Il y a vingt ans, les femmes du Québec et du Canada faisaient un pas de géant. En effet, la cour suprême du Canada rendait un jugement historique dans la cause du docteur Henry Morgentaler, accusé avec deux autres médecins de pratiquer illégalement des avortements dans sa clinique de Toronto. C'est donc depuis le 29 janvier 1988 que l'avortement est décriminalisé au Canada. Plusieurs organisations féministes ont voulu souligner à leur manière l'occasion (voir cette lettre collective ou ce site spécial par exemple). De notre côté, nous avons publié dans notre journal un bref texte sur l'état des lieux au Québec.
Avortement au Québec : libre et gratuit?
La liberté pour une femme de choisir d’avoir des enfants ou non est une des revendications les plus fondamentales du mouvement féministe. La lutte pour la légalisation de l’avortement, puis pour sa plus grande accessibilité, a été un moyen concret de remettre en question le contrôle sur le corps des femmes que la société accordait traditionnellement aux hommes.
Même si l’accessibilité aux services d’avortement gratuits est meilleure au Québec que dans le reste du Canada et aux États-Unis, certains obstacles se présentent encore aux femmes qui choisissent de se faire avorter en 2008.
Vingt-quatre pourcent des hôpitaux du Québec (16% au Canada) pratiquent l’avortement, en plus des CLSC et des Centre de santé des femmes. En 2006, les délais d’accès à ce service ont été jugés «déraisonnables» par le Ministre de la Santé et les tribunaux ont décrété que le gouvernement ne respectait pas la Loi sur l’assurance maladie en ne remboursant qu’une partie des coûts des avortements pratiqués dans les cliniques privées à cause des trop longs délais. La loi a depuis été changée, mais elle n’est toujours pas appliquée et des femmes doivent encore payer jusqu’à 300$ pour se faire avorter.
Dans toutes les grandes villes d’Amérique du Nord, on trouve maintenant des centres de conseil sur la grossesse qui sont non-gouvernementaux et à but non-lucratif. Certains de ces centres ont malheureusement été fondés par des groupes anti-choix afin d’y dissuader les jeunes femmes de se faire avorter. Sous des noms trompeurs du genre «urgence-grossesse» («crisis pregnancy centers»), ils fournissent de l’information fausse ou partielle sur la croissance des foetus et sur l’avortement. Certains de ces centres vont même jusqu’à chercher à retarder les démarches d’une femme qui choisit l’avortement dans le but de le rendre impossible. Ce phénomène est particulièrement bien documenté aux États-Unis et au Canada anglais.
À première vue, il peut être difficile de savoir si un centre de ressource a pour mission de présenter de l’information objective et d’aider les femmes qui tombent enceintes ou bien s’il a pour mission de faire le contraire (la présence de bibles et de crucifix peut être un indice de cette seconde possibilité). Il est possible de recevoir des renseignements authentiques et de l’aide dans les CLSC, dans les Centres de santé des femmes ou encore à l’Association canadienne pour la liberté de choix ( 1-888-642-2725).
L’éducation sexuelle est importante quand il s’agit de santé sexuelle et de prévention des grossesses non désirées. Or, en 2003, Santé Canada a subventionné une étude qui a révélé que les jeunes avaient généralement de moins bonnes connaissances des questions sexuelles que les personnes ayant pris part à une étude semblable en 1989. Parallèlement, les cours d’éducation sexuelle ont graduellement été abolis dans les écoles secondaires depuis 2005. L’éducation sexuelle n’est pas considérée comme faisant partie des «matières fondamentales», c’est donc chacun des professeurs des différentes matières (math, géographie...) qui doit s’en charger de manière transversale.
Le simple fait que des groupes religieux ou «masculinistes» qualifient encore aujourd’hui d’immoral le fait qu’une femme soit libre de mener à terme une grossesse ou non nous indique qu’il reste du chemin à faire dans notre société afin d’assurer à chacune la possibilité de planifier de manière autonome et éclairée une naissance.
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Extrait du numéro 18 de Cause commune
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