L'histoire de Linda

Linda n'a pas trop le profil d'une militante enragée. À la voir, on jurerait une ancienne fonctionnaire désormais à la retraite. Ou une ancienne femme au foyer dont les enfants ont depuis longtemps quitté le domicile.

Pourtant, c'est bien ce genre de personne que la répression contribue à radicaliser. Mieux que mille conférences ou 100,000 copies de Cause Commune. Au Québec en ce moment, on transforme des gens sans histoire en révolutionnaires.

Femme dans la cinquantaine, Linda s'est présentée à l'hôtel de ville hier avec une belle pancarte fait main. Sur celle-ci, Linda a mise une citation de Gandhi.

En lui parlant, je trouve Linda bien naïve. "En voilà encore une qui n'a pas perdue ses illusions sur les politiciens" me dis-je. Elle venait juste d'affirmer qu'elle connaissait bien les parents de Geneviève Hamelin qu'elle estimait beaucoup, Elle ne pouvait  concevoir qu'elle avait votée, comme les autres, pour un règlement aussi injuste.

Mme Hamelin a fait comme tous les autres membres d'Équipe Labeaume, elle a levé la main quand le chef lui a demandé de le faire. Il parait qu'on dresse des chiens pour faire ça.

Toujours est-il que la Linda était pas contente. Mais pas contente "correct" mettons.

Plus tard elle n'a pas hésité à rejoindre les jeunes dans une manif spontanée. "On reste unis!" est le slogan qu'elle a encouragé les gens à scander.

Elle s'est fait interpeller comme les autres sur la rue Saint-Jean. On l'a relaché après lui avoir remis un beau constat 500.1 et on a confisqué sa belle pancarte de Gandhi.

Maintenant on entend déjà la droite exulter. "C'est bien fait pour elle! Cette malfaisante n'a eue que ce qu'elle méritait! Elle y pensera à deux fois la prochaine fois!". Le système marche et un conflit social peut être mâté en augmentant la répression. Point à la ligne.

Qu'est-ce que Linda a fait?

Elle s'est fabriquée une nouvelle pancarte dans les heures qui ont suivie. En soirée, elle s'est présentée avec les étudiant-e-s pour la 51e manif nocturne face à l'assemblée nationale.

Au cours de la manif, nouvelle tactique policière. Ils appellent ça "des arrestations ciblées". Quelques policiers arrivent, à pied et en bicycle, et interpellent trois personnes dans la foule. Parmi elles, je vous le donne en mille, Linda. C'est elle qui aurait prise le mégaphone plus tôt, au début de la marche.

Je sais pas si Linda va aller voter pour Geneviève Hamelin la prochaine fois. Une chose est certaine, la répression ne l'a pas assagie. Ça ne l'a même pas ralentie. Certaine de l'ampleur de l'injustice, sûre de la justesse de sa cause, elle en est ressortie plus endurcie, déterminée... et enragée.