samedi 8 septembre 2007

Entrevue avec Webster (Limoilou Starz)

...ONE TWO MIKE CHECK


Limoilou reste un quartier unique dans notre petite capitale provinciale. On y trouve tout ce qui se fait de plus polluant de la ville, la rivière la plus sale du coin et surtout les odeurs les plus désagréables lorsque le printemps fait dégeler les égouts et qu’un arôme subtil s’en dégage. Toutefois, c’est un quartier qui, assez étrangement, inspire la fierté de ses habitantEs. Jeunes et moins jeunes, pouilleuxses ou biens miSEs laissent souvent voir leur amour de leur petit patelin. Masochisme? Étant moi-même habitant de cet endroit, je n’ai jamais cherché à développer le pourquoi de mon affection, mais je sais pertinemment que j’y suis très heureux.

Limoilou, c’est spécial. Creusez un peu sous la surface, et, en peu de temps, vous trouverez des joyaux dans sa faune. Outre les commerces style urbain qui tentent de s’établir sur la 3e avenue et les allées et venues trop fréquentes des policierEs, on retrouve quelques redskins et, ce qui nous intéresse particulièrement dans cette entrevue, des boys de Limoilou Starz (LS). Je me suis donc laissé tenter par une petite entrevue avec un ami à moi qui roule sa bosse dans le hip hop depuis bon nombre d’années : Webster (aka Mindbender).

Entrevue avec Webster (Limoilou Starz)

RU : Tout d’abord, tu fais du hip hop depuis combien de temps?
W : Euh… Ça fait douze ans. On a commencé en 1995. Dans le temps, y’avait pas beaucoup de monde qui rappait, y’avait un groupe qui s’appelait Presha Pack, des boys plus vieux que nous. On fait, en quelque sorte, partie de la deuxième génération. De notre époque (1995), y’a pas grand monde qui est encore là. Même le groupe Presha Pack s’est dissocié. Nous, alors, on a lentement travaillé la scène et on a continué depuis.

RU :
Est-ce que c’était Limoilou Starz dès le début?
W : Non. Au début, mon premier groupe, ça s’appelait Northern X (Northern Exposure). C’est un groupe avec deux autres guys, DJ Def et Slick Cat. On était 3 qui rappaient en anglais. On a duré 7-8 ans, c’est comme ça qu’on a fait nos premières armes, mais on était toujours en connexion avec les boys (LS). Y’a Loki qui est de Montréal (mais vit à Québec aujourd’hui), Assassin (NDLR : le mec à la voix de velours), Shoddy, etc. On a toujours rappé ensemble, mais on n’était pas encore LS. Northern X a sorti un premier projet en 2000 qui s’appelait Winter Walk, c’était là notre premier démo, notre première expérience concrète de production d’album. C’est comme je dis toujours, chaque album, c’est comme une brique que tu poses pour bâtir ta maison. On a travaillé intensément là-dessus, on bossait en studio à Montréal les fin de semaines et, les semaines, on redescendait à Québec pour ramasser du cash dans nos jobs quotidiennes. C’était cool. Ça a été une première expérience de comment monter un album, faire ta promo, etc. On a vendu 500 à 600 albums alors, et y’a encore du monde aujourd’hui qui me disent qui l’écoutent encore ou qui m’en demande une copie. 2002, on commence à rassembler LS.

RU : Avant d’en arriver à LS, qu’est-ce qui t’a poussé vers le hip hop?
W : D’abord, j’écoutais ça depuis le début des années ’90, on était des gros mangeurs de hip hop. Ça a fini par rentrer dans nous, on kiffait le truc à fond et, à un moment donné, on s’est dit pourquoi pas nous aussi, au fond? Dès qu’on est tombé dedans, on y est allé hardcore : toujours en train d’écrire, toujours en train de rapper. On était à Brébeuf dans les marches pour se shooter nos nouveaux textes. On allait à la radio étudiante, peu importe qui faisait l’émission sur le coup, des fois pour faire des demandes spéciales, on mettait un beat et on jackait les ondes, on rappait jusqu’à ce qu’il y ait trop de pression sur nous. Cette époque-là était vraiment hardcore, c’est là qu’on s’est formé nous mêmes et c’est ce qui manque aujourd’hui. À l’époque, l’important était d’écrire un texte phat pour épater les autres et qu’au prochain coin de rue, au prochain party où on jackait la scène pour se relancer. C’est plus comme c’était avant… C’est comme ça que les MC se sont formés, les vieux de la vieille, notre génération. Ce qui m’a poussé aussi dans le rap, c’est le désir de créer, d’écrire, de pousser des textes.

Au début, on a appris à rapper en anglais, y’a fallu apprendre la langue correctement. C’était une culture anglophone, tu écoutais la musique en anglais, tu lisais les revues en anglais. Quand on a commencé à rapper, c’était pas concevable de le faire en français. On n’en entendait pas beaucoup encore, ça nous touchait pas vraiment. Les trucs de France, ça venait pas jusqu’à nous vraiment, ça venait chez quelques boys qu’on connaissait, mais pour nous, c’était pas concevable, fallait que ce soit en anglais. Quand la vibe est arrivée, tout le monde a commencé à switcher, mais avec un français de France, pas de joual, c’était fake, c’était bizarre. À un moment donné, je me suis dit qu’il fallait que je fasse le switch aussi pour que les gens comprennent mieux ce que j’avais à dire, mais pas avec le français de France ou l’accent fake là. Y’a fallu, après huit ans de travail en anglais, tout réapprendre comment faire en français pour que ce soit bon. Ça a été un peu comme une traversée du désert, pas facile à faire, mais je l’ai fait. J’ai commencé à y travailler dur dès l’automne 2003 pour n’être prêt que pour 2006 lorsque l’on a lancé l’album Les Boss du Quartier. Depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui, j’ai du composer une quarantaine de tracks en français.

RU : T’as switché pour te faire comprendre, mais que veux-tu transmettre?
W : Premièrement, je veux que les gens comprennent les jeux de mots, la manière d’écrire le texte, le processus littéraire. J’veux que les gens comprennent, parce que forcément j’aime ce que j’écris. Y’a aussi le message, mais pas juste concentré sur le politique. Si j’ai en vie de parler de violence gratuite, comme sur mon album qui s’en vient (NDLR : le 11 septembre prochain!), je le fais hardcore juste pour hardcore. Si je veux parler d’amour ou quoique ce soit, je le fais. Toutefois, y’a un message central autour duquel s’axe mon truc, c’est le Terrorythm. Le Terrorythm, c’est le son et la manière de se battre contre le système en musique. Que ce soit du hip hop, du punk du hardcore, whatever man, le Terrorythm, ça a pas de style encadré, ça a des mots. J’aime bien faire des attentats verbaux, comme sur mon album, y’a une track qui s’appelle Guerilla Musique, et c’est straight hardcore, du terrorisme lyrical. On peut réveiller les gens! Le type de rap revendicateur et hardcore, c’est pas nouveau, y’en a du bon. Mais bon, Terrorythm, c’est le label que j’ai décidé d’amener, c’est comme ça que je définis mon shit. Y’a vraiment des trucs fucked up qui se passent, la lutte est universelle, et j’réagis. Le New World Order, les crosses du gouvernement, les complexes militaro-industriels, les shits comme ça, j’y reviens souvent dans mon nouvel album. Faut dénoncer ces choses là. Ils sont en train de ramolir les gens, puis y’a des changements fucked up qui s’en viennent et les gens vont pas être capable de réagir. Je suis pas un docteur en politique, mais je vois qu’il y a des trucs qui chient, l’argent va pas aux bonnes places. Le cash reste pris en haut, faut percer la membrane pour que ça revienne aux gens. Avec tout le cash, tout le monde pourrait vivre bien sur la planète, mais il est tellement concentré dans les poches de certains individus que c’est la merde pour la majorité. C’est plus compliqué que ça, mais tu sais comme moi que c’est wrong.

RU : Tu penses quoi de la scène de la région?
W : Pendant longtemps, y’a eu un gros beef entre la rive sud et la rive nord, principalement entre LS et 83. Nous, on travaillait notre rap ici, eux le faisaient là-bas et y’avait des grosses tensions qui ont mené à de sales situations pendant 6-7 ans. C’était à un point tel que c’était comme dans les pays en guerre. Les jeunes grandissaient avec la haine de l’autre côté, sans trop savoir pourquoi au fond. Les gens se battaient… Ça a commencé quand les guys de Constellation (NDLR : ils sont dans le 83 maintenant) ont sorti Dualité. Nous, on vibait pas ça et on les narguait. Ça a commencé à s’envoyer dans les shows, à faire des freestyles à la radio qui attaquait l’autre bord. C’est con tout ça parce que, au fond, tu te coupes du marché. On est en business, on veut faire d’l’argent, on veut rallier les gens, faire le party. Ça, tu le fais pas en te coupant de la moitié du marché! Ça a peut être même retardé la scène locale. Mais, d’un autre côté, ça nous a forcé à aiguiser nos skills, à être meilleurs que l’autre bord, à se monter notre arsenal. Nous, en tant que MC, nos armes sont nos textes. C’est ça qui montre comment on est bon. C’est en voulant toujours être une coche au-dessus, c’est peut-être le seul point positif d’alors. Heureusement, rien de grave s’est produit de ces chicanes futiles. Ça aurait vraiment pu mal virer… 2004-2005, on s’est parlé et c’est réglé. Maintenant, c’est réglé, on est des amis, c’est chill et y’a juste du love. C’est ça qui a créé une unité dans la scène locale. Y’a plus personne qui cherche le beef, les gens respectent les styles différents (musicaux, politique, hardcore, etc.). La scène se développe et y’a une couple de cliques solides qui montent présentement.

RU : Projets à venir?
W : Le 11 septembre, lancement de Sagesse Immobile, au Velvet. Soyez là!

RU : Sagesse Immobile?
W : C’est un vieux concept bouddhiste inventé au XVIIe qui, en gros, s’applique au combat. C’est un concept de méditation, c’est dur à expliquer, comme les moines diraient, ça s’explique pas, tu le découvres. Le concept, une fois expliqué, se résume à : pratiquez jusqu’à ce que vos techniques de combat, de musique, soient rendues des réflexes et évitent de prendre trop de votre concentration et de se tromper.

* * *

On vous invite donc, après vous être procuré les albums passés de LS, d’aller voter bientôt sur le site web du top 5 de Musique Plus afin que le clip L. Land passe sur les ondes et montre au Québec entier à quel point Limoilou est capable de produire des génies musicaux. Sur ce, un gros merci à Webster pour son accueil et à Assassin pour avoir servi de décor de fond en regardant ses vieux Mangas.

Les boys, lâchez pas : on attend impatiemment l’album en septembre! - Farruco

3 commentaires:

Farruco a dit…

Ah, en passant, RU veut dire Rudies United, le skinzine de RASH Qc, des potes à nous.

Aussi, il y a une contribution notable de la part des membres de l'ARA Qc, lâchez pas!

Farruco

Nicolas a dit…

Bonne entrevue. Je me suis permis de mettre des photos, tu m'en veux pas? En passant, il y a des tounes du nouvel album sur le myspace de Webster.

Anonyme a dit…

Respect, Webster! "Mais qu'est-ce qui se passe dans cette Klu Klux de ville?"