Théorisé il y a bientôt deux siècles par David Ricardo (Des principes de l’économie politique et de l’impôt en 1817), le libre-échange est toujours présenté par les libéraux comme le nec plus ultra de la modernité. Ce n’est que le concept de liberté réduit à une sinistre caricature : la liberté des marchands et des capitalistes. Cette théorie aujourd’hui mise en oeuvre par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) impose la suppression de toutes les barrières douanières protégeant les industries naissantes des pays du Sud. Ces pays sont poussés à spécialiser leur économie dans un seul type de production, soi-disant pour gagner en efficacité, en réalité pour répondre aux besoins des pays du Nord.
Aussi le patron du Fonds monétaire international (FMI), le socialiste Dominique Strauss-Kahn, mentait-il quand il affirmait dans Les Echos du 2-3 mai 2008 que « toutes les nations comptent sur le libre-échange pour nourrir leur population ». En réalité l’agriculture de nombreux pays du Sud a été déstructurée et façonnée pour l’exportation vers les pays du Nord, interdisant l’auto-suffisance alimentaire. Plus d’un milliard d’humains sont maintenus dans une sous-alimentation chronique. Dès que les spéculateurs font monter le prix des denrées alimentaires, blé et riz en particulier, la famine se développe.
Les chiffres fournis en octobre 2007 par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales sont édifiants : au niveau mondial, 70 % des exportations sont réalisées par 1 % des entreprises exportatrices. Les 150 premières multinationales avaient en 2007, selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), un total d’avoirs supérieur à 117 % du PIB mondial ; ce sont évidemment elles, ou plutôt leurs propriétaires, qui déterminent les règles applicables aux 6,5 milliards d’êtres humains, et qui accaparent les profits les plus élevés.
L’envers du décor du libre-échangisme, c’est le maintien d’un mode de production destructeur pour l’environnement, les conditions sociales et l’autonomie alimentaire des peuples…
Pourtant le libre-échange peut être mis en échec. Rappelons-nous que quand le Canada, premier exportateur mondial d’amiante, a engagé devant l’OMC une procédure contre la France qui désormais interdit cette fibre cancérigène, il a été débouté en mai 2000. Pourquoi ? Pas à cause d’un changement d’orientation de l’OMC qui refuse toujours que des raisons sanitaires perturbent le sacro-saint « libre échange ». Mais, plus prosaïquement, parce que quelques mois après la débâcle qu’elle avait subie face aux manifestations de Seattle, et comme l’analysait le Financial Times du 15 mai 2000, l’OMC ne pouvait se permettre un jugement en faveur du Canada qui aurait « provoqué la fureur des groupes écologistes partout dans le monde […] et aurait encore diminué la crédibilité de l’OMC aux yeux des responsables politiques et de l’opinion ».
Un texte de Jacques Dubart (tiré du numéro 188 d'Alternative libertaire)
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