« Avant 1914, se souvenait Stephan Zweig dans Le Monde d’hier, chacun allait où il voulait et y demeurait aussi longtemps qu’il lui plaisait. Il n’y avait point de permissions, point d’autorisations, et je m’amuse toujours de l’étonnement des jeunes quand je leur raconte qu’avant 1914 je voyageais en Inde et en Amérique sans posséder de passeport. »
Un premier ministre « socialiste », Michel Rocard affirmait, lui, en 1989 : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Sous-entendu : ouvrir les frontières inciterait toutes et tous les miséreux de la planète à venir manger notre pain !
Avant 1974, alors que les frontières étaient ouvertes, aucune « invasion » n’a eu lieu. De même les régularisations massives de sans-papiers, par exemple celle de 1982, n’ont jamais entraîné d’explosion de l’immigration. Tout cela relève du fantasme. Depuis quarante ans, avec ou sans politique de fermeture des frontières, la population étrangère en France est restée stable – entre 3 millions et demi et quatre millions de personnes. Une majorité de femmes et d’hommes, du nord comme du sud, souhaiteraient au contraire, vivre et travailler au pays.
Aujourd’hui les seuls déplacements important de population se réalisent entre pays du Sud, à l’occasion des guerres et autres catastrophes. L’essentiel des mouvements migratoires vers l’Europe des années 1950-1960 ont eu lieu à l’initiative du patronat allant recruter les travailleurs dont il avait besoin. Ces derniers, par leur travail, leurs cotisations sociales, leurs impôts, loin d’avoir été une charge économique, ont contribué à la création de richesses.
En revanche le bilan de la fermeture des frontières est tristement éloquent. Elle encourage des activités socialement nuisibles : passeurs, marchands de sommeil, policiers, magistrats, marchands de prisons… De nombreuses et de nombreux candidats à l’immigration parviennent à contourner les contrôles… et sont jeté-e-s dans la clandestinité. Les restrictions aux droits des étrangers rejettent de nombreux immigrés légaux dans le non-droit : étudiantes et étudiants qui prolongent leur séjour, réfugié-e-s politiques refusé-e-s, familles qui ne parviennent plus à faire appliquer leur droit au regroupement…
Le vrai résultat de tout cela ? La fermeture des frontières crée une masse importante de travailleuses et de travailleurs au noir, privés de tout droit, victimes de bas salaires, sans couverture médicale et sociale décente… pour le plus grand profit du patronat du bâtiment ou de la restauration. Cette situation favorise en retour la régression des droits de l’ensemble des salarié-e-s ! Se battre pour la liberté de circulation et d’installation, ce n’est pas simplement un combat humaniste. C’est une condition indispensable pour combattre l’exploitation capitaliste !
Un texte de Jacques Dubart paru dans le numéro d'avril 2009 du mensuel Alternative libertaire.
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