mardi 15 mars 2011

[video + reportage] Charest dégage !



Samedi le 12 mars, quelques dizaines de milliers de protestataires, plus de 50 000 selon le comité organisateur, ont manifesté à Montréal pour exiger «un budget équitable». Rassemblant la gauche sociale québécoise dans toute sa diversité, incluant un fort cortège libertaire, la mobilisation peut sans doute être qualifiée de succès malgré quelques aspects moins reluisants.

Les fleurs...

Rassembler autant de gens avant même le dépôt du budget provincial, même si on l'imagine plutôt glauque, tient du tour de force. Le fait que deux coalitions aux cultures et aux revendications différentes aient pu s'associer pour former le plus large front social jamais vu (+ de 150 organisations) est un témoignage éloquent de la pression à la base pour l'unité la plus large. Il y a bel et bien un potentiel de mobilisation très important et une grogne sourde contre le gouvernement.

...et le pot

Toutefois, cette grande manifestation est un évènement unique, passablement isolé. Comme elle ne s'inscrit pas dans un plan d'action plus large, elle n'influencera pas le gouvernement qui n'a qu'à rentrer la tête dans les épaules en attendant que ça passe. Et c'est bien ce qui en train de se passer. Si elle ne sert pas de tremplin, cette manifestation n'aura servi qu'à nous compter.

De plus, il y a très peu de chance que l'on revoit de sitôt une action conjointe entre les deux coalitions organisatrices de la manifestation. En effet, le choc culturel fut particulièrement violent, notamment en ce qui concerne les services d'ordre, et les frustrations sont élevées. Concrètement, malgré une mobilisation sensiblement égale de part et d'autre, il est évident que ce sont les centrales syndicales qui ont récupéré l'évènement à leur profit (quitte à jouer du coude et écraser quelques personnes au passage).

Arrestations

Si un évènement illustre bien le fossé qui sépare certains secteurs de la contestation des autres ce sont bien les arrestations d'anarchistes qui ont eu lieu juste avant la marche et ce qui s'en est suivi. Rappelons que 10 personnes habillées de noir et masquées ont été isolées de la foule et arrêtées par la police en tout début de manifestation. L'absence à peu près totale de réaction des autres manifestant.e.s, comme on peut le voir sur les vidéos que nous avons mis en ligne sur Voix de faits, fut complètement surréaliste (et dégoûtant).

Ces arrestations furent dénoncées sur le podium, en fin de marche, par le porte-parole de l'ASSÉ ainsi que dans ses commentaires aux journalistes. Par la suite, des ami.e.s des personnes arrêté.e.s ainsi que des membres du comité action de la Coalition se sont solidarisé.e.s et ont organisé manifestations et rassemblements d'appui. Un communiqué de dénonciation, où il est question de profilage social et politique, a même été émis par la Coalition lundi matin. Toutefois, du côté de l'Alliance sociale, l'autre organisatrice de la marche, c'est le silence radio alors même que le rôle de son service d'ordre dans toute cette affaire reste nébuleux. Selon le récit policier des évènements, qui vaut ce qu'il vaut, le service d'ordre syndical aurait demandé à un groupe de 16 personnes, qui était déjà suivi de près par les flics à cause de son look «black bloc», de s'éloigner de la manifestation et c'est alors que les policiers ont décidé de les arrêter «préventivement» en vertu de l'article 31 du Code criminel car ils estimaient qu'elles allaient troubler la paix.

Au moment d'écrire ces lignes, selon une communication de leur avocat, les personnes arrêtées ont été relâchées avec des accusations de «possession d'une arme dans un dessein dangereux» et, pour quelques unes, de bris de conditions ou de probation. Notons que les «armes» en question sont «des bouteilles de bière, 2 marteaux, un couteau dans une gaine, un bâton télescopique et quelques bonbonnes de peinture ainsi que plusieurs tracts faisant la promotion de la manif du COBP» prévue pour le 15 mars. Les iniques conditions habituelles de non-associations, sauf pour les conjoint.e.s et les colocs, ont été imposées. Les accusations de «complot» dont il était question dans les médias dimanche n'ont pas été retenues faute de preuve.

Il va sans dire que l'UCL dénonce fortement les agissements du service d'ordre, qui loin de protéger les manifestant.e.s comme c'était son mandat leur a plutôt demandé de quitter les lieux pour faute de goût vestimentaire. Nous dénonçons aussi la répression policière et les conditions de remise en liberté des personnes arrêté.e.s, qui ne sont pas sans rappeler ce qui s'est passé au G20 l'été dernier. Non seulement est-ce profondément injuste mais la même chose aurait très bien pu nous arriver si nous n'avions pas été beaucoup plus nombreux et nombreuses comme on le verra dans un instant.

Cortège libertaire


Et les libertaires dans tout ça? Au moins trois (!) appels libertaires différents ont circulé sur Internet dans les jours précédents la manif du 12 mars. Il y eu d'abord un appel à «un 12 mars qui dérange» lancé par La pointe libertaire qui proposait l'organisation d'actions décentralisées dans un périmètre autour de la manifestation. Il y eu ensuite un appel signé par «des anarchistes» à participer à «un contingent anticapitaliste respectant la diversité des tactiques». Finalement, l'UCL a elle aussi lancé un appel à un cortège libertaire, solidaire des luttes sociales, afin de porter une parole offensive dans la manifestation. Seule l'UCL donnait un point de rendez-vous et une heure de départ précis ainsi qu'un repère pour la retrouver dans la marche.

Il est difficile de savoir si l'appel de La pointe libertaire ou celui «des anarchistes» fut suivi. Après tout, la Coalition appelait aussi à des actions décentralisées, mais quelques actions originales ont effectivement été vues aux abords de la marche (nombreux graffitis «Charest dégage», quelques déploiements de bannières ainsi que des collages).

Le rassemblement pré-manif de l'UCL s'est très bien déroulé et a permis à une cinquantaine de membres et de sympathisant.e.s de se parler et de se répartir les tâches pour la manif. Le fait d'arriver en groupe nous a d'ailleurs probablement sauvé la mise. En effet, à peine arrivé.e.s aux abords du rassemblement pour la manifestation, nous avons été confronté par le service d'ordre de la FTQ qui voulait nous interdire de manifester. Un vif échange de point de vue et la révélation, oh scandale!, que l'UCL est membre de soutien d'une des deux coalitions organisant la marche nous a permis de nous rendre dans le rassemblement et de nous positionner de façon sécuritaire à un des coins de rue où toute la manif (sauf la FTQ!) devait passer.

Nous avons finalement pu diffuser 2 500 copies d'une édition toute fraîche de notre journal Cause commune et 1 000 copies d'un autocollant montrant Charest la tête dans une guillotine avec comme message «Nous aussi, on sait couper». Plusieurs personnes proches de nos idées se sont jointes à nous, portant le cortège libertaire à une centaine de personnes. Tout en étant une goutte d'eau dans l'océan de la manifestation, nous avons réussi à rendre les forces libertaires visibles et audibles. Malheureusement, nous avons aussi été rejoints par la police --plusieurs agents à vélo-- qui nous ont suivi des deux côtés de la rue durant toute la manifestation.

Et les suites?

D'ores et déjà, des actions sont prévues aux quatre coins du Québec dans les jours et les semaines à venir. Nous savons que le budget qui sera déposé cette semaine par le gouvernement Charest ne nous fera pas de cadeau. Il faut augmenter la pression d'un cran pour faire reculer le gouvernement. Les membres et sympathisant.e.s de l'UCL seront partie prenante de la lutte contre les mesures anti-sociales du gouvernement libéral.

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Photos: André Quierry (1ère) et Adam Lord (2e) toutes deux reprises de Facebook.
Vidéo: Images et montage Voix de faits, sur un fond musical de Corrigan Fest (La balade des déserteurs)

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