dimanche 13 avril 2008

Dico anticapitaliste : La « délégation de pouvoir »

« La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point. […] Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires. ». L’aspiration à la démocratie qu’exprimait Jean-Jacques Rousseau en 1762 dans le Contrat social n’a jamais été satisfaite. Aujourd’hui les pays occidentaux ne connaissent de la démocratie que sa forme dévoyée : la démocratie représentative, qui repose sur la délégation de pouvoir.

Ce système de gouvernement est basé sur une triple mystification.

1) Le véritable pouvoir, le pouvoir économique, échappe aux élu-e-s. Il appartient aux classes possédantes. Pour l’essentiel, le rôle dévolu aux « représentant-e-s du peuple », c’est la gestion des dégâts causés par un système économique qu’il est interdit de remettre en cause puisque la propriété privée des moyens de production et d’échange est sacralisée dans la Constitution.

2) Le peuple est supposé choisir ses représentants, et représentantes mais seulement parmi celles et ceux désignés par des partis, dont l’essentiel du financement est assuré par l’État. Des candidatures « indépendantes » sont autorisées, mais les inégalités de ressources et d’accès aux médias les rendent sans effet.

3) Les élections sont supposées permettre au peuple de s’exprimer… mais sur les programmes des candidates et des candidats. Et les réponses qui lui sont demandées sont binaires. C’est oui ou non !

Malgré tout, en dépit de la résignation inculquée aux travailleuses et aux travailleurs, en dépit des millions d’euros de financement des campagnes électorales et des verrouillages médiatiques, il peut arriver que les électeurs ne fassent pas « le bon choix ».

Qu’importe. Les élu-e-s dissidents seront lentement mais très probablement digérés par la mécanique de la délégation de pouvoir. Une fois le scrutin terminé, l’élu-e rentre dans une logique où les dossiers qui lui sont confiés n’ont pas vocation à être discutés par les électrices et les électeurs. Les élu-e-s s’isolent de leur base. Ils et elles ne sont plus contrôlés que par leur parti. Une carrière politique réussie, véritable promotion sociale pour les quelques prolétaires qui y accèdent, n’est possible qu’au prix de compromis. Cette logique est à l’œuvre depuis que des « partis ouvriers » prétendent changer la société en accédant au pouvoir d’État. Ils ont tous fini en gestionnaires du capitalisme.

De même que l’économie féodale ne pourrait fonctionner avec le système politique contemporain, l’économie capitaliste ne survivrait pas à une démocratie réellement souveraine. Il y a un lien direct entre la nature des rapports de production et la forme de l’organisation politique de la société. Sans abolition du capitalisme, pas de démocratie véritable.

Texte de Jacques Dubart
Publié dans Alternative Libertaire no 170 (fév. 2008)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dit comme ça, c'est très clair! Et ça rejoint ce qu'on disait en commentant l'autre article.
Alex