mardi 18 janvier 2011

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.2/4

Le texte qui suit fait partie d'un document sans prétention qui constituerait une modeste analyse de la droite populiste. Vous êtes fortement invités à le commenter dans la section prévue à cet effet. Vos commentaires pourront certainement avoir un impact sur la version finale. Il sera publié en plusieurs morceaux dans les jours qui viennent. Il ne représente que les opinions de l'auteur. 

L’imposture libertarienne dénoncée par les libertaires p.2/4
Table des matières
Liberté d’expression
La liberté des anarchistes
La liberté des riches
Le pire ennemi: L’État ou le privé?
L’efficacité
La dette

Liberté d’expression


Un de leur cheval de bataille principal est définitivement la liberté d’expression. Le même genre de liberté que la radio poubelle invoque à chaque fois qu’on les blâment pour leurs propos diffamatoires. Le discours d’Ezra Levant, l’un des premiers à prendre la parole lors du lancement du RLQ, était clair. “Nous devons aller jusqu’à défendre la liberté de parole des néo-nazis, car si nous ne le faisons pas, qui nous défendra lorsque notre propre liberté sera menacée?”, disait grosso modo M. Levant. Il faisait aussi constamment référence au combat de CHOI et de son animateur Jean-Francois Fillion, présent dans la salle, et à l’épisode “Liberté, je cris ton nom partout”.  



La liberté d’expression prônée par le RLQ est celle de diffamer librement, de détruire toutes les réputations jusqu’à laisser les propos racistes, sexistes ou homophobes, se répandre de façon complètement décomplexée dans l’espace public. Encore une fois, c’est la liberté négative qui prime.


D’un point de vue libertaire, toute opinion doit pouvoir s’exprimer ouvertement. Une obstruction à une seule opinion, peu importe laquelle, est une entrave à la démocratie. Il existe cependant des idées, proférés dans l’espace public, qui peuvent brimer la liberté des autres. De l’intimidation, du racisme, des propos haineux par exemple. C’est là ou une certaine forme de censure peut être justifiée.



Notez qu’une vraie liberté d’expression n’est possible que si tous et toutes ont accès à l’espace public également. Actuellement, les médias et la politique sont contrôlés par une petite élite, rendant impossible un débat juste et équitable.

La liberté des anarchistes

Il va sans dire que les anarchistes sont et ont toujours été les champions de la liberté individuelle. Par contre, la liberté des anarchistes ne se fait pas au détriment des autres. C’est une liberté totale, une absence complète d’oppression illégitime. Même les plus fervents anarcho-individualistes ont toujours prôné l’abolition de toute oppression, y compris celle du capitalisme.



Voici ce qu’a dit Proudhon de la liberté: “Au point de vue barbare, liberté est synonyme d'isolement : celui-là est le plus libre dont l'action est la moins limitée par les autres ; l'existence d'un seul individu sur toute la face du globe donnerait ainsi l'idée de la plus haute liberté possible. Au point de vue social, liberté et solidarité sont termes identiques : la liberté de chacun rencontrant dans la liberté d'autrui, non plus une limite (...) mais un auxiliaire, l'homme le plus libre est celui qui a le plus de relations avec ses semblables“. Remarquez que la notion de liberté barbare ressemble drôlement à la liberté de nos droitistes.



Bakounine renchérit en disant “Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes ou femmes, sont également libres. La liberté d'autrui, loin d'être une limite ou une négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens vraiment libre que par la liberté des autres, de sorte que, plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent, et plus étendue et plus large est leur liberté, plus étendue et plus profonde devient la mienne”. Et encore “l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l'humanité, est une négation de la liberté de tous”. Une conception de la liberté beaucoup plus riche que celle des libertariens n’est-ce pas?



La question est importante et mérite que la réponse soit limpide. Les anarchistes conçoivent la liberté et l’égalité comme étant indispensable l’une et l’autre. Si ta liberté empiète sur celle de ton voisin, ça signifie qu’il y a un rapport inégalitaire nuisible. Pour parvenir à une liberté authentique, elle doit s’accompagner d’équité.



On l’a dit précédemment, les anarchiste refusent toute forme d’autorité illégitime. Ça veut dire qu’il existe des autorités légitimes. L’assassin doit être stoppé, ça c’est évident. Et si la violence doit être utilisée, elle le sera. Mais la question est parfois plus délicate. Qu’en est-il par exemple d’animateurs de radio propageant un discours haineux? Chose certaine, l’expression de propos racistes, homophobes ou sexistes brime la liberté des autres et rompt l’équilibre entre la liberté et l’égalité. L’important, c’est surtout que la résolution du problème fasse consensus au cours de débats démocratiques.

La liberté des riches

Les plus grands ennemis de la liberté au Québec, ce sont les grands capitalistes. Par exemple, Pierre Karl Péladeau. Notre bon petit milliardaire québécois, devenu détenteur de la moitié du temps d’attention quotidien de nos cerveaux grâce à l’intervention des bons petits nationalistes de la caisse de dépôt, est l’un des plus grand liberticide du Québec. Il s’attaque à ses travailleurs et à la liberté de presse. Il sape la diversité et la liberté d’opinion par la convergence et par la création d’une chaîne de télé relayant uniquement des idées de droite, Sun TV news. Il va jusqu’à refuser aux syndicats d’exister. Pierre Karl Péladeau, grand promoteur des idées de droite, est un fantastique privateur de liberté.



Répétons le, la liberté des riches est la liberté négative, celle de ne pas être entravée. C’est une liberté dépourvue d’égalité.

Le pire ennemi: L’État ou le privé?

C’est bien connu, l’anarchiste est anti-étatique. On dira volontier qu’il s’agit probablement du seul point commun entre nous et les libertariens. Mais plutôt qu'un anti-étatisme primaire, l'anarchisme vise avant tout l'abolition de toutes formes d'oppression et d'exploitation.


En cette ère de mondialisation et de compétition enragée, nous convenons que les plus grands liberticides sont les corporations privées, celle là même qui sont tant mises en valeur par les libertariens.



Au sujet de l’État et de l’entreprise privée, Noam Chomsky a dit “Nous savons que nous sommes dans une cage et que nous sommes piégés. Il faut élargir la surface [...]. Et nous avons le projet de la détruire [...] Cependant nous savons qu'il ne faut pas attaquer la cage lorsque nous sommes vulnérables, car on nous assassinerait. [...] Nous devons protéger la cage quand elle est attaquée de l'extérieur par des prédateurs plus dangereux, comme le pouvoir privé.” (Noam Chomsky, Perspectives politiques, 2007).



Se résumer à défendre l’État revient à adopter une position strictement réformiste. Cependant, tout comme dans les luttes sociales, les anarchistes doivent dépasser le simple maintient des acquis. Lorsque les anarchistes défendent les services publics, ils ne protègent pas l’État. Au contraire. Ils dénoncent le contrôle étatique pour réclamer une prise en charge autonome et autogérée de ces services.



Comme dans le cas d’un grand nombre d’entreprises privées, il est certainement vrai que le système de santé souffre présentement d’une mauvaise gestion au Québec. Maintenant, est-ce qu’un contrôle du privé serait mieux que l’actuel système public? Certainement pas. Est-ce que l’éducation et la santé sont des systèmes parfaits dans l’état actuel des choses? Non plus. Mais le système actuel est pourrit entre autre à cause de son contrôle par l’État. Pas parce que c’est un service public.



La perspective de services publics autonomes, populaires et autogestionnaires n'est pas utopique. Qu'est-ce que plusieurs médecins socialistes ont fait durant le temps de la crise des années 20, dont le docteur Normand Bethune? Ils ont organisé des cliniques de soins gratuits pour la population. Qu'est-ce que Ferron faisait en Gaspésie, puis dans les quartiers ouvriers de Montréal? Une forme de médecine sociale accessible à ceux et celles qui en avaient pas le moyen. Qu'est-ce que s'est bâti à Montréal, à Pointe-St-Charles dans les années 1960 en lien avec les luttes du quartier? Une clinique de santé communautaire autonome, ancêtre des CLSC, qui visait également une médecine sociale, c'est à dire ne s'occupant seulement des pathologies manifestées, mais beaucoup de leurs racines sociales. Cette façon de voir la médecine peut être rapprochée de celle des médecins et du personnel de santé de la CNT durant la guerre civile espagnole. En Argentine, suite à la grave crise sociale, économique et politique de 2001, des cliniques médicales populaires, autonomes et autogérées se sont développées en connexion avec les assemblées de quartier, les entreprises récupérées et le mouvement des piqueteros.



La médecine dans le monde néolibéral devient profitable et tout l'aspect préventif, malgré l'importance qui y est attribué dans nos cours de formation de professionnel-le-s, devient progressivement balayé pour la "rentabilité" et les profits. C'est pourtant le volet qu'il faudrait le plus travailler pour diminuer les coûts du système de santé. Fort paradoxe!

L’efficacité

Les droitistes déplorent les démarches administratives lourdes, la taille “gigantesque” de l’État, les délais, les réglementations. “Plus l'État est gros, plus il y a de corruption”, disent-ils, dans une analyse d’une désarmante simplicité.



Eh bien croyez le ou non, les anarchistes sont aussi contre le gaspillage. Quand on estime à plusieurs milliards l’argent flambé dans la fraude, la corruption, l’évitement fiscal et les paradis fiscaux, il y a de quoi se révolter! Nous sommes pour des services d’éducation et de santé plus efficaces, honnêtes et sans abus.



Mais lorsque TVA vous gratifiera d’un reportage sur les fraudes de 70 millions $ à l’aide sociale, gardez à l’esprit que selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), il y a au Québec chaque année plus de 7 milliards $ perdu en évasion fiscale. Ça, c’est la bourgeoisie qui planque son fric. En bout du compte, c’est la classe populaire qui doit compenser, via les hausses de tarifs, cet argent non-versé au trésor public. Il est bon de garder ça à l’esprit avant de dénoncer tout et n’importe quoi. Et notez qu’il y a un choix politique très clair à dénoncer les pauvres plutôt que les riches. C’est bon à garder en tête lorsqu’on vous parlera de “neutralité des médias”.
 
L’efficacité n’est pas une valeur exclusive à la droite. Incroyable de juger utile de le rappeler, mais en s’appropriant ce discours, la droite mobilise un sentiment d’aliénation qui suscite une prise de conscience.

La dette

Pour justifier les hausses de frais, les droitistes évoquent la dette. Celle-ci atteindrait près de 290 milliards, soit 94% du PIB (Dette: le Québec au 5e rang dans le monde industrialisé, les Affaires).

Selon Louis Gill, qui a écrit un bouquin nommé “La dette règlement de compte”, le déficit est formé de 50% de dépense courante et de 50% en acquisition d’immobilisation. Ces immobilisations forment les structures essentielles de nos services publics: nos écoles, nos routes, nos hôpitaux, etc. Ce sont des actifs. C’est ce qui fait que le Québec est passé d’un État rural sous contrôle de l’église à un État moderne. “Duplessis se vantait que le Québec n’avait aucune dette. Oui mais on peut répondre le Québec avait rien” ajoute Louis Gill (Les Publications Universitaires).



Au Québec quand on calcule la dette, on ne comptabilise jamais les actifs. C’est un peu comme si vous calculiez votre bilan financer sans tenir compte ni de votre salaire ni de vos biens. Exemple, imaginons que vous avez contracté une dette de 50 000$ et que vous en gagnez autant par année. Vous avez donc une dette brute à 100% de votre revenu. Sauf que ce qu’on nous cache, c’est que dans votre compte en banque, vous avez 40 000$. Votre dette nette, de 10 000$, est donc à 20% de votre revenu. C'est pas mal moins inquiétant!



Les études démontrent que le ratio de la dette publique nette du Québec (c’est-à-dire en considérant les actifs) versus le PIB est dans la moyenne des nations occidentales, et même un peu en deçà.

La dette, c’est un outil de propagande au service des classes riches qui est brandit à tout vent pour justifier tout ce qui n’a pas de sens. La façon de calculer la dette est entièrement arbitraire. Elle est tripatouillée au gré des jeux politiques. Avant on calculait 50% des régimes de retraite. Maintenant c’est 100%. Pourquoi? Un autre mystère.

4 commentaires:

David Gendron a dit…

Cette deuxième partie est beaucoup meilleure. Je vous suis là-dessus.

Une question cependant pour me rassurer: êtes-vous en faveur ou non d'un organisme étatique de censure médiatique comme le CRTC?

"nous convenons que les plus grands liberticides sont les corporations privées, celle là même qui sont tant mises en valeur par les libertariens. "

Techniquement, un vrai libertarien est contre les corporations, mais trop de gens parmi eux ont un discours crypto-fasciste confus dans ce domaine...

David Gendron a dit…

Le soi-disant "privé" n'est pas plus dangereux que l'État, le soi-disant "privé" n'est qu'une extension de l'État...

Francois a dit…

Parlant de discours crypto-fasciste confus: http://ucl-saguenay.blogspot.com/2010/07/vous-avez-dit-anarchiste.html

David Gendron a dit…

Misère...

Voilà un blogue qui fait indirectement la promotion de la répression policière contre les prostituées, et je devrais me fermer la gueule contre ça??????