La violence semble être assez rare et qu’importe les soi-disant “pillages” comme dénommés par certains, qui par ailleurs semblent tout à fait naturel, considérant les innombrables souffrances que la population a du affronter pendant plus d’une semaine ! La réponse répressive de la police locale et des forces d’interventions étrangères envers ces actes isolés mus par le désespoir ne peut qu’ajouter à l’insulte : A une population affamée l’on réserve des soldats armés lourdement, au lieu de déployer plus de nourriture, plus d’eau potable et plus de médecins. Et en écoutant les complaintes des haïtiens dormant à même le sol, rapportées par de trop rares et exceptionnels journalistes, on se rend compte que la sécurité n’est pas le principal souci de la population elle-même. Il est clair que les problèmes sécuritaires sont rapportés de manières disproportionnées afin de justifier encore une fois une présence militaire croissante dans l’île de la part des Nations Unies et des États-Unis principalement.
Alors que les États-Unis affirment avoir envoyé des troupes à Haïti pour des raisons purement humanitaires, l’historique des relations américaines envers ses voisins et ses actions passées, jettent un doute sur leurs intentions. Leur occupation des ruines du palais présidentiel est un indéniable symbole de ce qu’ils considèrent être leur rôle en Haïti. Les américains ont également pris le contrôle du port et ont imposé un strict blocus naval afin d’éviter de voir s’échoir sur les plages de Floride des boat people haïtiens. Ils sont bien évidemment plus intéressés à empêcher les haïtiens à fuir le pays qu’à aider le pays lui-même : Cela a été prouvé, sans doute raisonnable, par la prise de contrôle des américains de l’aéroport national, contrôle pris avec l’aval du gouvernement fantoche de René Préval. L’occupation de ce centre névralgique, où la plupart de l’aide arrive, a attiré des critiques croissantes depuis que des autorisations d’atterrissage n’ont pas été délivrées pour des produits médicaux et humanitaires, provenant du Caricom, du Venezuela, de Cuba, de la Turquie, de l’Iran, et de Médecins sans frontière, du Programme Alimentaire Mondial. C’est en fait l’occupation américaine de l’aéroport qui a empêché à l’aide d’être acheminée à une population haïtienne dans le besoin pendant près de deux semaines, avec des résultats désastreux : des milliers de personnes sont mortes en raison de cet acte brutal de négligence envers une population meurtrie.
Pourquoi l’aide n’a-t-elle pas reçu l’autorisation d’être acheminée? Tout simplement, afin de donner la priorité aux 10000 soldats américains qui occupent actuellement le pays! On a donné la priorité aux soldats sur les médecins, l’eau et la nourriture. Le jeu politique est également entré en considération lors des refus d’atterrissage adressés aux cargos du Venezuela, de Cuba et des autres états voyous.
S’il n’y avait pas de véritables problèmes de sécurité en Haïti, pour quelles raison les USA enverraient-ils des soldats?
Il n’est pas de mystères que les États-Unis ont perdu du terrain en Amérique Latine depuis que la guerre contre le terrorisme de Georges Bush a bouleversé l’ordre des priorités et mobilisé les ressources vers le proche orient et les zones alentours. Certes, l’aventure militaire a grandement détérioré la situation aux États-Unis en des termes économiques, politiques, et militaires, mais pendant ce temps, les gouvernements latino-américains ont pu développer des relations extérieures avec une plus grande liberté d’action. Cela a été reconnu par Obama le 23 mai 2008, alors en campagne présidentielle, lors d’un meeting avec la communauté cubaine-américaine, dans lequel il déplorait que Bush ait négligé l’Amérique Latine, l’influence américaine sur le continent diminuant graduellement au profit d’autres : Le Venezuela et la Chine ont alors été ouvertement mentionnés. La domination américaine a rencontré de nombreux défis parce que l’Amérique latine a commencé à attirer de nombreux autres investisseurs et à voir grandir le rôle des autres partenaires commerciaux tels que la Chine, l’Afrique du Sud, l’Iran, la Russie, l’Union européenne pour n’en citer que quelques uns. Par ailleurs, l’émergence d’une puissance régionale telle que le Brésil et les projets d’intégration régionale menés par Lula et Chávez sont vus d’un mauvais œil par Washington.
Quelle est la politique d’Obama envers l’Amérique Latine? Comme il l’a été mentionné dans ce meeting, il est en un mot question d’isoler le Venezuela et ses alliés, de renforcer la présence militaire américaine dans la région (il a été fait mention des plan Colombia et Mérida pour le Mexique et l’Amérique centrale).
Il est déjà clair que le plan américain pour reprendre le contrôle de l’Amérique Latine a déjà commencé :
• La quatrième flotte de la US Navy a été reformée en 2008, renforçant ainsi le commandement Sud américain (qui surveille l’Amérique Latine) ;
• Le coup d’état au Honduras qui a été sponsorisé par certaines branches de l’armée américaine. Les Etats-Unis ont ainsi pu récupérer l’un de leur plus fidèle allié en Amérique centrale et délivrer le pays d’un leader populiste et factieux aux yeux des américains, allié à Chavez, alors qu’au même moment l’influence de la droite dans la région s’amenuisait un peu plus (effrayant Funes au Salvadore et Colom au Guatemala);
• L’intensification de la présence militaire en Colombie et le soutien américain au régime totalitaire d’Uribe à travers l’ouverture de 7 nouvelles bases militaires dans ce pays (il y a déjà 3 bases américaines, et les États-Unis auront également la possibilité d’utiliser, à la demande, n’importe quel aéroport ou port dans ce pays et utilisé à n’importe quelle moment son espace aérien). Il n’est pas alors exagéré d’affirmer que les États-Unis ont transformé la Colombie en une plateforme d’intervention militaire pour l’ensemble de la région.
Alors c’est lorsque l’on considère toutes les actions passées de Bush et de l’administration Obama, que l’occupation d’Haïti prend tout son sens. Une île au milieu de la Caraïbe, faisant face à Cuba et au Venezuela, situé stratégiquement à la croisée de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, avec une histoire récente de révoltes populaire et de tentatives de réformes sociales et politiques réprimées par des meurtres et assassinats orchestrés par des alliés fidèles des États-Unis en Haïti. La descendance du régime dictatorial de Duvalier qui reste au pouvoir semble être le candidat idéal d’une occupation militaire directe réussie.
Haïti est le symbole de la reconquête de l’Amérique latine par les États-Unis. Le pays est actuellement sous occupation des Nations Unies, occupation qui a commencé par une présence américaine directe dès 2004, devant servir les intérêts stratégiques de Washington dans la région. Le changement dans la balance des pouvoirs dans la région ont forcé les américains à donner le leadership aux Nations Unies alors qu’ils concentraient leurs ressources sur le bazar iraquien. Il est maintenant temps que les États-Unis reprennent, encore une fois, le contrôle d’Haïti en bénéficiant des conséquences de ce tragique séisme, contrôle qui leur permettra d’accroître leur présence militaire dans la région et de faire avancer leurs objectifs stratégiques. Bien évidemment l’occupation américaine de l’île crée des tentions avec d’autres qui ont un intérêt pour Haïti : La France, le Brésil, communément appelés « les amis d’Haïti » se rencontreront ainsi au Canada, le lundi 25 janvier 2009, pour régler leurs différents et décider de l’avenir d’Haïti, cela va s’en dire, sans implication des haïtiens eux-mêmes.
Ainsi Haïti semble être la dernière victime de l’effort américain de recomposer son hégémonie en Amérique latine. Il est du devoir des peuples latino-américains de se mobiliser en toute solidarité avec les voix haïtiennes résistant contre vents et marées afin d’éviter la perte de nouvelles vies dans la stratégie de conquête de l’Amérique latine portée par les États-Unis.
José Antonio Gutiérrez D.
23 Janvier, 2010
Traduction: Chloé Saint-Ville
Source: Anarkismo