Dans «On a raison de se révolter. Chronique des années 70», Pierre Beaudet nous livre un témoignage intimiste et subjectif sur l'extrême-gauche québécoise de ces années de feu. En fait, son récit se situe juste avant l'éclosion et l'apogée de «La Ligue» et en cela il est très précieux parce qu'il permet de comprendre (un peu) cet épisode de l'histoire de la gauche.
Si, comme moi, vous vous êtes toujours demandé comment on a pu passer en quelques années d'une nouvelle gauche aux tonalités quasi libertaires (ou, en tout cas, pas complètement assommante) à l'autoritarisme survitaminé du «marxisme-léninisme», vous détenez une clef avec «On a raison de se révolter». Le chaînon manquant entre Parti Pris et En Lutte!, c'est Mobilisation.
L'échec des autonomes québécois
Dans le tumulte des années 1960, une nouvelle génération militante voit le jour en même temps que les cegeps. Dans le lot, il y a Pierre Beaudet et ses amiEs. Leurs premiers coups, ils les font dans le mouvement étudiant en multipliant grèves, manifestations, occupations. Déjà, leur courant dépasse les cadres jugés trop étroit du syndicalisme en animant le Mouvement syndical et politique, un regroupement particulièrement flexible de collectifs autonomes, tantôt ouvert, tantôt clandestin, toujours actifs. Dans les manifs, les militantEs sont «casqués-masqués-gantés» et cassent des vitrines en essayant de ne pas se faire casser les bras par les flics. La mouvance se lie au Front de libération populaire, s'implique dans les Comités d'action politique dans les quartiers, tente le coup de la formation de Comité de travailleurs à côté des syndicats, prône «l'établissement» en usine, tout en s'inspirant de Lotta Continua, du MIR, des mao-spontex et tutti quanti. Au service du peuple et des luttes, la mouvance, toujours informe et fluctuante, jamais formellement organisée, se dote de moyens: presses, librairie, revue. C'est le réseau informel autour de la Librairie progressiste et de la revue Mobilisation. C'est une force qui est loin d'être négligeable, à son apogée, on parle de quelques 500 militantEs qui cotisent pour maintenir l'infrastructure. La ligne est toujours la même: ce sont les masses qui font l'histoire, ni la théorie, ni l'avant-garde ne sont importée du dehors, ce qui compte c'est le travail d'organisation à la base pour développer l'autonomie ouvrière, le parti viendra ensuite, si jamais il vient. Pour les «ML» en émergence, c'est un obstacle à abattre. Ce qu'il feront. C'est la «Ligue» qui aura la peau des autonomes québécois en profitant de leurs propres erreurs (dont celle de n'avoir pas su s'organiser à temps).
C'est cette histoire que raconte «On a raison de se révolter». Non pas dans une perspective académique ou historique mais depuis le point de vue subjectif de celui qui fut le principal animateur de Mobilisation, le dirigeant qui a trahi et auquel on demande de faire son autocritique...
On a raison de se révolter. Chronique des années 1970. Pierre Beaudet, Écosociété, Montréal, 2008, 248 pages.
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