lundi 27 juillet 2009

Réflexion sur la Plate-forme

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

La Plate-forme d'organisation des communistes libertaires ou la Plate-forme d'Arshinov, écrite en 1926, eut beaucoup d'écho au sein du mouvement libertaire. Ce texte se présentait non pas comme une bible, ou un programme dogmatique, mais plutôt comme un guide suggérant aux anarchistes une voie d'organisation et d'efficacité.


Mais quelles étaient les raisons qui ont motivé à l'époque un groupe d'exilés russes et ukrainiens, ayant participé à l'un des épisodes les plus riches en enseignements révolutionnaires, pour ouvrir le débat sur l'organisation anarchiste?

Historique de la Plate-forme d'Arshinov

Mise en contexte
En 1926, un groupe d'anarchistes russes en exil en France, le groupe Dielo Trouda (Cause Ouvrière), publia dans son numéro de juin la première partie de la Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes. La publication de la Plate-forme se poursuit à travers les pages des numéros subséquents. Ce texte, contrairement à beaucoup de textes cruciaux du mouvement révolutionnaire, émergeait non pas d'une étude académique mais bien de leur expérience révolutionnaire en Russie et pour beaucoup de la guérilla qu'ils et elles avaient menée en Ukraine, dans un premier temps contre les blancs puis finalement contre les bolcheviques.

L'histoire a souvent omis le rôle crucial que le mouvement anarchiste a joué dans la révolution russe. À l'époque il y avait environ 10 000 militants et militantes anarchistes en Russie, en plus du mouvement en Ukraine dont la figure la plus emblématique fut Nestor Makhno. D'ailleurs, il est à noter que le Comité militaire révolutionnaire, dominé par les bolcheviques, qui organisa la prise du pouvoir en octobre 1917 à Moscou, comptait en son sein au moins quatre anarchistes. De plus, les anarchistes étaient impliqués dans les soviets, qui s'étaient multipliés après la révolution de février. Les anarchistes étaient particulièrement influents dans les mines, sur les docks, dans les postes, dans les boulangeries et ont joué un rôle important lors du Congrès pan-russe des conseils ouvriers qui s'est réunit à la veille de la révolution. C'étaient ces comités que les anarchistes voyaient comme base de la nouvelle autogestion qui serait mise en place après la révolution.

Dès 1918, les bolcheviques trahirent la révolution et les intérêts de classe des travailleuses et travailleurs, en éliminant toutes les tendances qui pouvaient s'opposer à eux. En avril, plus de 600 anarchistes furent emprisonnés et beaucoup furent assassinés par la Tchéka. À partir de ce moment, une partie des anarchistes joignirent les bolcheviques sur la base de l'efficacité et de l'unité contre la réaction, et une autre partie continua la lutte pour défendre la révolution. Le mouvement makhnoviste en Ukraine et l'insurrection de Kronstadt furent leur dernières grandes batailles, et toutes les deux se terminèrent dans un bain de sang face aux bolcheviques. Beaucoup d'anarchistes à ce moment quittèrent la Russie et s'exilèrent un peu partout en Europe, notamment en France. En 1925, plusieurs d'entre eux dont Nestor Makhno, Piotr Arshinov et Ida Mett fondèrent la revue Dielo Trouda.

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10 commentaires:

Anonyme a dit…

Une révolution violente focusée en premier lieu sur la lutte des classes et la méthode de syndicalisme révolutionnaire en 2009?

C'est vraiment ce que l'UCL travaille pour?

Anonyme a dit…

Je ne crois pas que l'UCL soit en faveur de l'utilisation de la violence.

De toute façon, il ne peut pas y avoir de révolution anarchiste violente.

Anonyme a dit…

Sauf le mot "violence", je n'ai pas de problème avec le reste!

Nicolas a dit…

En vrac:

1. Violence

La vraie question c'est: est-ce qu'une transformation sociale radicale peut se faire sans violence? La réponse est malheureusement non.

On parle quand même d'abolir la propriété privée des moyens de production et de distribution, de redistribuer les richesses et d'éliminer les privilèges... Ce qui ne se fera pas sans heurt.

Je crois que l'on peut et que l'on doit limiter la violence à son maximum. Mais je ne crois pas que l'on puisse complètement l'éliminer. Je suis contre la violence gratuite mais je suis aussi pour le droit à l'autodéfense.

2. Lutte de classe

Oui, la lutte de classe est centrale. L'exploitation est au coeur du capitalisme, pas de lutte de classe, pas d'anticapitalisme.

La lutte de classe est centrale... Mais ce n'est pas la seule chose qui soit centrale. La lutte contre l'État et l'autoritarisme est également centrale, tout comme la lutte contre le patriarcat, le sexisme et l'homophobie, ainsi que la lutte contre la xénophobie, le racisme, le nationalisme, l'impérialisme, etc. Dans tous les cas, ce qui importe c'est la nécessité de la lutte, le caractère social du combat et l'importance de formes libertaires de masse. En d'autres mots... la lutte de classe.

3. La méthode syndicaliste révolutionnaire

Si par méthode syndicaliste révolutionnaire on entend construire, un syndicat révolutionnaire, une section de l'AIT ou des IWW, alors non, nous ne sommes pas syndicalistes révolutionnaires. Mais si par syndicalisme révolutionnaire on entend organiser un contre-pouvoir populaire au coeur de l'économie (dans les entreprises) et de la cité (dans les quartiers), alors oui, nous sommes syndicalistes révolutionnaires.

De toute façon, comme voulez-vous faire une révolution communiste libertaire, donc socialiser l'économie, si les gens ne sont pas massivement organisés dans leurs quartiers et leurs lieux de travail; s'ils n'ont pas déjà commencé à expérimenter la nouvelle société au coeur de l'ancienne?

Anonyme a dit…

Dites-moi si j'abuse de mots, mais il me semble que ce programme dont tu parles Nicolas est assez différent au programme de la plateforme(tel que dans le texte). Au sujet de la violence, c'est probablement s'empêcher toute possibilité d'insertion social au 21ième siècle que d'inscrire dans son programme la révolution violente (d'autant plus que c'est de la chaire fraiche pour les médias bourgeois). Sur une possible nécessité de défense, effectivement, mais il y a un pas... Au niveau de la lutte des classes, c'est un concept qui ne reconnait, dans sa forme la plus répendue (marxiste), que l'oppression des classes sociales au niveau économique. Par rapport à la plateforme, plusieurs autres formes d'oppression ont à être mises sur un pied d'égalité pour "fitter" avec la réalité moderne. Quant au syndicalisme révolutionnaire, il me semble davantage s'agir d'une stratégie de contre-pouvoir.

Est-ce que la plateforme est encore un ouvrage duquel on peut s'inspirer ou se baser? D'autres organisations communistes libertaires font pourtant très bien sans (AL par exemple et même assez régulièrement l'UCL, si je ne me trompe). Pourquoi trainer un vieux document du bout du monde et de près de 100 ans?

Nicolas a dit…

Tout ce qui est vieux n'est pas nécessairement mauvais. L'anarchisme, après tout, est passablement vieux --encore plus que la plate-forme-- et ça ne nous empêche pas de nous dire anarchistes!

On ne «traine» pas la plate-forme, c'est une source majeure d'inspiration. Quand on est anarchiste et que l'on veut s'organiser, il n'y a pas des masses de source d'inspiration. La plate-forme trouve un écho en ce qu'elle voulait rénover l'anarchisme, le baser sur du solide et l'organiser sérieusement. Les solutions qu'elle propose, notamment au chapitre organisationnel, sont toujours d'actualité.

Que le programme de la plate-forme ait vieilli, ça je le concède. Il faudrait l'actualiser mais je ne la jetterais pas pour autant aux orties... En tout cas, tant qu'on ne l'a pas dépassé.

(Dépasser la plate-forme, c'est ce qu'on fait à leur manière presque toutes les organisations communistes libertaires qui aujourd'hui semblent «très bien faire sans», notamment AL dont l'ancêtre l'était passablement.)

La plate-forme est une source d'inspiration, un repère, une filiation. Pour moi --et l'UCL-- ça reste important.

* * *

Encore sur la violence. Tout est question de contexte. Aujourd'hui je n'écrirais pas la plate-forme comme dans les années 1920. Moi ce ne sont pas les lignes sur la violence qui me font sursauter mais celles sur la démocratie (complètement assimilée à la démocratie parlementaire). N'empêche.... C'était justifié à l'époque.

Et ça l'est encore aujourd'hui! Mentir ou se bercer d'illusions sur la possibilité d'une révolution pacifique ou non-violente n'est pas plus intelligent. Quiconque participe à des luttes sait qu'il y a un continuum d'affrontements. Il est toujours question de rapport de force et de la force à la violence il n'y a qu'un pas. Disons qu'il faudra user de la force pour faire la révolution et probablement de violence pour la défendre ;-)

Ceci dit, je ne crois pas que ce soit un frein à l'insertion sociale ni que ça prête tant flanc que ça aux médias. D'une part, les gens n'aiment certes pas la violence mais elle est omniprésente. Et les gens savent bien que pour changer le monde, il va falloir vouloir en maudit... Et pour ce qui est des médias, à partir du moment qu'on dit qu'on veut faire la révolution, qu'on parle de violence ou pas c'est du pareil au même...

Ceci dit, ce n'est jamais la première chose que j'aborde avec les gens... Mais je ne me cache pas: notre projet politique implique des affrontements et ultimement probablement une certaine dose de violence. Après reste à voir comment on peut la limiter.

Nicolas a dit…

Encore sur la lutte de classe... Il y a différentes formes d'oppression et il y a l'exploitation. Ce n'est pas la même chose.

À mon avis, l'aspect déterminant de la société que nous voulons changer c'est son caractère capitaliste. C'est ce qui teinte et caractérise tout le reste.

Je crois qu'il faut penser stratégiquement. Le point faible du capitalisme c'est la production et la distribution de marchandises. C'est par la lutte de classe que nous avons du pouvoir et que nous pouvons détruire le capitalisme.

Maintenant, je ne suis pas un partisan de l'idée qu'il y a des luttes secondaires et des luttes principales. Pour les personnes qui luttent, leur lutte n'est jamais secondaire (sinon elles ne seraient pas en lutte!).

Alors voilà, je pense qu'il y a deux aspects à la question de la lutte contre les oppressions. Premièrement, il y a leur intérêt en soit. Secondo, il y a leur intérêt stratégique. Imagine toi donc que le prolétariat est aujourd'hui majoritairement formé de femmes, de gens de couleurs, d'homosexuels, de jeunes, ... Enfin, de plein de gens qui vivent des oppressions spécifiques. Alors je crois que stratégiquement, la lutte de classe doit prendre en compte ces aspects. Non seulement cela mais je crois aussi que c'est aux intersections où se croisent différentes formes d'oppressions et l'exploitation que le système est le plus faible. Alors, plutôt que de taire les revendications spécifiques des groupes les plus opprimés pour ne pas nuire à l'unité de classe, je crois plutôt qu'il faut les mettre au coeur de la lutte. Comme les syndicats l'ont fait, par exemple, avec les revendications féministes (garderie, équité salariale, conciliation travail-famille, etc.).

Maintenant, pour terminer, je ne crois pas que la question de classe ne se joue qu'au niveau économique. C'est plus large, ça teinte tout le reste aussi. C'est, essentiellement, une question de pouvoir (ou de non-pouvoir) qui trouve sa source dans l'économie mais qui s'étend à tout le reste. Il y a non seulement la question de savoir qui possède et contrôle les moyens de production mais aussi la question de savoir qui exécute et qui dirige.

Anonyme a dit…

Il suffirait que les gens prennent conscience de la classe sociale à laquelle ils appartiennent pour qu'ils voient plus clairement où sont leurs intérêts. Alors les pauvres et les travailleurs cesseraient de voter à droite, et peut-être même, s'organiseraient.
Alex

Anonyme a dit…

"Je crois que l'on peut et que l'on doit limiter la violence à son maximum. Mais je ne crois pas que l'on puisse complètement l'éliminer. Je suis contre la violence gratuite mais je suis aussi pour le droit à l'autodéfense."

Aucun problème avec ça! Mais une révolution anarchiste ne peut pas initier cette violence, sinon elle devient elle-même un État!

BlackBloc a dit…

Anarchopragmatisme, l'initiation seule de la violence n'est pas un Etat. Un Etat consiste en la violence *monopolisee*, par un groupe de *professionnels* (compose d'enforceurs i.e. police et juges, ainsi que de dirigeants qui erige les regles de cette violence), en vue de creer une dominance de classe sur une autre. L'initiation de le violence pour eliminer l'Etat ne creerait pas un Etat, c'est un non-sens.

Je sais que bcp d'anarchistes essaient de dorer la pilule en confondant violence et coercion, et en argumentant que le capitalisme est deja de la violence donc les anarchistes ne pourraient en aucun cas initier la violence, celle-ci etant deja initiee. Soit. Moi je fais une distinction entre violence et coercion (qui peut etre economique, et donc d'une forme differente de la violence). Je considere que si c'est dans notre interet d'initie la violence, alors on devrait le faire. Je crois seulement que ce n'est probablement pas a notre avantage, pour des raisons pratico-pratiques (manque de ressources, entre autres, et puis le fait que l'Etat est une organisation qui est mieux apte a etre violente que nous le somme, et que se battre sur leur champ de bataille c'est une mauvaise idee).