samedi 6 décembre 2008

Réalisme et politique

L'une des grandes ambitions de Françoise David pour Québec solidaire était d'arriver à présenter une alternative de gauche crédible et réaliste. L'un des moyens identifié pour se faire était de chiffrer toutes les propositions et de produire un sacro-saint cadre financier. Était-elle inspirée du Jean Charest cuvée 2003? Qui sait!

Toujours est-il que cette fois-ci, selon le journaliste économique Gérald Filion, Québec solidaire est aujourd'hui le parti qui a le cadre financier le plus détaillé du Québec! Le radio-canadien s'est en effet penché sur la question, sur son blogue, et il en conclu: «Québec solidaire détaille de façon quasi maniaque chaque proposition, ce qui permet de donner plus d'informations». (c'est Pwel qui m'a mis sur la piste...)

Théoriquement, Québec solidaire est donc aujourd'hui le parti le plus réaliste et le plus crédible de tous! L'ennui c'est qu'à part Gérald, personne ne semble avoir remarqué...

Accessoirement, à lire le comparatif entre les partis, on se rend également compte que l'action de Québec solidaire se situe en plein dans les balises permises par le système capitaliste. Nulle rupture à l'horizon, Québec solidaire n'est pas radical pour deux sous. D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes: «les engagements actuels de Québec solidaire sont plutôt sociaux-démocrates et souhaitent une meilleure redistribution de la richesse d'un point de vue économique» (source). Bref, quoi qu'en dise Alexa Conradi, la présidente du parti, pour «une perspective critique du capitalisme», faudra regarder ailleurs.

3 commentaires:

Christian Dubois a dit…

Il y a tout de même le fait qu'il y a des investissements important dans l'économie sociale et des mesure fiscales favorisant les entreprises à structure démocratique. Ce n'est pas marcher sur la Bourse de Montréal pour la brûler, mais ça ne rentre pas exactement dans le moule de l'économie privée.

Nicolas a dit…

Euh... Ça fait plus de 100 ans que le mouvement desjardins a prouvé que des entreprises à structures démocratiques étaient parfaitement compatibles avec l'économie privée.

Si QS est en rupture avec quelque chose c'est le néolibéralisme. Et c'est bien correct. Mais c'est insuffisant.

Anonyme a dit…

Pas si sûr que ça que QS ne pose pas de ruptures, à moins d'être prisonnier de nos idéologies... faut quand même être un peu de mauvaise foie pour pas se rendre compte que QS rompt radicalement avec le néolibéralisme, qu'il permet ainsi de poser des questions de fonds remettant en question l'ordre capitaliste.
Come on camarade!

Voici un texte que je vous invite à débattre... je suis curieux d'une réponse de votre part, allez voir plus bas c'est un texte d'un de mes camarades d'organisation.

Mais avant cela, vous dites dites que QS propose des positions économiques de réforme du système capitaliste que par conséquent, il se situe dans le champs du réformisme classique qui à conduit historiquement au social-libéralisme ou bien à l'humanisation de son système. S'il est ouvertement pour des réformes, il ne s'est jamais définit dans le champ de la sociale-démocratie… en ce moment s’il le fait ce sera le reflet de l’accumulation des défaites des mouvements sociaux et du refus des militantEs de gauche radicale de s’engager à construire une organisation qui nous permette de battre la droite dans la rue ET dans les urnes.

QS regroupe de l'extrême gauche socialiste à la sociale-démocratie, son programme est en construction. Il est encore en négociation, en tension entre ces deux pôles.
Il est faux et mensonger de dire que QS est social-démocrate ou encore réformiste comme il est entendu dans le débat historique «réforme-révolution». Ça construction se fait dans un tout autre cadre historique et fasse à des défis que la gauche en général, toute tendances confondues, n’a jamais fait fasse…
Comme je disais, sa définition est encore en marche, en construction, en processus. Il a un programme résolument anti-néolibéral qui permet de remettre en question des éléments de fond du système capitaliste. Par exemple, croyez-vous sérieusement que 5 semaines de congé payé pour touTEs de plus par année, que la gratuité scolaire, que la nationalisation du secteur éolien, du secteur pharmaceutique ne seraient pas de belles revendications transitoires permettraient de poser des questions de fonds sur l'organisation capitaliste de la société, et que ce type de revendications ne nous propulseraient pas vers des revendications plus avancées?
Pensez-vous que les bourgeois concèderaient facielement ce type de mesures sans luttes sociales?

La question à se poser c'est: est-ce que d'avoir un programme qui inscrirait noir sur blanc qu'on est anticapitaliste réglerait la question? absolument pas...il ne suffit pas -ou ce n'est pas une condition- d'écrire qu'on est anticapitaliste pour l'être. On a beau avoir le plus beau programme du monde, c'est la pratique qui révèle la politique d'une organisation (c'est la même chose pour l'UCL)... et cette pratique est en construction à QS, après seulement deux ou trois ans d'existences, QS est encore en train de se structurer... malgré deux élections entre les pattes! Je comprends que certainE soient impatientEs ou qu’ils et elles aient connus de mauvaise expériences au sein de QS… mais c’est pas plus tof de militer dans QS que de faire du travaille de masse…

Alors comme avoir une politique conséquente pour lutter contre les dominants d'aujourd'hui et pour ouvrir des fenêtres et des portes nous permettant de respirer et de s'engager vers des voies de transformations sociales… à vous de répondre, car je ne crois pas que QS soit un obstacle...

Pour ce qui est de l'électoralisme je vous réfère au texte de mon camarade D. Mandel (plus bas et ici :http://www.lagauche.com/lagauche/spip.php?article1960)... sur le programme de QS allez voir le texte d'un autre de mes camarades B. Rioux: http://pressegauche.org/spip.php?article2758

Javier
(en mon nom très personnel, militant de GS)


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Gauche socialiste et la voie parlementaire (ou pourquoi ne pas s'abstenir, au Québec, en 2008)

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www.lagauche.com

7 décembre 2008

par David Mandel

Le 30 novembre dernier avait lieu une réunion publique avec différents représentants de la gauche radicale au Québec. Le titre de la rencontre : « La voie parlementaire est-elle le terrain de lutte de la classe ouvrière ? ».

Vous trouverez ci-dessous la transcription de l’intervention de David Mandel qui était sur le pannel pour Gauche Socialiste.


« La voie parlementaire est-elle le terrain de lutte de la classe ouvrière ? »

Pour donner une réponse cohérente à la question, il faut d’abord la reformuler pour préciser davantage ce qu’on demande. Est-ce qu’on demande si, dans le cadre de la démocratie capitaliste, un parti ouvrier devrait participer à la lutte électorale et parlementaire ? Ou bien est-ce qu’on demande si la voie parlementaire peut amener au socialisme ?

A la première question – si, dans une démocratie capitaliste, un parti ouvrier devrait participer aux luttes électorales et parlementaires – la réponse du courant marxiste auquel j’appartiens est affirmative : il faut y participer, à moins que la société se trouve déjà dans une situation révolutionnaire, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui. Mais cela ne règle pas la question, parce qu’il faut encore préciser de quelle manière participer et dans quels buts. J’y retournerai tantôt.

A la deuxième question – si la voie parlementaire peut amener au socialisme – la réponse est également sans équivoque : la voie parlementaire ne peut pas amener au socialisme. Et cela avant tout pour la simple raison que la bourgeoisie ne le permettrait jamais. Dès qu’elle se rendra compte que ce système politique ne lui permet plus de défendre ses intérêts vitaux, elle y renoncera en faveur du sabotage, de la répression, de la dictature. Il faut aussi reconnaître que les gains que la classe ouvrière et ses alliés peuvent faire dans le cadre de la démocratie capitaliste, quoique réels et souvent significatifs, resteront toujours partiels et précaires.

Mais malgré cela, et malgré que la lutte parlementaire ne puisse libérer les travailleurs et les travailleuses de l’exploitation ni renverser la tendance à la dégradation sociale et à la destruction de l’environnement, nous soutenons qu’il faut y participer, si nous voulons que la classe ouvrière et ses alliés soient un jour en mesure de réaliser la transformation socialiste souhaitée. Une classe qui est incapable de se poser des buts même limités et de les réaliser dans des conditions de liberté relative pourrait à peine se poser un but de l’envergure de la transformation révolutionnaire de la société.

Tant que les libertés politiques sont plus ou moins respectées, et à moins que la société ne soit déjà dans une situation révolutionnaire, un parti ouvrier ne peut pas refuser la participation à la lutte parlementaire et électorale. Cela pour la simple raison que si ce parti est incapable de convaincre les travailleurs et les travailleuses de voter pour lui afin de gagner des réformes, mêmes partielles, ce parti ne pourrait certainement pas les mobiliser en faveur d’une révolution et du socialisme… A moins que nous ayons affaire à un groupe conspirateur qui cherche à prendre le pouvoir au nom de la classe ouvrière afin de éclairer celle-ci par la suite – une stratégie néfaste que Marx lui-même a mis pas mal d’effort à combattre.

La vraie question est donc : comment devrait-on participer à la lutte parlementaire et quelle place elle devrait-elle occuper dans une stratégie globale qui vise le socialisme. L’un des concepts politiques centraux du marxisme est « le rapport de forces entre les classes ». Ce rapport est une chose complexe, à laquelle contribuent bien des facteurs variés, tant matériels qu’idéologiques, tant subjectives qu’objectives. Mais c’est le rapport de force entre les classes qui détermine en dernière analyse la situation de la classe ouvrière : l’état de ses droits sociaux et politiques, le niveau d’exploitation dans la société, la force de l’emprise de l’idéologie dominante sur la conscience populaire, et bien d’autres choses.

Nous ne nous faisons pas d’illusions : la bourgeoisie jouit d’énormes avantages dans le cadre de la démocratie capitaliste. Pour n’en mentionner que les plus importants : elle contrôle l’économie ; elle contrôle également les médias de masses ; elle jouit de la sympathie des hautes sphères des appareils étatiques, y inclus des appareils de répression, la police et l’armée ; elle a l’appui d’alliés internationaux très puissants. Ces avantages rendent des victoires électorales d’une gauche anticapitaliste extrêmement difficiles. Et même quand cette gauche remporte des victoires électorales, celles-ci — à elles seules — ne peuvent changer de manière significative le rapport de force dans la société. Quelqu’un l’a bien exprimé : « les élections donnent le droit de gouverner, mais non pas nécessairement le pouvoir de gouverner ». Ce pouvoir dépend du rapport de forces global, et avant tout au sein de la société elle-même.

Bref, les victoires électorales, même si elles contribuent au rapport de force entre les classes, ne peuvent pas en elles-mêmes le modifier radicalement.

La vraie question est donc : comment participer à la lutte électorale et dans quels buts ? Il devrait être évident que la lutte électorale ne doit pas constituer un but en soi. Les luttes électorales et la participation au parlement doivent être subordonnées à une stratégie qui vise à changer le rapport des forces au sein de la société en faveur de la classe ouvrière, de sorte que celle-ci puisse se donner des buts toujours plus ambitieux, jusqu’au moment où elle pourra poser réellement la question de la transformation socialiste de la société.

La participation aux élections doit donc servir en premier lieu à renforcer la capacité de mobilisation des forces populaires, à élargir leurs perspectives et leurs ambitions, à renforcer leur confiance en elles-mêmes, à les réunir derrière des revendications qui vont à l’encontre de la logique du capital et qui remettent en cause son pouvoir. Cela devrait également le rôle prioritaire des députés de gauche élus au parlement.

Il s’agit donc d’un parti qui cherche à devenir un véritable mouvement politique, enraciné dans les mouvements sociaux, tout en respectant leur autonomie ; un parti qui participent aux luttes électorales et parlementaires dans le but de renforcer ces mouvements et de les rassembler derrière une vision commune de transformation radicale de la société.

La construction d’un tel parti et l’élaboration d’une telle stratégie est une chose extrêmement complexe et difficile, et d’autant plus dans une période de démobilisation populaire relative, comme celle que nous vivons depuis un quart de siècle. Le capitalisme est un système en mutation constante : Marx et Engels ont écrit que le capitalisme révolutionne constamment les rapports de production. Cela signifie que même si nous devons tirer des leçons des expériences du passé, nous nous ne pouvons pas répéter ces expériences. Il faut constamment rénover les stratégies, même si les principes de base de notre action restent constants.

En même temps, il faut reconnaître sur la base de l’expérience historique que la démocratie libérale à une très grande capacité de récupération des forces contestataires. Contre cela il n’existe pas d’immunité certaine. La participation de révolutionnaires aux institutions de l’Etat bourgeoisie est une démarche par sa nature même contradictoire. A ce sujet, les anarchistes ont le mérite de souligner les dangers. Le problème est que leur solution – l’abstention – n’est pas une solution. Il n’y a que le fonctionnement démocratique des organisations ; la formation d’une base de militants et de militantes arméEs d’une analyse réaliste de la société et de l’État capitalistes ; et la résistance consciente à la tentation, toujours forte, de se transformer en machine électorale et de subordonner le parti à son aile parlementaire.

L’histoire montre que le risque de récupération est toujours réel. Mais l’alternative est une gauche anticapitaliste qui traîne une existence politique marginale sans influence significative dans la société.