lundi 26 avril 2010

Garderies privées : le gouvernement cède


C'est fou l'effet que l'atteinte des bas fonds dans les sondages peut avoir... Tony Tomassi, le ministre de la Famille, a décidé de revoir le mode d'attribution des places en garderie.

Finie la politisation des dossiers qui a cours depuis 2008. Le ministre va s'en remettre à la concertation régionale pour l'attribution des nouvelles places. Fini aussi le marché de la revente, il faudra dorénavant déposer une nouvelle demande de permis en cas de vente de 10% et plus des actions d'une garderie privée.

Soumis à la question presque quotidiennement par l'opposition depuis le mois de décembre, le ministre cède donc sur l'essentiel. Pourtant, ça risque de ne rien donner puisqu'il modifie le futur et non le passé... Les 1600 places qui avaient été accordées à 33 garderies privées dont les administrateurs ont versé 134 000 $ au PLQ depuis 2003 risquent de le hanter longtemps.

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2003, justement. Vous souvenez-vous? Les CPE avaient été l'une des premières cibles, avec les syndicats, des attaques libérales. Officiellement, ça coûtait épouvantablement cher. Officieusement, les libéraux étaient incapables de faire confiance à une structure sans but lucratif, issue du mouvement communautaire. Trop public, trop socialisant à leur goût.

Depuis sept ans, le réseau s'est essentiellement développé avec des places en milieu familial et des garderies privées. Tant pis pour la qualité (l'immense majorité des plaintes viennent des garderies privées), l'économie en valait la chandelle. Sauf que le système est en train de péter dans la face des libéraux. Les femmes qui opèrent des garderies en milieu familial ont maintenant le droit de se syndiquer et le font à vitesse grand «V». Dans le privé se sont développés une corruption et un copinage politique dont on ignore l'ampleur mais qui contribuent grandement à plomber un gouvernement au bout du rouleau.

De l'autre bord, malgré la propagande, les parents ont défendu becs et ongles leurs CPE et les conditions de travail de celles qui s'occupent de leurs enfants jour après jour. Les éducatrices jouissent aujourd'hui d'un statut similaire à celui des infirmières dans l'opinion publique et sont l'un des rares groupes à pouvoir tout à la fois engager des moyens de pression, y compris la grève, sans perdre l'appui des gens.

Cela devrait être porteur d'enseignements pour l'avenir des services publics. Qui est assez fou pour croire qu'une introduction accrue du privé dans d'autres secteurs aurait des effets différents? Le public est par définition à but non lucratif, y introduire le profit c'est le dénaturer. Mais il faut aller plus loin. Le secteur public est bourré d'histoires d'horreur de gaspillage d'argent et de ressources humaines, d'aliénation des usager-e-s transformé-e-s en client-e-s (aussi bien traité-e-s que chez Bell!) ou en cobayes.

À contrario, les CPE, à qui on a autrefois reproché d'avoir des surplus accumulés (!), s'en sortent relativement bien. On ne peut pas les vendre ni faire d'argent avec. Rien n'interfère avec leur mission fondamentale à l'égard des enfants. Leur structure autonome et décentralisée, sans grande hiérarchie sociale, dans laquelle les parents et les travailleuses ont réellement du pouvoir, les met à l'abri de bien des tares du secteur public (sans être non plus une panacée).

Quand on aura fait tomber le gouvernement et qu'on démolira de fond en comble ce système pourri, il faudra se rappeler de l'histoire des garderies. Qui sait, on y trouvera peut-être l'inspiration pour un service public libertaire ?

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