. Ce mouvement peut faire connaître l’anarchisme à plusieurs personnes, et, but ultime, maximiser nos chances de révolution.

EMMA : Quand t’es étudiantE, un de tes milieux de vie est une grosse bâtisse avec pas mal de monde dedans. Cette concentration importante de monde renferme inévitablement des gens qui peuvent être ouverts aux idées anars. C’est sûr que l’idéal serait de ne pas se limiter aux étudiantEs, mais étant donné qu’on partage une certaine réalité, ça peut aider pour entrer en contact avec eux-elles (on est pas des outsiders). Bref, je me sens plus à ma place de mober unE étudiantE qu’un syndiqué de 50 ans, (et vice-versa pour un vieux révolutionnaire qui vient dans un cégep, sans vouloir tomber dans l’âgisme…) je crois que l’impact est meilleur, et notre angle d’approche sera pas nécessairement le même. Mais je considère qu’une organisation révolutionnaire plus « générale » comme la NEFAC est essentielle et qu’idéalement les forces devraient y converger. Le RAME s’est créé comme un premier effort pour rassembler une couple de personnes qui s’identifient comme anars et qu’on savait un peu éparpillées dans différentes institutions d’enseignement (Vieux Montréal, UQAM, Saint-Laurent, Maisonneuve, Gérald-Godin, Cégep de Sherbrooke, etc.). Cependant, on entretient de bons liens avec la NEFAC, tel que le démontre la décision du RAME de joindre la campagne de la NEFAC sur les élections…


RUPTURES : Qu’est-ce que le RAME fait/veut faire ?

PIERRE-LUC : Le RAME se veut un réseau d’individus, pour l’instant, mais à moyen-long terme il sera constitué de groupes locaux, c’est-à-dire de collectifs implantés dans les écoles. Certains de ces collectifs existent déjà : Libertad au Cégep du Vieux Montréal, le Comité d’action politique de l’UQAM, le Collectif anarchiste du Cégep de Sherbrooke, le Front de réflexion et d’action anticapitaliste à Maisonneuve… Le but est de réseauter ces groupes afin de leur permettre de mieux se coordonner entre eux, de mieux s’unir dans notre lutte commune. Nous voulons être un support pour les idées et les pratiques anarchistes. Un objectif est aussi de rendre plus accessible à la jeunesse certaines activités spécifiquement anarchistes, comme des ateliers, des soirées, du matériel d’info, provenant de différentes organisations avec lesquelles le RAME a des contacts.

SOPHIE : On veut faire de la propagande, entre autres. On est sur le point de lancer le premier numéro de notre bulletin, La Marmite (une publication tirée à 3000 ex.). On voudrait organiser des ateliers sur l’anarchisme et sur le système d’éducation pour cet hiver aussi. Nous avons participé au contingent anti-impérialiste dans la manifestation du 28 octobre dernier contre l’occupation de l’Afghanistan. On projette de s’organiser contre les prochaines élections, aussi. Nous sommes une organisation très jeune encore, mais les projets ne manqueront pas. Je pense que le RAME peut aussi servir de pont entre le mouvement étudiant et les autres luttes sociales. Je pense que présentement, le syndicalisme étudiant est en train d’oublier un peu ses liens avec les mouvements populaires et de base, pour bâtir plutôt des liens avec les syndicats. Cela n’est pas mauvais en soi, mais je crois qu’il est important de rappeler que la dernière organisation syndicale étudiante combative est née à peu près en même temps que les luttes contre le Sommet des Amériques, et qu’il y a souvent plus de rapprochements à faire avec ces luttes plus « grassroots ». Je pense que le RAME peut aussi mettre en lien des anars étudiantEs avec d’autres luttes sociales (ex. : droits des migrantEs, travail anti-guerre, anti-racisme, luttes en milieu de travail, etc.).


RUPTURES : Qu’est-ce que le RAME a à offrir de plus que le militantisme étudiant classique ?

PIERRE-LUC : Le militantisme étudiant classique est bien obligé de se renfermer dans des luttes sectorielles, qui nécessitent une attention particulière. Le RAME élargit le débat en ne s’attaquant pas à une spécificité de l’injustice du système, mais plutôt à l’injustice du système dans son ensemble, dans ce qui le comprend : la guerre, la farce démocratique, l’éducation, la répression, le colonialisme et l’impérialisme, etc. sont différentes thématiques qu’on explore.

SOPHIE : Je ne vois pas le RAME comme étant nécessairement en compétition avec le « militantisme étudiant classique ». Je pense que le RAME est un espace autre où on peut se coordonner entre anars dans le mouvement étudiant.

GUILLAUME : Une réelle réflexion philosophique plus large, une critique de la totalité de la domination capitaliste et, ainsi, une pensée et une stratégie qui vont plus loin que le réformisme inefficace.

EMMA : On voit les deux comme complémentaires. Le bonus serait d’affirmer clairement notre
anticapitalisme, notre parti pris révolutionnaire, de critiquer en profondeur le système d’éducation (son rôle de reproduction du système capitaliste). Bref, pousser une analyse plus radicale et militer en conséquence…


RUPTURES : Pourquoi les étudiants anarchistes devraient se joindre à vous ?

PIERRE-LUC : C’est simple : y’a pas d’autres organisations ouvertement anars dans le milieu étudiant. C’est un peu pour ça qu’on existe… Les anarchistes qui étudient mais qui ne veulent pas s’impliquer existent, cependant. Il est bien possible d’être anarchiste et étudiant et ne pas vouloir s’impliquer avec le RAME, mais généralement, ce sont du monde qui s’impliquent dans des collectifs extérieurs au milieu étudiant. Ou qui étudient trop!

EMMA : Ça sert pas à grand-chose de se dire anar si t’es pas impliqué pour essayer de diffuser tes idées au moins, et c’est intéressant d’essayer de diffuser aux gens qui sont dans la même bâtisse que toi… Alors regroupons nos efforts et partageons nos expériences !


RUPTURES : Entre toutes les tendances possibles et imaginables de l’anarchisme, le RAME se définit comme communiste libertaire , pourquoi ?

PIERRE-LUC : À titre personnel, c’est surtout lors de la grève générale de 2005 que j’ai pris conscience de certains faits. Par exemple, de quelle façon et comment avait pris forme la grève. Il fallait se poser la question : comment cela a-t-il pu arriver ? En tant que gréviste, la réponse était assez simple : c’est grâce à notre organisation avec l’ASSÉ, en privilégiant le syndicalisme de combat, la démocratie directe et l’action directe. En tant qu’anarchiste, il fallait, à mon sens, faire un grand retour en arrière et regarder l’histoire de l’anarchisme et ses luttes passées afin de se rendre compte de certaines similitudes, bien évidemment dans des contextes et des situations différentes, avec ce que nous venions de vivre. En définitive, on pouvait se dire : s’il est possible de vivre une grève que plus de la moitié des étudiantEs post-secondaires du Québec ont vécu, il est possible de concevoir une grève beaucoup plus large, qui rassemblerait les salariéEs, les sans-emploi, les jeunes, les plus vieux, etc. Il est possible de concevoir la crise sociale, sa possibilité. Et quand tu te dis que c’est possible, t’a envie d’en faire plus, que ça prenne forme. C’est à ce moment là que parmi toutes les tendances de l’anarchisme, une seule m’a rejoint, m’a parue concrète et historiquement réalisable : le communisme libertaire.

SOPHIE : Pour moi, l’étiquette de « communiste libertaire » est relativement peu importante. Mais voyant d’où est né le RAME, des luttes sociales, je trouve ça plutôt logique. Je crois que le RAME, justement parce que c’est un réseau, peut se permettre d’être plutôt ouvert au niveau des tendances de l’anarchisme, sans dévier de nos objectifs qui sont de participer au mouvement syndical étudiant ainsi qu’aux autres luttes sociales. Je crois que ces objectifs sont assez précis au niveau de quelle orientation on veut se donner…

GUILLAUME : Parce que c’est la seule tendance qui, historiquement, a su connaître le dessein réel des masses révoltées, avec un réel projet de société. C’est la seule tendance cohérente et stratégique. C’est la seule tendance qui puisse mener à une société libre, égalitaire et qui permet l’aisance pour tous.

EMMA : Nous sommes pour l’anarchisme social et le communisme nous apparaît le système économique le plus juste. Nous croyons en la nécessité de nous organiser dès maintenant en vue d’un changement social radical.


RUPTURES : En plus, vous êtes pro-syndicalisme étudiant, vous n’avez pas peur de vous faire accuser de sectarisme par les autres étudiants anarchistes et de vous couper d’appuis potentiels ?

PIERRE-LUC : Les autres anarchistes étudiants sont, comme je l’ai dit plus haut, des anarchistes qui, s’ils s’impliquent, le font dans des collectifs extérieurs au milieu étudiant. On se fait déjà accuser depuis quelque temps d’être des parvenus et des bureaucrates, puisque certainEs d’entre nous s’impliquent dans leurs associations étudiantes respectives. Personnellement, l’avis de ces gens-là ne m’importe pas vraiment dans la mesure où leur activité est globalement inintéressante puisque inexistante. Quand ces gens s’activent, c’est principalement pour conforter l’isolement du ghetto, donc c’est sûr qu’on n’est pas vraiment sur la même longueur d’ondes. Mais bon, ce débat est vieux de plus d’un siècle, non ?

SOPHIE : UnE étudiantE anarchiste qui veut lutter spécifiquement au niveau de l’éducation et qui n’est pas en faveur du syndicalisme étudiant de combat (ou même du principe sans y prendre part), ou qui chercherait à travailler uniquement sur la pédagogie libertaire, je trouverais ça un peu paradoxal, et je n’en connais pas. Je crois que nous connaissons tous et toutes dans le RAME des étudiantEs anars qui luttent ailleurs, et c’est ben correct. Je pense qu’il faut faire attention au sectarisme ; quand on est jeune, nos idées politiques peuvent évoluer rapidement, passer du nationalisme péquiste à l’anarchisme est quelque chose qui s’est déjà vu entre l’âge de 17 et 18 ans, par exemple. Pour cette raison, sans diluer nos principes, c’est important d’être accessibles. Je pense qu’il faut aussi travailler pour renforcer nos liens avec des groupes et organisations anars ou anticapitalistes à l’extérieur du mouvement étudiant.

GUILLAUME : Je crois qu’un groupe anarchiste qui ne prend pas position sur la stratégie révolutionnaire manque de perspective et se retrouve à être inefficace. Je crois que, dans l’objectif de maximiser nos chances révolutionnaires, l’implication dans les mouvements sociaux et, de ce fait, dans les syndicats étudiants, est essentielle.

EMMA : D’après nous, la grève étudiante de l’hiver 2005 est un bon exemple pour montrer le potentiel du syndicalisme étudiant de combat ; une telle mobilisation de masse est certainement une expérience qui peut conscientiser pas mal de monde sur la nécessité de résister aux mesures injustes imposées par le gouvernement, et qu’on a un certain poids quand on fait preuve de solidarité et de combativité. Bref, comme je le disais, c’est un premier pas. Pour ce qui est de se couper des appuis d’anars étudiant-es non communistes, nous sommes assez satisfait-es du nombre de personnes que le RAME réussi à rassembler ; on trouvait important de se donner des principes de base suffisamment précis pour pouvoir dégager aussi une ligne assez précise dans notre propagande et dans nos actions.


RUPTURES : Avez-vous déjà des ennemis ?

PIERRE-LUC : On a plus d’amitiés que d’ennemiEs, je suppose. Les gens qui nous aiment pas ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Globalement, notre projet a bien été accueilli… et on s’entend très bien avec celles et ceux qui nous supportent !

SOPHIE : Bien sûr. C’est l’État, les patrons, les flics, les administrations des écoles et les petitEs cheffEs étudiantEs comme on en trouve à la FECQ et à la FEUQ.

GUILLAUME : Certaines personnes nous auraient traité de démocrates radicaux…

EMMA : Bof non.

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Extrait du numéro 7 de Ruptures, la revue francophone de la NEFAC.

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