dimanche 19 février 2012

On n'a jamais rien eu qu'on ne voulait déjà nous donner en restant polis

Quand j'étais adolescent, il y avait une caricature qui revenait sans cesse dans la presse libertaire. L'image changeait parfois mais le texte restait toujours le même : la dictature c'est ferme ta gueule, la démocratie c'est cause toujours. On dirait bien que les spécialistes des coms s'en sont inspiré récemment pour concocter la ligne de presse du gouvernement face aux contestations de toute sorte.

«Les gens ont le droit de manifester et d'exprimer leurs droits, mais ils n'ont pas le droit d'empêcher les autres de travailler. Tout le monde a des droits dans la société et ça doit se faire avec respect. Ils ont le droit de manifester mais de bloquer le centre-ville, ça c'est interdit et c'est innacceptable dans une société.»
- Raymond Bachand, 16 février (en réaction au blocage de la tour de la Bourse)

Du ministre des finances à la ministre de l'éducation, la ligne du gouvernement est simple : vous avez le droit de manifester mais pas de déranger. Cette injonction en apparence pleine de gros bon sens dans notre société libérale [«ma liberté s'arrête où commence celle des autres», et patati et patata] est un fait un piège à cons. Grossier en plus! En effet, le corrolaire de cette règle c'est que si nous avons le droit de manifester, le gouvernement a tout à fait le droit de ne pas écouter. Et c'est ce qu'il fait très activement.

Dans une démocratie libérale, le gouvernement ne cherche pas à satisfaire les intérêts de la majorité, pas plus qu'il ne recherche le bien commun. Du reste, dans une société de classe, le bien commun n'existe pas, il y a trop d'intérêts, notamment sociaux et économiques, divergeants. Ce qui est bon pour PKP (ou Desmarais) n'est pas nécessairement bon pour le Québec. Si le système arrive à se maintenir sans trop faire usage de violence, c'est grace à la fabrication du consentement (à la propagande).

On l'a bien vu après la grève étudiante de 2005. Le gouvernement, et au travers lui une bonne partie des élites, avait subi un cuisant revers. Dans la foulée de cette grève on a pu voir se déployer une offensive idéologique sans précédent pour saper la légitimité de la lutte étudiante et faire accepter l'idée de l'inévitabilité d'une hausse des frais de scolarité («cela est juste et bon» d'entonner tous les éditocrates). Et, de fait, quand le gouvernement a dégelé les frais, le mouvement étudiant n'a pas été capable de rassembler assez de force pour combattre.

Gouverner n'est toutefois pas scientifique. Ainsi, le gouvernement libéral, trop sur de lui, a radicalisé sa position et décider d'y aller d'un grand coup avec une nouvelle hausse de frais de scolarité très ambitieuse. Depuis, le mouvement étudiant et ses alliés ont relancé la lutte idéologique avec brio et il n'y a plus dutout de consensus sur la hausse des frais. En fait, l'idée de gratuité scolaire a même fait plus de progrès depuis 5 ans que dans les 30 années précédentes. Il n'empêche que le gouvernement s'entête, dans ce dossier comme dans plusieurs autres liés aux politiques d'austérité.

Les mouvements sociaux, et en particulier le mouvement étudiant, n'en sont plus à l'étape d'émettre une opinion. Les lettres ont été envoyés aux journaux, les livres, études et rapports ont été publiés et distribués, les conférences et les diners-causeries ont été organisées, les assemblées générales ont pris position, en un mot, le débat a eu lieu. Face à un gouvernement qui fait la sourde oreille, il ne reste plus d'autre choix que de retirer son consentement et entrer en lutte.

Les luttes sociales ne sont pas une joute oratoire où celui ou celle qui a les meilleurs arguments gagne. Si c'était le cas, il n'y aurait pas besoin de lutter! Non, les luttes sociales sont l'expression de rapports de force. Il ne s'agit plus seulement de manifester, de faire connaître bruyamment son opinion. Non, il s'agit de déranger et perturber le cours normal des choses, de nuire au bon fonctionnement de l'ordre social.

Pour gagner une lutte sociale, il faut augmenter la pression jusqu'à ce qu'il devienne plus couteux politiquement de maintenir la ligne dure que de céder aux revendications. Évidemement, la sacro-sainte opinion publique a un rôle à jouer dans la bagarre. Si on réussit à la mettre de son bord, ou au moins à ce qu'elle soit divisée, c'est un actif dans le rapport de force. Mais, avoir raison et avoir l'opinion de son bord est bien insuffisant. Il faut aussi déranger, et déranger assez pour que l'adversaire ait envie que ça cesse.

5 commentaires:

Pwel a dit…

"Les gens ont le droit de manifester et d'exprimer leurs droits, mais ils n'ont pas le droit d'empêcher les autres de travailler."

Ah ouin? Pis par exemple c est quoi un lock out appart d empêcher du monde de travailler? C est tellement n importe quoi ces arguments idéologiques qu ils ne sont même plus capable de les rendre cohérents...

Anonyme a dit…

"Les lettres ont été envoyés aux journaux, les livres, études et rapports ont été publiés et distribués, les conférences et les diners-causeries ont été organisées, les assemblées générales ont pris position, en un mot, le débat a eu lieu. Face à un gouvernement qui fait la sourde oreille, il ne reste plus d'autre choix que de retirer son consentement et entrer en lutte.

Les luttes sociales ne sont pas une joute oratoire où celui ou celle qui a les meilleurs arguments gagne."

qu'est-ce que l'ucl :

diners-causeries
c'est bien se qu'il faut pour s'impliquer dans l'UCL. être ami du parti...

luttes sociales
devrait-on dire : activités sociales ?
suggestion : à québec il y a un petit livret qui dit les activités sociales de l'année. mettez-y votre nom

joute oratoire
c'est belle et bien une joute oratoire ici, lorsque les gens viennent pour autre chose que parler on leur dit de retourner chez eux

- david

Anonyme a dit…

Aucun rapport. Tu es sur un blog là... donc il n'y a rien d'oratoire là dedans.
Ce qu'on veut dire en fait c'est qu'une simple joute oratoire est sans effet si rien de concret ne se passe.

Et que dans une société divisée en classes sociales, les intérêts divergent entre les différentes classes sociales. Il n'y a pas de continuum entre les riches et les pauvres, comme s'ils étaient tous des citoyens égaux avec les mêmes droits et les mêmes libertés.

Cette égalité est un mensonge. Voilà pourquoi, si on veut quelque chose on doit le prendre de force.

Alex

Nicolas a dit…

Toujours la même vieille critique... mais vous les politiques, vous faites rien. Depuis que je milite et que je commente l'actualité sociale dans la presse libertaire c'est la même affaire. Comme si le travail journalistique n'était pas une activité en soit. Si je suis capable de ramener des photos et des vidéos du blocage de la tour de la Bourse, qu'est-ce que ça veut dire d'après-toi? Que j'étais là peut-être! Comme si de commenter nos luttes sociales nous rendait extérieur à celles-ci...

Ben non, l'UCL n'initie pas de grèves, d'actions, de blocages. Pour faire un petit jeu de mot poche, contrairement à d'autres qui lancent des mots d'ordre de grève dans le vide, on ne se prends pas pour la CLASSE... mais on y participe activement par exemple!

Anonyme a dit…

je n'ai pris que le vocabulaire que vous utilisez pour décrire se que vous dénoncez. et je l'ai appliqué à vous.

pourquoi ?
parce qu'idéologiquement je suis d'accord avec la manière de penser de l'ucl...mais que pour s'y impliquer il faut être "ami du parti"

un certains françois comprend s'il lit mon message (raison pour laquelle j'ai signé mon nom)

en attendant, continuez d'essayer de réveillez le monde grâce à votre blog (qui reste une bonne source d'information) tout en les empêchant de s'impliquer dans cette réflexion

- david