mercredi 19 septembre 2007

Chronique Média : concentration, convergence et alternatives

Avec les luttes qui se déroulent actuellement chez les journalistes –on peut penser, bien sûr au lock-out au Journal de Québec mais aussi à la «cybergrève» des blogueurs de Cyberpresse—les questions liées à la concentration de la presse et aux pratiques de convergences reprennent le devant de la scène. Comme si ce n’était pas suffisant, le CRTC s’en mêle avec des audiences sur la «diversité des voix».

C’est dans ce contexte que les principaux syndicats québécois du secteur des communications ont fait connaître leurs inquiétudes. Curieusement, ce fut –jusqu’à maintenant—le silence radio à ce sujet dans les grands médias. Êtes-vous vraiment surpris de n’avoir entendu parler que des revendications de Quebecor (qui veulent grosso-modo le free for all)?

La convergence: un danger pour la démocratie selon les syndicats de journalistes

Pour le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ), qui représente à peu près la moitié des syndiqués des médias, la convergence est un danger pour la démocratie. Rien de moins! Concrètement, en réduisant le nombre de sources d’information disponibles pour les citoyens, la convergence met à mal le droit du public à l’information. «Le spectacle est devenu désolant. On contemple de plus en plus de grands conglomérats qui contrôlent le marché, l’information et le placement de produits, que ces produits soient des nouvelles, des émissions, des livres ou même des vedettes», affirme Jean Chabot, président du Conseil provincial du secteur des communications du SCFP.

Pour le syndicat, l’exemple le plus patent des dangers de la convergence se trouve évidemment chez Quebecor. Une situation bien connue par les employés du Journal de Québec, qui sont présentement en lutte. «Le repiquage d’articles du Journal de Montréal est en hausse constante depuis les années 1990, ce qui réduit d’autant les nouvelles locales. Désormais, Quebecor exige une totale liberté pour échanger des contenus de ses postes de télé aux journaux en passant par Internet. Leurs demandes sont claires: ils veulent que les journalistes alimentent toutes les ramifications de la bête. Abolir l’étanchéité des salles de nouvelles, toutes les ressources réunies pour faire des profits. Il s’agit d’une tangente qui diminue la diversité des voix en information et ne respecte pas la qualité du travail journalistique et les spécificités des tâches reliées à chaque média», affirme Denis Bolduc, porte-parole des syndiqués du Journal de Québec.

C’est un point de vue que partage Claudette Carbonneau, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), qui représente l’autre moitié des syndiqués des médias, pour qui «l’impact de la concentration de la propriété des médias au Canada et de la convergence sur la qualité, la diversité et l’intégrité de l’information soulève de fortes inquiétudes».

Pour la CSN, le mode de propriété des médias affecte les décisions relatives à la couverture journalistique et, par le fait même, l’intégrité de l’information. En d’autres mots, les conflits d’intérêts se multiplient… Les innovations technologiques ont facilité la convergence entre les médias, mais aussi favorisé l’uniformisation et menacent l’intégrité de l’information. Comme pour plusieurs médias, la convergence doit se faire à coût zéro, ça signifie qu’un journaliste habituellement chargée d’alimenter un média doit maintenant le faire à la fois la radio, la télévision, l’Internet et le journal.

Selon la CSN, les efforts de promotion croisée s’intensifient, ce qui nuit à la diversité de l'information et des points de vue. En plus, les syndicats dénoncent la centralisation de la couverture des nouvelles et de la programmation de la radio et de la télévision, une autre conséquence de la concentration des médias qui contribue à l’uniformisation. Le SCFP rappelle que les nouveaux acteurs du monde des médias sont des empires qui se livrent une guerre sans merci, où l’on s’échange des services entre amis ou dans la «famille». Dans ce combat de géants, l’éthique journalistique et le professionnalisme des artisans de l’information sont trop souvent relégués au second plan. Pour les syndicats, la répétition ad nauseam d’une même nouvelle sur plusieurs plates-formes réduit l’offre d’information aux citoyens et mine la santé démocratique de notre société. Bref, ce sont les mêmes contenus qui circulent partout ce qui fait que malgré la multiplication des sources d’information, ce sont toujours les mêmes qu’on entend.


Y’a-t-il une alternative?

Comme on le voit, le portrait est loin d’être rose. Quand c’est rendu que même les syndicats de journalistes dénoncent la convergence et la concentration des médias, c’est que ça va vraiment pas bien! Heureusement, il y a des alternatives… Les médias communautaires par exemple.

On a souvent l’impression d’un combat de David contre Goliath quand on parle des médias communautaires, voir même d’une goutte d’eau dans l’océan…. Mais, comme vous allez le voir, c’est vraiment pas si tant pire.

À Québec, de plus en plus de gens savent qu'il n'y a pas que CHOI Radio X et le FM 93 dans la vie. Selon un sondage CROP rendu public cet été, plus du tiers des habitant-es de la région de Québec connaissent les radios communautaires et au moins une personne sur dix les écoutent régulièrement.

Québec est une ville de radio. En plus des radios poubelles, la capitale abrite également trois postes hors-normes. Il y a CHYZ 94,3 FM, la radio étudiante, CKIA 88,3 MF, Radio Basse-Ville, et CKRL 89,1 FM. Faute de moyens, il n'y a pas de BBM parce que c'est trop cher, il était jusqu'à récemment difficile de mesurer l'impact de ces radios. L'an passé, CKIA --la station où on fait notre émission de radio-- avait brisé la glace avec un sondage Léger Marketing. Cette année, CKRL et CKIA ont unis leurs forces pour se payer un sondage CROP d'envergure (auprès de plus de 1 000 adultes de Québec).

Il y a du monde à l'écoute

Selon le sondage, réalisé du 16 mai au 1er juin 2007, il y a 171 000 personnes qui connaissent CKIA. C'est près du tiers de la population ! Du côté de l'écoute en temps que telle, on parle de 58 000 auditeurs réguliers.

Est-ce qu’on peut encore parler de station marginale avec 10% de cote d’écoute?… C’est quand même incroyable de voir tout ce qui peut se faire avec un centième des budgets des radios commerciales, une toute petite équipe permanente et des dizaines et des dizaines de bénévoles motivés.

Ça prouve que la radio communautaire répond à un besoin dans le contexte radiophonique actuel, surtout à Québec. Les gens veulent une autre forme de radio, plus diversifiée, plus respectueuse, plus près de la population. Bref, une radio… communautaire!

Du côté des permanents de CKIA, les résultats de ce sondage ont été reçus avec enthousiasme, et pour cause. «Cela représente une augmentation de 8,5 % de la côte d’écoute. C’est une excellente nouvelle! Cela veut dire que nous sommes appréciés par la population et de plus en plus connus dans les milieux urbains. Les gens veulent une radio de proximité, ouverte sur le monde, qui leur ressemble. Nous leur présentons le visage, les paroles et les musiques d’une ville de Québec de plus en plus métissée», affirme Ernst Caze, directeur général de CKIA FM (Radio Basse-Ville).

Des médias de masse

Notoriété de 30%, auditoire de 10%... des chiffres à faire rêver. Des chiffres qui forceront peut-être certain-es à casser leur image des radios communautaires, au moins à Québec. Avec tant de monde au poste, on peut parler sans complexe de véritables médias de masse. Voilà des outils avec un formidable potentiel mis à la disposition de tout un chacun. Espérons que les annonceurs en prendront bonne note et cesseront de bouder ces stations ... Parce que c'est bien beau faire des miracles bénévoles mais, un moment donné, il faut qu'il y ait de l'argent qui rentre au poste si les radios communautaires veulent se développer et prendre toute leur place sur les ondes et dans la vie de notre ville.

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Portrait robot de l’auditeur de CKIA

Selon le sondeur CROP, le portrait-robot de l’auditeur moyen des radios communautaires serait celui-ci : un peu plus souvent un homme (56% de représentant de gent masculine), un plus scolarisé (74% d'études post-secondaire), avec un revenu plus faible que la moyenne (69% gagnent moins de 60K$... même s’ils travaillent dans 63% des cas), âgé de plus de 35 ans (à 81%).

Fait à noter: 53% de l’auditoire régulier de CKIA est membre d’un groupe communautaire ou d’une association. C’est pas pour rien que ça s’appelle de... la radio communautaire!

Selon le sondeur CROP, la radio communautaire est surtout écouté sur semaine et… en voiture! Les gens écoutent la radio en voiture dans 58% des cas, la semaine (78%), en moyenne 3h19 par semaine.




Information au programme

Quelques suggestions d’émissions d’information en onde cet automne sur CKIA 88,3 FM…

Pour l’instant, il n’y a pas de quotidienne d’information produite à Radio Basse-ville (mais on promet une émission du matin pour janvier). Les auditeurs peuvent toutefois se rabattre sur le magasine socioculturel de Radio France Internationale du lundi au jeudi, dès 16h.

Signalons le lundi Homologue (18h), un magazine socioculturel sur les réalités gaies et lesbienne, et Hasta siempre (21h), un magazine sociopolitique. Le mardi, il y a les incontournables Pitit Kay (17h), sur Haïti et ses voisins, et Radio-Terre (18h), l’émission des AmiEs de la Terre. On annonce également Voix autochtones à 19h. Le mercredi, il y a Mes amies de filles (18h), le magazine féministe, et Voix de faits (20h), un magazine libertaire. Le jeudi, il y a Radio Alternatives (18h), magazine internationaliste, et Ainsi squattent-elles (20h), un magazine féministe libertaire. Le vendredi, place à l’information culturelle avec Qulture, dès 16h.

N.B. La programmation complète est disponible en ligne à www.ckiafm.org

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