Il arrive périodiquement que nous ayons à faire une mise au point à propos de l'anarchisme. À des médias droitistes ignorants qui y amalgament violence, Lénine et URSS, nous les invitons à faire l'effort intellectuel minimal pour commencer par cette question: C'est quoi l'anarchisme.
Et ça tombe bien bien parce que l'UCL publie justement une brochure intitulée L'anarchie de A à Z disponible dans son entièreté en ligne.
Nous vous proposons de commencer par « A » comme Anarchie. Bonne lecture.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’anarchie a mauvaise presse. Le mot anarchie vient du grec « anarkhia » qui signifie tout simplement « sans gouvernement ». Pourtant, dans son sens le plus commun, ce terme est devenu synonyme de chaos, de désordre, de désorganisation... Les anarchistes seraient-ils/elles partisans d’une société éclatée, où règne la violence et la haine?
Rien n’est plus faux. Comme le souligne l’anarchiste italien Errico Malatesta (1853-1932), les préjugés tenaces contre l’anarchie (et l’anarchisme) s’expliquent par une normalisation progressive des rapports autoritaires au sein de notre société. En fait, si l’anarchie nous semble dangereuse, c’est que nous avons renoncé à exercer un véritable pouvoir sur nos vies, pouvoir que nous avons abdiqué au profit de l’état et du patronat. Or, vivre sans « gouvernement », libéré des supposées « lois du marché », c’est non seulement possible, mais également souhaitable. C’est du moins ce que pensent celles et ceux qui se réclament de l’anarchisme. Voici pourquoi.
L’anarchisme est l‘enfant turbulent de la grande famille socialiste. Développé au sein du mouvement ouvrier voilà près de 200 ans, l’anarchisme s’est peu à peu formulé comme une critique radicale du monde que la bourgeoisie a façonné à son image. Alors que ses cousins sociaux-démocrates s’accommodent du capitalisme et que ses frangins marxistes s’entendent bien avec le pouvoir d’État, l’anarchiste rejette tout cela en bloc au nom d’une plus grande liberté individuelle et collective, indissociable de l’égalité économique et sociale, et d’une véritable solidarité entre les membres de la collectivité. L’anarchiste ne se satisfait pas des soi-disantes « avancées démocratiques » de l’État bourgeois, ni des supposées « libertés de choix » de l’économie de marché.
Au delà des apparences, l’État et le marché masquent tout deux la domination d’une minorité de privilégié-es sur une masse d’exploité-es. Cette domination engendre son lot d’injustices et d’inégalités partout où elle est présente. Économiquement, nous sommes soumis à l’esclavage salarial, y compris pour satisfaire nos besoins les plus fondamentaux. Politiquement, notre seule liberté consiste trop souvent à élire ceux qui seront nos maîtres « légitimes » pour les quatre années à venir (avant d’être remplacés par d’autres maîtres tout aussi « bienveillants » à notre égard). Socialement, on nous présente le cadre actuel comme le seul horizon pour l’humanité, même si nous savons fort bien que son développement nous mène tout droit vers un précipice écologique. Évidemment, ce système ne fonctionne pas tout seul, comme par enchantement. Une classe sociale, la bourgeoisie, concentre le pouvoir politique et économique et règne sans partage sur notre monde. Nous devrons nous en débarrasser pour vivre autrement, à la mesure de nos besoins et de nos désirs. Mais encore faut-il être en mesure de proposer autre chose à celles et ceux qui triment chaque jour à nos côtés...
Changer la société pour changer notre vie
Au delà des critiques, l’anarchisme est également un projet social et politique à contre-courrant de celui imposé par la bourgeoisie. À l’opposé d’une démocratie « représentative » fortement hiérarchisée, nous souhaitons que toutes les personnes touchées par un problème puissent être en mesure de participer à la réflexion et à la prise de décision pour le régler. Fini le temps où d’autres parlent à notre place sans qu’on puisse avoir notre mot à dire. Face à l’appropriation des richesses par une minorité de privilégiés, nous revendiquons la redistribution des richesses selon les besoins de chacun/chacune. Pour y parvenir, nous devons socialiser toute l’infrastructure économique pour que celles et ceux qui travaillent soit en mesure de déterminer le pourquoi et le comment de la production. Les moyens de production et d’échange doivent appartenir à la classe ouvrière, pas aux patrons et aux banquiers. En leur retirant ce pouvoir, nous pourrons faire entrer la démocratie dans nos lieux de travail où elle fait pour l’instant cruellement défaut. En cessant de produire uniquement pour le profit, nous pourrons éviter le gaspillage des ressources et rendre le développement compatible avec l’équilibre des écosystèmes. Cet équilibre est d’autant plus nécessaire que nous ne pouvons être autosuffisantEs.
Comme nous avons besoin les uns des autres pour pouvoir avancer, nous croyons qu’il est nécessaire de se fédérer, de se réunir autour d’objectifs communs pour s’aider mutuellement. Ainsi seulement serons-nous en mesure de passer d’une société inégalitaire où règne la loi du plus fort vers une société débarrassée de l’autorité et de la domination, où il y a de la place pour tout le monde, où chacun peut espérer vivre pleinement ses désirs et satisfaire ses besoins. Cet idéal pour lequel nous luttons, c’est l’anarchie.
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