Quatrième partie d'une chronique qu'un de nos camarades de l'UCL-Montréal tient dans le mensuel Alternative libertaire. (lire la première, la deuxième et la troisième partie).
En octobre 2001, l’armée états-unienne et ses alliés envahissent l’Afghanistan en représailles aux attentats du 11 Septembre. Le prétexte étant mince, les États occidentaux ont également brandi la « libération des femmes afghanes ». Un mensonge de plus.Le 29 janvier 2002, dans son discours sur l’état de l’Union, George W. Bush déclarait : « La dernière fois que nous étions réunis dans cet hémicycle, les mères et les filles de l’Afghanistan étaient captives chez elles ; il leur était interdit de travailler ou de faire des études. Aujourd’hui, les femmes sont libres et elles font partie du nouveau gouvernement de l’Afghanistan. » [1]
C’est que la « libération des femmes » était devenu un puissant prétexte idéologique à la guerre sanglante contre le régime taliban, mis en place en 1996, et qui avait pourtant auparavant été financé et soutenu par Washington.
Les féministes afghanes contre l’intervention USPourtant, la plus importante et la plus courageuse organisation féministe afghane, Rawa, s’était prononcée contre l’intervention militaire occidentale. Fondée en 1977, l’Association révolutionnaire des femmes afghanes (Rawa) se battait pour les droits des femmes et revendiquait l’établissement d’un gouvernement démocratique [2].
Puis vint l’occupation soviétique en 1978. Le régime du Parti démocratique populaire d’Afghanistan, à la botte de Moscou, permit que pour la première fois, les femmes afghanes soient libérées de la burqa et que les filles puissent apprendre à lire et à écrire, aller à l’université et devenir enseignantes ou scientifiques. Rawa poursuivit néanmoins son travail d’agitation, mobilisant à la fois contre l’occupant soviétique et contre les islamistes fondamentaux, ces « combattants de la liberté » financés par les États-Unis. Plusieurs des fondatrices de Rawa furent sauvagement assassinées en 1987 par le Khad (le KGB afghan) avec l’approbation des groupes fondamentalistes.
En 1992, les moudjahidins de l’Alliance du Nord, présentés comme des héros par l’Occident, prirent le pouvoir et limitèrent fortement les droits des femmes : obligation de se voiler, interdiction du maquillage et de rire en public. Les enlèvements, les meurtres, le viol et la vente des jeunes femmes pour la prostitution devinrent le lot quotidien des afghanes [3].
Les talibans ou l’occupation ?La prise du pouvoir par les talibans en 1996 enleva les dernières parcelles de droits aux femmes. En parallèle, une campagne aux États-Unis (Feminist Majority) regroupant différentes personnalités se mit en branle pour dénoncer « l’apartheid sexiste » en Afghanistan, alors que Washington recevait avec les honneur les dirigeants talibans. Feminist Majority soutiendra la guerre de 2001, sous prétexte qu’elle permettrait aux femmes de reconquérir leurs droits, grâce à la mise en place d’une « démocratie ». Alors que Rawa, au même moment, dénonçait les bombardements, arguant que seule une insurrection populaire pouvait débarrasser l’Afghanistan d’Al-Qaida et des talibans. Une fraction entière des féministes occidentales s’aligna ainsi sur le discours de Washington, contre les intérêts des femmes afghanes [4].
Dire que cette guerre est nécessaire pour les femmes afghanes, c’est décider qu’il vaut mieux pour elles mourir sous les bombes, mourir de faim, mourir de froid, que de vivre sous le joug des fondamentalistes que l’Occident leur a imposées. Les dés ont été lancés, les États-Unis se donnant bonne conscience en justifiant leur guerre impérialiste au nom des femmes. Après sept ans de combats, de viols, de meurtres et de lapidations, cette guerre a-t-elle réellement permis aux femmes afghanes d’être libres ?
Stéphane Boudreau (UCL, Montréal)
Extrait du numéro de
février d'Alternative libertaire
[1]
www.america.gov/fr[2]
www.rawa.org/rawa_fr.htm[3] Ellis D., Women of the Afghan War, Praeger Publishers, 2000.
[4] Dupuis Déri F.,
L’Éthique du vampire. De la guerre d’Afghanistan et quelques horreurs du temps présent, Lux, 2007.