Dans son ouvrage le moins étatiste, La Guerre civile en France (1872), Karl Marx donna de la Commune de Paris de 1871 cette description : « Ce ne fut […] pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. Ce fut une révolution contre l’État lui-même, cet avorton surnaturel de la société ; ce fut la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale. » Ce dont Marx parlait alors, c’était de l’émergence d’une démocratie directe.
La démocratie directe commence par la prise de parole du plus grand nombre, sans limitation des expressions dissidentes et en veillant à ce que les plus faibles soient écouté-e-s, contrairement à la « démocratie » représentative dont l’objet est d’arbitrer entre les partis et de légitimer leur pouvoir par une élection.
Alors que le mandat délégatif issu des urnes laisse des professionnels de la politique décider au nom de toutes et tous, la démocratie directe cherche à exprimer la volonté générale. Les décisions se construisent au sein de collectivités restreintes en nombre et sont confiées à des délégué-e-s porteurs d’un mandat clair. Mandat « libre » ? Mandat « impératif » ? Attention à ne pas tomber dans une vision caricaturale qui feraient des délégué-e-s soit des plénipotentiaires incontrôlables, soit de simples robots dépourvus de marge de manœuvre.
Mandat libre ou impératif ?
La bonne réponse est entre les deux. L’enjeu réel est le contrôle par les collectivités de base de l’exécution des mandats, avec révocation de ceux ou celles qui ne respectent pas l’« esprit » du mandat.
Il n’y a eu, durablement et à un niveau de masse, de démocratie directe qu’au sein de communautés – l’Ukraine en 1920, l’Espagne de 1936, le Chiapas aujourd’hui – fondées sur l’égalité. Non pas une égalité politique factice comme au sein des sociétés capitalistes, inégalitaires par nature, mais une égalité économique et sociale de toutes et tous.
Avant d’être une question de structure, la démocratie véritable est une question de culture. Liée à une société socialiste, nécessitant une éthique du respect et de la tolérance, elle est le contraire des affrontements entre courants politiques, et nie la prétention de quelque groupe que ce soit à diriger la collectivité.
Dès aujourd’hui des embryons de démocratie directe sont possibles au sein de nos syndicats, de nos associations de lutte, ou d’assemblées générales de travailleuses et de travailleurs, d’étudiants…. Cela donne un sens politique à nos luttes quotidiennes et en permet la maîtrise collective.
Texte de Jacques Dubart
Publié dans Alternative libertaire no 172 (avril 2008)
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