Depuis le 22 octobre, une grève frappe certaines épiceries «Maxi» de l'est de la province. Au total, ce sont 789 membres de la section locale 503 du syndicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) qui ont croisé les bras de Trois-Rivières à Sept-Îles. Des lignes de piquetage ont été dressées devant sept commerces de la région, dont les «Maxi» de Place Fleur de lys, à Vanier, Lebourgneuf et Louis XIV à Charlesbourg. Il s'agit d'un conflit majeur pour le syndicat, qui cherche à uniformiser les conditions de travail dans l'ensemble de la bannière.
Comment des salariés au statut somme toute précaire, 60% de temps partiel, en sont-ils venus à prendre le sentier de la grève? «Les dernières années ont été difficiles dans le domaine de l'alimentation, surtout chez Maxi, explique André Dumas, président des TUAC-503. L'employeur a restructuré son entreprise et a fermé ses boucheries. Il y a toujours un département de viandes mais il n'y a plus de boucher actif qui coupe la viande dans les épiceries. C'était le meilleur travail, en tout cas le mieux rémunéré dans les épiceries. De plus, à la suite de ça, les gens les mieux payés ont vu leurs salaires gelés pendant plus de 8 ans.» Or Maxi est une bannière rentable, en fait, c'est la bannière qui s'en tire le mieux actuellement au Québec et elle appartient à la chaîne la plus riche. Alors, il y a deux ans, le syndicat a lancé un processus pour identifier avec les membres les revendications qui permettraient d'améliorer leurs conditions.
«Nous, ce qu'on a identifié, c'est d'avoir une convention collective pratiquement uniforme dans toute la bannière, raconte André Dumas. On s'est assis avec les délégués et on a monté un projet très réaliste et terre-à-terre et on l'a négocié dans un premier Maxi, à Baie-Comeau. Ça a pris un bon bout de temps, mais on en est venu à une bonne entente, les gens étaient satisfaits, et on a demandé la même entente dans les autres établissements Maxi, ce que l'employeur refuse.» En cas de refus, les syndiqués avaient voté massivement pour la grève dans 13 Maxi sur 14 (dans le cas du Maxi d'Estimauville, l'offre finale patronale a été présentée aux membres et acceptée à 62.5%). De plus, le syndicat a déposé une nouvelle demande d'accréditation syndicale unique pour une quinzaine de Maxi de l'est de la province, marquant ainsi sa volonté d'en arriver à une seule et même convention collective.
Écoutez notre entrevue avec le président du syndicat local:
Diviser pour régner
Face à cette stratégie, la compagnie applique la tactique de diviser pour régner. Elle argue offrir des conditions en fonction des conditions locales du marché de l'emploi et du volume de vente de chaque magasin. «C'est une grève de solidarité, explique Guy(*) un gréviste rencontré en face du Maxi Fleur de lys, parce qu'on aurait pu obtenir ce qu'on voulait dans la plupart des magasins mais certains n'avaient pas les mêmes choses que nous autres. Pourtant, le gars qui place du lait, que ce soit dans le magasin de Sainte-Anne-de-Beaupré, par exemple, versus celui de Lebourgneuf, il fait la même job, c'est pour ça qu'on demandait la même chose.»
Curieusement, les fissures dans le front commun syndical ne sont pas venues des magasins «les mieux nantis» mais plutôt de petits établissements au nom desquels les autres font la grève. Ainsi en est-il dans la région du Maxi Louis XIV. Là-bas, une pétition a été initiée exigeant un vote sur les offres finales de l'employeur et le retour au travail avant les fêtes. Sur place, nous avons rencontré des piqueteurs furieux qui, sous le couvert de l'anonymat, en avait long à dire sur leurs «collègues». Selon la rumeur, il s'agirait d'une mouvement dirigée par une assistante gérante et «l'équipe du jour», des gens qui trouvent leur compte dans les offres actuelles. «Ils ne sont pas venus aux assemblées, à quoi ils pensaient?, lâche un gréviste amer. On est pas tout seuls là-dedans, le vote de grève a été pris à 100% ici, à cause d'eux-autres on est gênés de dire qu'on vient de Louis XIV dans les manifs.» Plusieurs craignent un retour au travail particulièrement difficile avec les «collègues».
Les demandes
Les principales demandes des syndiquéEs concernent quatre points. Tout d'abord, les grévistes veulent des augmentations salariales de 3%. Mais ce n'est pas le principal, selon les grévistes rencontrés. Les demandes «normatives» sont en effet beaucoup plus importantes parce qu'elles vont vraiment changer les conditions de travail. Il y en a trois principales. La première est une protection des employés régulier. La seconde est la rotation pour la journée du dimanche, afin de permettre aux étudiantEs d'avoir au moins une journée de congé de temps en temps. La dernière est finalement le choix des horaires par ancienneté.
Bloquage de l'entrepôt Provigo par 352 gréviste le 26 novembre dernier.
Photo: Roxane Larouche (TUAC-503)
Photo: Roxane Larouche (TUAC-503)
Les patrons exigent auprès de la Commission des relations de travail que les employéEs puissent voter sur les «offres finales» de la compagnie, ce que conteste le syndicat. Au moment d'écrire ces lignes, les actions d'éclat se multiplient aux quatres coins de la province mais des rencontres de conciliation avec un médiateur du Ministère du travail sont à l'agenda. Les propriétaires perdent au moins 6,5 M$ par semaine durant la grève. Afin d'hâter le réglement du conflit, les grévistes demandent aux clientEs de s'abstenir d'acheter dans les Maxis toujours ouvert.
(*) Sans revendiquer l'anonymat, Guy a «oublié» de nous donner son nom de famille.
[Texte à paraître dans Droit de Parole - Entrevue diffusée à l'émission Voix de faits sur les ondes de CKIA 88,3 FM les 10 et 11 décembre 2008]
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