« C’est le cœur de Saint-Roch; alors, au lieu d’avoir quelques rats comme il y en a actuellement, on veut une place moderne, très animée, très techno » a souligné l'ineffable maire Labeaume hier pour ajouter « On veut que les gens y vivent, en plus d’y travailler ».
La personne avisée s'inquiètera d'un certain esprit du temps qui, dans souci effréné de modernité, pille le passé et bloque l'accès à une classe de gens qui ne cadrent pas dans une certaine vision du développement.
Pourtant le quartier Saint-Roch a toujours appartenue à une classe sociale populaire, notamment ouvrière. Elle est 100 fois plus légitime d'occuper l'espace que tous les parvenus qui arrivent pour se tailler une place dans le "nouvo Saint-Roch 2.0 technoculturel".
Le nom même, Saint-Roch, est particulièrement révélateur.
Saint-Roch, patron des animaux, des malades et des exclus, reste une source d'inspiration pour cette paroisse , où les problèmes sociaux ont longtemps été importants et où se retrouve toujours une grande concentration d'organismes communautaires. Détail intéressant, Saint-Roch est également le protecteur de métiers qui ont marqué l'histoire du quartier (tanneurs, fourreurs, pelletiers, fripiers). Il est aussi celui des boulangers et des vignerons, ce qui est des plus pertinents pour un quartier qui se démarque désormais par son avant-garde gastronomique. Source: Paroisse Saint-Roch, Québec.
Les multiples métamorphoses de la place Jacques Cartier
Dès 1857, on y retrouve un marché public dans lequel on installe le premier établissement culturel à Québec, c'est le Halle Jacques-Cartier.
Les immigrants irlandais, écossais, français et de partout dans le monde quittent les chantiers navals après le boulot pour s'y réunir et voir théâtres populaires, spectacles de variétés et cinémas. Le hall est détruit par le feu en 1911.
On imagine qu'ils ne se gênaient pas pour parler de leurs conditions de travail et de leurs contremaitres anglophones.
Les immigrants irlandais, écossais, français et de partout dans le monde quittent les chantiers navals après le boulot pour s'y réunir et voir théâtres populaires, spectacles de variétés et cinémas. Le hall est détruit par le feu en 1911.
On imagine qu'ils ne se gênaient pas pour parler de leurs conditions de travail et de leurs contremaitres anglophones.
En 1920, le quartier se métamorphose.
L'industrie se reconvertie vers les manufactures de souliers et les tanneries. Fait exceptionnel à l'époque, ce sont des francophones qui exploitent les ouvriers. C'est la naissance du syndicalisme québécois. Les travailleurs et travailleuses s'unissent pour fonder un syndicat catholique, la CSN entre autre. Son siège social est encore aujourd'hui pas très loin de la place Jacques-Cartier.
L'industrie se reconvertie vers les manufactures de souliers et les tanneries. Fait exceptionnel à l'époque, ce sont des francophones qui exploitent les ouvriers. C'est la naissance du syndicalisme québécois. Les travailleurs et travailleuses s'unissent pour fonder un syndicat catholique, la CSN entre autre. Son siège social est encore aujourd'hui pas très loin de la place Jacques-Cartier.
1950, c'est l'époque des grands magasins. Le tramway électrique attire des milliers de personnes.
1969, grande époque de saccage du quartier que l'on met sous le sceau sacré de la modernisation.
En 1961, le Rapport Martin recommande « d’éliminer du quartier Saint-Roch tous les taudis industriels et domiciliaires et de réserver les espaces d’habitation au logement des vieillards ». C'est l’ère des expropriations et des démolitions.
On exproprie des centaines de famille vers les infâmes tours Bardy et on transforme en un non moins horrible centre d'achat la rue Saint-Joseph.
En 1961, le Rapport Martin recommande « d’éliminer du quartier Saint-Roch tous les taudis industriels et domiciliaires et de réserver les espaces d’habitation au logement des vieillards ». C'est l’ère des expropriations et des démolitions.
On exproprie des centaines de famille vers les infâmes tours Bardy et on transforme en un non moins horrible centre d'achat la rue Saint-Joseph.
Toute cette opération est menée par la ville en collaboration avec la chambre de commerce sous la supervision d'un maire imbus de sa petite personne, le maire Gilles Lamontagne.
Sur la photo, on voit quand même que la place avait été emménagé comme une authentique place publique avec une jolie fontaine pour se rafraichir.
1980, les bourgeois tentent de réanimer le quartier qu'ils ont eux-mêmes conduit à sa perte. Le maire Jean Pelletier lance la construction de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Malgré ces nombreuses reconversions, la place Jacques Cartier a conservé jusqu'en 2012 son caractère populaire. Plus ou moins bien aménagée, elle a toujours été un point de rassemblement, une place publique de première importance dans le quartier.
Maintenant, on souhaite détruire cette place pour y bâtir un édifice laid. Selon les documents du PPU
Aujourd’hui, la désuétude des aménagements intérieurs et extérieurs et du stationnement souterrain nécessite des travaux de réfection des bâtiments et de la place ainsi qu’une réorganisation de l’espace intérieur de la bibliothèque. L’utilisation accrue du stationnement souterrain par les résidants, les travailleurs et la clientèle des commerces du secteur requiert également une augmentation du nombre de places.La bibliothèque a été inauguré en 1983. Remarquez qu'en moins de 30 ans, un édifice construit au Québec peut devenir désuet.
La désuétude du stationnement intérieur, le réaménagement nécessaire de la place et des espaces de la bibliothèque ainsi que le potentiel important du site dans son ensemble ouvrent la porte à une densification possible de l’îlot, par une nouvelle construction dont le gabarit plus imposant cadrerait avec les orientations de renforcement du quartier Saint-Roch exprimées dans le Plan de mobilité durable de la Ville. Dans le cadre d’un projet de développement sur le site, le caractère public de la place existante devra être maintenu, voire renforcé.
Source: Des lieux publics attrayants à mettre en valeur
Malgré tout, la dernière phrase du paragraphe laisse entendre qu'on souhaite préserver la place publique. Plus loin, on lit même
"La recherche d’un équilibre entre l’amélioration du cadre bâti et la conservation du patrimoine est le gage d’un processus réussi de rénovation urbaine, dans le respect de l’histoire ouvrière de Saint-Roch."En lisant les documents, il n'est pourtant pas clair de comment on agencera une place publique avec un building de 60 mètres en forme de bol de toilette. Avez-vous une idée de l'intensité des couloirs de vent qui se formeront autour? Est-ce que les gens pourront y flâner, ou est-ce que les gens se feront plutôt harceler par les policiers?
Source: Le patrimoine urbain de Saint-Roch
Poursuivons la lecture
La poursuite du dynamisme culturel du pôle de la place Jacques-Cartier passe par une inévitable mise à niveau des espaces de la bibliothèque et de ses équipements dans l’esprit de l’implantation du concept de la technoculture dans l’ensemble du quartier Saint-Roch.Notez que le terme "technoculture", qui revient constamment dans les documents du PPU, est une initiative fantaisiste du PDG de l'entreprise de jeu vidéo Beenox. Grosso-modo, il s'agit d'une astuce pour retenir les jeunes travailleurs et travailleuses dans le quartier à l'aide de bébelles technos comme une "garderie technologique", des "écrans géants" et des lampadaires qui parlent. Le tout financé par des deniers publics bien sûr.
Source: Portrait général
Labeaume, dont on connait les gouts raffinés, s'en est aussitôt amouraché. (pour en savoir plus, lire « Illumination » numérique du parc Saint-Roch : à quelles fins ? dans le Droit de parole de mars)
Ce qui se passe sur la place Jacques Cartier est à l'image de tous les quartiers populaires. On peut décrire le phénomène en un seul mot: gentrification. Embourgeoisement. Chasser les pauvres pour les remplacer par des nantis. Un être humain qui ne consomme pas n'est pas vraiment digne de considération.
Ce soir, scéance d'information à 19h au Centre récréatif Saint-Roch 230, rue du Pont.
Il y aura une consultation publique fin septembre-début octobre mais, comme vous savez, si en dictature c'est ferme ta gueule en démocratie c'est cause toujours.
Lire aussi
Zones franches: Saint-Roch menacé
Saint-Roch: un autre viol à l'horizon?
Mail Saint-Roch: On à la mémoire courte
Revitalisation ? Dépossession !
Sources
Le PPU
Quartier Saint-Roch, la renaissance du coeur urbain de Québec
L'esprit du lieu: Québec
6 commentaires:
L'édifice de 16 étage en soi ne me dérange pas. Sa laideur si.
Nos élus ne se font pas élire pour leur goût architectural. Il y a là une lacune. Pour les candidats, aimer le style et l'art moderne devraient constituer un gros handicap.
Les Attracteurs, ces choses technoculturelles, sont laids, prétentieux et coûteux ($1.2M). Des intrus dans le décor de Saint-Roch. André Du Bois l'artiste enlaidit édifices et espaces à un rythme alarmant.
Est-ce que Labeaume a vraiment dit le truc sur "les rats" ??!
Alex
Shit !! Il a dit ça pour vrai! Il parle des pauvres là?
Shit !! Il a dit ça pour vrai! Il parle des pauvres là?
Sérieux c'est pas mal interprétation libre. La source est indiquée.
Putain, je me trouve généralement de gauche, mais vous êtes aussi nuancé et rétrograde que n'importe quelle radio poubelle!
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