jeudi 28 février 2008

Bolivie : fascisme & révolution


François, un lecteur actuellement en Bolivie, nous a envoyé le texte suivant sur la situation bolivienne. La photo est extraite d'une série sur une exposition anti-fasciste à Cochabamba (cliquez ici pour voir toutes les photos). N'hésitez pas à nous envoyer vos contributions.

Après 500 ans de domination, l’autochtone bolivien relève la tête. L’application de politiques néolibérales sauvages par le FMI depuis 1985, la criminalisation de la culture de la coca (Par l’ONU et les Etats-Unis) et l’éveil politique des autochtones ont menés à l’élection d’Evo Morales en décembre 2005. Evo est un ex cultivateur de coca et premier président autochtone. Cette élection était accompagnée de promesse de réforme agraire et de nationalisation. Ce fut aussi l’occasion pour les opprimés de Bolivie de reprendre espoir. Pourtant, des menaces de sécessions secouent dangereusement le pays. Pourquoi en est-il ainsi? Faisons le point.

L’hypocrisie de l’opposition
Qu’en est-il maintenant après un peu plus de deux ans sous l’administration d’Evo Morales? Les réformes annoncées sont confrontées à l’opposition belliqueuse des régions riches de l’est. Pourtant, ces mêmes régions, Santa Cruz en tête, sont les premières à bénéficier le plus des retombées monétaires de la nationalisation des hydrocarbures, hautement anticipée par les Boliviens et entreprise sous le gouvernement d’Evo Morales. Comme celui-ci avait annoncé, les entreprises ne furent pas expropriées. Et contrairement à ce que qu’annonçaient les apôtres du néolibéralisme, les entreprises étrangères d’exploitation du gaz ne quittèrent pas le pays, mais restèrent pour continuer à exploiter les plus grandes ressources en pétrole d’Amérique du sud après le Vénézuela.

Mais que fait le gouvernement avec cette manne aussi importante que soudaine (au moins 6 fois plus de revenus du pétrole qu’en 2002)? Les réformes sont lentes à s’appliquer. C’est le cas d’un régime destiné à alléger la misère des personnes âgées financé à même la nationalisation des hydrocarbures. Ce programme est, une fois de plus, confronté à l’opposition des régions de l’est qui ont un poids disproportionné au gouvernement (Il faut 2/3 des votes pour approuver un changement à la constitution, ce qui donne de facto un veto aux régions opposées au gouvernement). Modifier cette mesure pour exiger une majorité simple (51%) a suscité le violent refus des groupes d’opposition, considérant cette décision comme ‘anti-démocratique’. Notez que considérer la majorité comme anti-démocratique démontre le total manque de sincérité de l’opposition.

Le racisme, la clé de voûte des opposants
Qu’est-ce qui pousse les régions de l’est à s’opposer au gouvernement? Tout d’abord ceux-ci possèdent une faible population autochtone. En effet, 60% de la population bolivienne fait partie de la communauté autochtone Aymaras ou Quechuas et vivent en majorité dans l’ouest. L’est se considère donc blanc et descendant des espagnols. Ceux-ci voient d’un mauvais œil l’élection d’un président socialiste, autochtone de surcroît. Force est d’admettre que le racisme fait partie de la rhétorique des régions opposées au gouvernement. Ils sont aussi peu disposés à partager les importants revenus provenant de l’exploitation du pétrole.

L’événement du 11 janvier 2007 illustre bien la situation bolivienne. Des groupes de citoyens, des étudiants et des syndicats manifestèrent pacifiquement pour exiger la démission du préfet Manfred Reyes Villa. Villa, un ex-militaire ayant un sinistre passé de tueur entraîné à la Escuela de las Américas (école située aux Etats-Unis notoirement reconnue pour former des tortureurs professionnels), est l’un des farouches opposants au gouvernement. Un groupe de paramilitaire de Santa Cruz, l’Union des Jeunesses Cruceniste, débarquèrent à Cochabamba pour le supporter. Ceux-ci ont été formés sur le modèle des jeunesses hitlériennes, sont majoritairement blancs et arborent la croix celte comme symbole (Ce signe est aussi utilisé par divers groupes d’extrêmes droite en France). Ils provoquèrent les manifestants, et contribuèrent intentionnellement à envenimer la situation. Suite à plusieurs jours d’affrontements, les résultats sont probants. L’intervention de l’Union des Jeunesses Cruceniste a laissée derrières elles deux morts et près de 200 blessés. Ce groupe est ainsi connu pour se promener de villes en villes, propageant sa haine et sa violence. Ces groupes fascistes sont entraînés et financés par les préfets des provinces autonomistes.

Benjamin Dangl, journaliste d’expérience en Amérique du Sud, a discuté avec les chefs de l’UJC. Ceux-ci refusent catégoriquement de se considérer comme raciste. Cependant, ils critiquent ouvertement les fermiers qui, « juste pour sauver de l’argent, ne se lavent ni ne changent de vêtements régulièrement », disent-ils. Ceux-ci ajoutent, “Quand nous aurons à defendre notre culture, nous le ferons. La défense de la liberté est plus importante que la vie ». Les leaders de l’UJC conclurent l’entrevue en ajoutant que les blancs et les riches habitants de Santa Cruz et les grands propriétaires terriens étaient plus aimables et plus propre que les ‘kollas’ (terme pour désigner les indiens et les fermiers).

Force est de constater que la nationalisation des hydrocarbures a finalement apporté des apports considérables au trésor bolivien. La privatisation de ces entreprises, imposés par le FMI, avait provoqués la ruine du pays ainsi que de nombreux troubles sociaux à travers le pays. Par exemple, le Février noir, en 2003, avait provoqué plus de 30 morts. La police et l’armée s’étaient alors violemment affrontées sous le seuil même du siège du gouvernement. La police avait mal digérée les augmentations de taxes du président Gonzalo Sanchez de Lozada, instaurés pour remplir les exigences du FMI. En ce moment, Evo a annoncé la nationalisation de plusieurs autres secteurs : L’électricité, les chemins de fer et les mines, par exemple.

Reste à voir si ces entrées d’argent contribueront à réduire les tensions ou à les exacerber. Pour l’instant, les préfets de six régions ont annoncés leur volonté autonomiste, un clair signe de défi au gouvernement, mettant en péril l’unité du pays.

- François

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