mercredi 23 décembre 2009

Une décennie de lutte: 2003

À ce temps ci de l'année, tous les journaux nous gavent de bilans et autres récapitulatifs. Voix de faits ne voulant pas être en reste, nous vous proposons un rappel de la décennie, année après année, en nous concentrant sur les évènements qui ont pu être importants pour la gauche libertaire de la capitale. Aujourd'hui, nous poursuivons cette série avec 2003.

L'année 2003

Manifestations contre la guerre en Irak

(Photo de Neonyme reprise du CMAQ)

Au début 2003, il devient de plus en plus évident que les États-Unis ont l'intention d'envahir l'Irak. Le monde est alors secoué par une vague déferlante de manifestations monstres contre la guerre. Québec n'y échappe pas.

Bien que moins imposantes que dans la métropole, les foules mobilisées dans la capitale sont importantes (plusieurs milliers de personnes, parfois jusqu'à 20 000 selon le CMAQ). Les marches sont d'autant plus impressionnantes que la mobilisation est pour ainsi dire «spontanée». Ce sont les médias et les nouvelles des manifestations monstres dans toutes les grandes villes du monde qui font le travail de mobilisation. Les gens suivent littéralement la vague sans que les petites coalitions Québec-Irak/Québec-Palestine n'aient à faire de très gros efforts.

Pour cette fois, ce sont clairement les «réformistes» des réseaux de la gauche politique [c'est-à-dire les gens qui étaient à OQP-2001, puis au Forum social régional et qui aboutiront à Québec solidaire] qui ont eu l'initiative durant ces mobilisations. Les libertaires et autres radicaux n'ont pas vraiment su se démarquer et offrir une alternative (ce qui n'exclue pas, bien sur, de pimenter certaines manifestations comme en témoigne ce reportage du CMAQ sur les actions du cortège libertaire lors de la manifestation du 22 mars 2003 (le consulat américain avait notamment été bombardé... de balles de neige)).

L'impact des mobilisations antiguerre de 2003 est ambiguë. D'un côté, ce fut indéniablement un succès populaire. De l'autre, comme l'opinion mondiale n'a pas su / pu empêcher la guerre, elles ont très certainement contribué au cynisme ambiant, confortant les gens dans le sentiment «qu'il n'y a rien à faire». Fait à noter, il s'agit des dernières grandes mobilisations de gauche de la région. Depuis 2003, seule la droite a su mobiliser autant de gens de Québec.

==> Compte-rendu d'A-Infos sur la marche du 22 mars 2003 et tract diffusé par les anars de Québec


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Luttes syndicales, le retour

L'année 2003 a vu le retour à Québec des luttes syndicales. Le lock-out des concessionnaires automobiles fut à cet égard emblématique. Un syndicat CSD, plutôt tranquille, qui se fait attaquer de front par les patrons. Il faut croire que le climat était à la résistance puisqu'ils ont résisté, et brillamment à part ça (jusqu'à la victoire complète des syndiqués). Ça coïncide avec un nouvel intérêt marqué de certains libertaires (principalement le Collectif anarchiste La Nuit, mais pas seulement) pour le syndicalisme. Sans dire que ça a eu un impact pour la gauche libertaire dans son ensemble, pour nous ce fut l'occasion d'une intense campagne de soutien qui s'est traduite par plusieurs visites sur les lignes de piquetage, la diffusion de tracts d'information de notre cru et la rédaction de nombreux articles de presse, sans oublier la rencontre avec des délégués du syndicat et même une émission de radio spéciale sur le sujet avec deux syndicalistes. Il n'empêche que ce conflit, comme d'autres que nous avons soutenu cette année là dans les épiceries (IGA-COOP, Métro-Champfleuri notamment), s'est déroulé dans l'indifférence généralisée, voir l'hostilité du grand public.

==> 850 syndiqué-e-s de Québec en lock-out : solidarité de classe ! (...et notamment Lock-out à Québec : scabs, violence et solidarité)

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Élection des libéraux

Le 14 avril 2003, les libéraux de Jean Charest sont élus majoritaires à l'Assemblée nationale. Nous avions mené une petite campagne abstentionniste mais sans nous douter de la tempête qui allait se lever sur le Québec (bon, un peu quand même!). En effet, peu de temps après l'élection, le gouvernement libéral décide de s'attaquer de front au mouvement syndical. À notre très grande surprise, ce n'est vraiment pas passé comme une lettre à la poste. Les actions sont allé crescendo jusqu'au 11 décembre, alors que les principaux ports du Québec sont bloqués et que des actions de perturbation ont lieu aux quatre coins de la province. En fait, n'eut été de la trahison de la haute-direction de la FTQ, nous aurions probablement vécu une grève générale politique au début 2004. En effet, tant la CSN que la CSQ avaient le mandat de consulter leurs membres sur une «grève sociale» et de nombreux syndicats locaux de la FTQ poussaient dans ce sens. Malheureusement, Henri Massé et sa gang ont préféré remettre le couvercle sur la marmite en refusant même de consulter leurs affiliés (on ne se contera pas d'histoire, ça a du faire plaisir aux autres directions syndicales aussi). Résultat, le mouvement est retombé et les employés du secteur public ont mangé la claque l'année d'après. Par contre, il faut croire les libéraux ont eu chaud parce qu'ils n'ont plus jamais tenté d'attaquer de front les syndicats et ont rapidement remisés leurs plans de «réingénierie» pour gouverner pépère par la suite.

==> Entretien avec un préposé aux bénéficiaires anarchiste (et Deuxième partie) [à lire pour comprendre le climat à l'époque]

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Journée autogérée & Réclame ta rue

2003, c'est aussi le début de «traditions» libertaires incontournables à Québec comme la Journée autogérée et le Réclame ta rue. La Journée autogérée était une journée d'ateliers et de spectacles en plein air organisée par les collectifs Dada à faim et Des bas quartiers. Il s'agissait de prendre un temps d'arrêt, en plein coeur de l'été, pour réfléchir ensemble à nos pratiques et permettre de découvrir celles de d'autres groupes activistes libertaires (notamment de Montréal). Après un break de 2 ans, la tradition a été reprise l'an dernier par le comité politique de l'AgitéE. Le Réclame ta rue, quant à lui, est essentiellement un party de rue anticapitaliste qui se tient à la fête du travail. L'idée fut importée de Grande-Bretagne par deux militants de Québec, qui avaient été bien impressionnés par les «Reclaim the Street» lors d'un voyage. Bien que toujours très populaire, le Réclame ta rue ne fait pas consensus chez les anars, plusieurs déplorant le fait que le côté festif prenne tellement le dessus que l'évènement en devient désincarné et à la limite apolitique.

==> « Réclame ta rue » : une belle réussite à Québec! (reportage enthousiaste du CMAQ sur la première édition... la photo, de Néonyme, en est d'ailleurs extraite)

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Collectif anticapitaliste La Rixe

C'est fort probablement en 2003 qu'est apparu le Collectif La Rixe, à Québec. Il s'agissait d'un groupe dans la lignée de la CLAC et la CASA, c'est-à-dire d'un groupe d'action anticapitaliste à forte coloration libertaire. Les camarades ont notamment fait dans l'action politique [action abstentionniste devant un bureau de scrutin le 14 avril], ont perpétué la tradition des groupes d'affinité dans les manifs de toute sorte, ont organisé des autobus pour aller dans les grandes manifestations antimondialisation, mais ont aussi ont publié un bulletin et des recueil de textes. Si le groupe est éventuellement tombé, son ombre a continué de planer sur des groupes comme Piranhas ou la Coalition Guerre à la Guerre.

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