« Le 9 août 2003, dans l’État mexicain du Chiapas, l’Armée zapatiste de libération nationale décrétait la naissance des « conseils de bon gouvernement » dans les cinq zones territoriales sous son contrôle. Il s’agit en fait de structures d’autogouvernement » nous dit le Réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine (Risal).
La question de l’autogouvernement, de l’autogestion généralisée pourrait-on dire aussi, se pose quand un peuple en lutte prend ses affaires en main et s’organise pour gérer la vie quotidienne, alors que le pouvoir capitaliste est délégitimé, menacé, déstabilisé, voire en voie de liquidation. L’autogouvernement commence avec l’organisation des masses en lutte pour leur libération et débouche sur la structuration progressive de nouvelles institutions politiques et la réintégration des anciennes classes dominantes au sein du corps social, au fur et à mesure que se met réellement en place l’égalité économique au sein de la société.
Ainsi, né d’une révolution, c’est-à-dire au sein de grandes mobilisations sociales, associé à de larges débats, à l’implication du plus grand nombre parmi les anciennes classes dominées, l’autogouvernement est le contraire d’une dictature, même si les ex-capitalistes, déchus de leurs prérogatives, sont temporairement exclus des structures politiques.
L’autogouvernement est à l’intersection de deux grandes structures. D’une part l’organisation des travailleuses et des travailleurs dans les unités de production autogérées où ils et elles décident de l’organisation du travail, de la répartition des richesses créées, des investissements nécessaires. D’autre part l’organisation des citoyens au sein des communes pour décider les besoins en termes d’équipement et de services collectifs.
C’est une logique de démocratie directe instaurant la prééminence de la base de la société dans l’élaboration des politiques. Mais c’est aussi la coordination fédérale de ces structures de base, de façon bicéphale, par secteur économique et par région, pour permettre les décisions collectives au niveau le plus adapté, dès que les enjeux dépassent le cadre local.
C’est une rupture avec la logique étatique. Les grandes décisions résultent d’abord des débats à la base et les délégué-e-s, y compris et surtout au niveau central, sont mandaté-e-s pour les mettre en œuvre. L’autogouvernement se stabilisera au travers de nouvelles institutions politiques en cohérence avec une société sans classes sociales et sans État, prohibant la propriété privée des moyens de production collectifs et favorisant donc l’organisation collective de la production.
Dès maintenant il est fondamental d’expérimenter et de populariser les modes de fonctionnement et d’organisation propres à l’autogouvernement de la société, tant au sein des organisations révolutionnaires que dans le mouvement social dans toutes ses dimensions. Cette expérimentation peut permettre de préparer la dynamique d’autogouvernement qui peut naître d’une crise révolutionnaire.
Texte de Jacques Dubart
Publié dans Alternative Libertaire no 169 (jan. 2008)
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