« Il faut avoir à l’esprit qu’il n’y a pas un racisme, mais des racismes : il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes » écrivait Pierre Bourdieu en 1983 dans un petit texte, « Classe contre classe ».
Au Moyen Âge, le racisme des négriers arabes à l’égard des Noirs servit de justification idéologique à l’esclavagisme : « Les seuls peuples à accepter vraiment l’esclavage sans espoir de retour sont les Nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade de l’animal » écrivait au XIVe siècle l’intellectuel Ibn Khaldoun.
Pourtant, selon l’historien américain Isaac Saney, « les documents historiques attestent de l’absence générale de préjugés raciaux universalisés et de notions de supériorité et d’infériorité raciale avant l’apparition du commerce transatlantique des esclaves ». La spécificité du racisme moderne a été de se parer de prétextes scientifiques. Du naturaliste suédois Linné, qui distinguait 4 races hiérarchisées, au Français Buffon qui affirmait que les races non blanches sont le produit d’une dégénérescence, la science européenne a affirmé au XVIIIe siècle la suprématie de l’homme blanc.
Ce racisme « scientifique » s’est étroitement articulé, à l’extérieur avec la politique impérialiste et, à l’intérieur, avec la gestion des populations minoritaires. Face aux revendications sociales et aux luttes émancipatrices, le colonialisme des États européens implique que les populations visées soient considérées comme inférieures. La philosophe Hanna Arendt a montré comment « la pensée raciale [est un] projet politique [qui] engendre et reproduit des structures de domination ».
Déjà discréditées pour les crimes contre l’Humanité qu’elles avaient justifiés, les théories racialistes ont été définitivement disqualifiées par l’accumulation des connaissances en génétique. La revue Science a publié en février 2008 l’étude génomique la plus complète effectuée à ce jour. La conclusion en est limpide : si sept groupes biologiques sont identifiables dans l’espèce humaine (européen, subsaharien, amérindien, etc.), le chercheur Howard Cann précise que « tous les hommes descendent d’une même population d’Afrique noire, qui s’est scindée en sept branches au fur et à mesure du départ de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouvés isolés par des barrières géographiques (montagnes, océans…), favorisant ainsi une légère divergence génétique ». Mais les gènes de deux individus appartenant à un même groupe peuvent avoir plus de différences que ceux d’individus appartenant à deux groupes distincts. La couleur de la peau, critère par excellence du racisme populaire, dépend de 3 gènes sur les 36 000 que compte notre génome et n’a aucune influence sur les capacités cognitives ou éthiques de leurs porteurs !
Un texte de Jacques Dubart paru dans le numéro de décembre 2008 du mensuel Alternative libertaire.
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